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Rétrospective 2011

Un article d'Andrea Tornielli fait le point sur les derniers mouvements de rebellion dans les pays de vieille tradition chrétienne. Traduction et dossier. (5/2/2012)



Pris entre l'étau et l'enclume, autrement dit entre les prétentions exorbitantes des progressistes de tous poils et de tous pays, et celles des traditionalistes (qui pourraient bien avoir raison sur certains sujets liés au Concile Vatican, à en juger par les excès des premiers), le Saint-Père doit en ce momemnt faire face à des difficultés immenses pour gouverner la Barque de Pierre.
Andrea Tornielli fait une synthèse des derniers mouvements de contestation qui traversent les Eglises du centre et du Nord de l'Europe.... mais pas seulement. Il parle même de risque de schisme.
A titre personnel, je pense qu'il ne faut pas surévaluer ces mouvements, c'est leur faire trop d'honneur. Mais s'ils sont divisés, ils disposent de relais très puissants (contrairement aux traditionalistes), surtout dans les medias - catholiques ou non, ces derniers pouvant être momentanément considérés comme des alliés objectifs. Et je suis prête à parier que le livre "ambitieux" de Pietro de Paoli annoncé récemment dans le Pélerin (Un nouveau livre de Pietro de Paoli) sera précisément un manifeste de leurs revendications, destiné à les amplifier au maximum.

Articles reliés de ce site


L'Eglise en Belgique à la dérive
(une section spéciale du site): http://benoit-et-moi.fr/2010-II/..

A propos de l'affaire Wagner, nombreux articles (moteur de recherche interne), en particulier:
-->> Dechaînement
-->> Trop conservateur pour être évêque
-->> Considérations sur l'affaire Wagner par le Père Scalese

A propos de la Pfarrer Initiative:
-->> Le timonier de l'Eglise & l'anarchie de la rupture
-->> Fronde autrichienne: une révolte d'enfants gâtés (et l'excellente analyse de Restan)

L'appel des théologiens allemands (section spéciale du site): http://benoit-et-moi.fr/2011-I/...

A propos de l'Eglise en Australie:
-->> Témoignage d'un prêtre "Gaudium et Spes"
-->> et la réponse du Cardinal Pell: Some Gaudium and no spes

A propos de l'Eglise en Hollande.
-->> En Hollande, l'Eglise s'était ouverte au monde (et aussi ici)

A propos du célibat des prêtres: très nombreux articles ici (moteur de recherche interne) en particulier:
-->> Un texte du cardinal Mauro Piacenza, préfet de la Congrégation pour le clergé: Le célibat des prêtres: une question de radicalité évangélique.

Et en France aussi:
-->> Prêtres mariés, femmes prêtres

     



Rebelles au Pape
http://www.labussolaquotidiana.it (ma traduction)
Andrea Tornielli
4/2/2012
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Les Eglises du Nord et du centre de l'Europe sont traversées de vents de rébellion. Certains parlent de «schisme silencieux», d'autres minimisent. Sans aucun doute, c'est un phénomène inquiétant, qui affecte les pays de tradition catholique ancienne, comme l'Autriche ou la Belgique.

En Belgique, par exemple, plus de deux cents prêtres , soutenus par des milliers de fidèles, demandent par écrit l'admission des divorcés remariés la communion, l'ordination d'hommes mariés, mais aussi des femmes, ainsi que la possibilité pour les laïcs de prononcer l'homélie pendant la messe du dimanche. Ce qui frappe, dans l'appel belge, ce ont les signatures. Parmi les signataires du manifeste progressiste, il y a en effet des personnalités très en vue du catholicisme, comme le recteur honoraire de l'Université catholique de Louvain, Roger Dillemans, le gouverneur de la province de Flandre occidentale Paul Breyne, les ex-membres du Conseil Pastoral Inter-diocésain, et quelques prêtres connus. L'appel dit: «Nous sommes convaincus que si, en tant que croyants, nous prenons la parole, les évêques nous écouteront et seront prêts à poursuivre le dialogue sur ces réformes urgentes».

Comme on s'en souvient, en 2010 - véritable 'annus horribilis' pour l'Eglise en Belgique - la police a tenu prisonnière durant une journée entière la totalité de la conférence épiscopale, tandis qu'étaient ouvertes les tombes de cardinaux, à la recherche de documents sur la pédophilie dont seul un esprit à la Dan Brown pouvait imaginer qu'ils étaient conservés dans les tombes des défunts archevêques.
Le scandale de la pédophilie est agité par les signataires de l'appel pour justifier une révision de la règle du célibat: dommage que les statistiques aient amplement démontré qu'il n'existe pas de lien entre le célibat et la pédophilie, étant donné que la plupart de ces terribles violences surviennent en famille.
A Buizingen, au sud-ouest de Bruxelles, après la mort du vieux curé de la paroisse Don Bosco, pour laquelle on n'a pas trouvé de remplaçant, les paroissiens ont formé un mouvement alternatif en faisant célébrant la messe par des laïcs.

Des mouvements similaires se sont déjà répandus en Autriche, où au moins 329 prêtres ont rejoint la «Pfarrer-Initiative», un «appel à la désobéissance» dans lequel sont demandées des réformes urgentes dans l'Église. Il convient de rappeler qu'en Autriche, justement, dans le diocèse de Linz, a eu lieu l'un des incidents de parcours qui ont marqué le pontificat de Benoît XVI. En Janvier 2009, le pape avait en effet nommé évêque auxiliaire de Linz Gehrard Wagner, qui a été forcé de démissionner avant d'être consacré, parce qu'il était considéré comme «trop conservateur». Parmi ceux qui demandaient à grands cris sa démission, il y avait un chanoine du diocèse de Linz, qui ne faisait pas mystère de vivre avec une femme.

