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La révolution culturelle des "sixties"


Selon le sociologue Massimo Introvigne, c'est elle qui est responsable des scandales de pédophilie dans l'Eglise. Et le Pape le sait, c'est le thème qu'il a développé dans le n°4 de sa "lettre" (24/3/2010)

Dans la lettre de Benoît XVI aux catholiques d'Irlande, Massimo Introvigne a particulièrement retenu le paragraphe 4 (*), et il en donne une lecture sociologique. Selon lui, c'est dans la quatrième Révolution, celle des sixties (pour nous français: "soixante-huit") qu'il faut chercher la raison des abus sur les enfants.
Cette révolution est sans précédent dans son ampleur et sa gravité, car elle touche l'intériorité de l'homme, et nous n'en sommes pas sortis.
Benoît XVI a clairement - et depuis longtemps - identifié le problème. Il nous dit que n'est qu'en le regardant en face qu'on pourra apporter des remèdes.
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Texte en italien ici (Zenit):
http://paparatzinger3-blograffaella.blogspot.com/..
Ma traduction:

La lettre pastorale du Saint-Père au sujet des abus sexuels et la révolution culturelle des années 60
par Massimo Introvigne
22 mars 2010



Il est évident que la "Lettre aux catholiques de l'Irlande" de Benoît XVI ne s'adresse pas aux sociologues. Le Pape parle d'une église blessée et désorientée par les nouvelles relatives aux prêtres pédophiles.
Il dénonce d'une voix très forte les