Les signataires de l'«appel à la désobéissance» ont impliqué d'autres groupes de base (tels que «Nous sommes Eglise »), qui présentent depuis des années des requêtes similaire au Saint-Siège, à savoir l'abolition du célibat obligatoire pour les prêtres de l'Église latine, la communion pour les divorcés et remariés et le sacerdoce féminin. Ces dernières semaines les dissidents ont menacé de continuer avec les «messes» célébréees par les laïcs, au cas où leurs demandes d'ordonner prêtres des hommes mariés et des femmes ne seraient pas stisfaites.

À cet égard, il est utile de rappeler que les deux demandes ne sont pas équivalentes: L'Église catholique considère le célibat des prêtres comme un don précieux qui doit être défendu, mais permet des exceptions au choix du célibat - une discipline qui a aussi des raisons théologiques - dans le cas de prêtres catholiques appartenant aux Eglises orientales (qui peuvent être mariés avant l'ordination) ou dans le cas plus récent des anglicans rentrés en communion avec Rome. Tout autre chose est la requête de l'ordination sacerdotale des femmes, à plusieurs reprises déclarée irrecevable et l'objet d'une Lettre apostolique spécifique de Jean-Paul II (Ordinatio Sacerdotalis, 1994), dans laquelle le Pape a écrit: "Bien que la doctrine sur l'ordination sacerdotale à réserver aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l'Eglise et fermement enseignée par le Magistère dans ses documents les plus récents, à l'heure actuelle, en certains endroits, elle est considéré comme discutable, ou encore, on attribue à la décision de l'Eglise de ne pas admettre les femmes à cette ordination une simplement valeur disciplinaire». «C'est pourquoi, - concluait le Bienheureux Jean-Paul II -, afin de dissiper tout doute sur une question importante qui concerne la constitution divine de l'Eglise elle-même, en vertu de mon ministère de confirmer les frères, je déclare que l'Eglise n'a en aucune façon le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes, et que ce jugement doit être considéré définitivement par tous les fidèles».

Le 6 novembre dernier, les protestataires autrichiens ont signé un nouveau document sur «L'Eucharistie en période de pénurie de prêtres », qui définit comme «règles obsolètes» ceelles en vigueur dans l'Eglise, et le célibat des prêtres comme une «pratique tardive». Il demande de «confier la direction de la communauté et la célébration de l'Eucharistie aux hommes mariés et aux femmes», et déclare que «La route vers l'ordination des femmes ne peut pas être entravé par l'interdiction du Pape d'en discuter» parce que chaque communauté « a droit à un guide, homme ou femme».

Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, et l'évêque de St. Pölten Küng Klaus ont qualifié ces propositions de «rupture ouverte avec une vérité centrale de notre foi catholique» et de « grand péril». Même si les sondages doivent être pris avec des pincettes et relativisés de manière appropriée, les résultats d'un sondage commandité par la télévision autrichienne ORF - selon lequel au moins 72% des prêtres dans le pays seraient favorable à «l'appel à la désobéissance» - sont une source de préoccupation pour le Vatican . 71% voudraient supprimer l'obligation du célibat, et 55% sont ouverts au sacerdoce féminin. Chaque jour qui passe, le spectre d'un schisme devient de plus en plus imminent et menaçant.

Il serait erroné de sous-estimer ces signaux, qui résonnent de façon lointaine à nous autres Italiens. Et on aurait tort de croire que ces phénomènes ne sont répandus que dans certaines églises d'Europe centrale connues pour leur effervescence et historiquement caractérisé par la confrontation avec le monde du protestantisme. En effet, des nouvelles similaires viennent d'autres pays et sous d'autres latitudes. Aux États-Unis, il y a 157 prêtres qui manifestent contre le Pape, lui demandant d'annuler l'obligation du célibat et d'ouvrir l'ordination des femmes prêtres. En Australie, un millier de fidèles du diocèse de Toowoomba, près de Brisbane, dans le sud-est du pays, ont envoyé une lettre à Benoît XVI pour contester la décision annoncée en mai dernier du retrait de Mgr William M. Morris, 67 ans. Mgr Morris s'était dit "possibiliste" à propos de l'ordination des femmes prêtres et pour remédier à la pénurie de prêtres, il avait appelé dans les célébrations des pasteurs protestants. Les signataires de la lettre envoyée au Vatican demandent des explications au sujet du retrait de Morris et exigent également que «plus jamais un traitement semblable ne se produise dans d'autres diocèses de l'Australie».

L'émergence de cette dissidence cause de la peine au Pape, qui appelle continuellement à la conversion, invitant à ne pas penser que la solution réside dans le changement des structures ou dans le réajustement des «ministères».
En plein milieu de la tempête post-conciliaire, le 4 Juin 1970, à Münich, celui qui était alors le professeur Joseph Ratzinger avait donné une conférence intitulée: «Pourquoi je suis encore dans l'Église aujourd'hui.»
Il disait que «la réforme, dans sa signification originelle, est un processus spirituel très proche de la conversion et en ce sens fait partie du cœur du phénomène chrétien; ce n'est que par la conversion que l'on devient chrétien, et cela vaut pour toute la durée de vie de l'individu et tout au long de l'histoire de l'Eglise».
«Si la réforme s'éloigne de ce contexte, de l'effort de conversion - concluait Ratzinger - et si l'on attend le salut uniquement du changement des autres, de formes et d'adaptation au temps toujours nouvelles, ... la réforme devient une caricature d'elle-même».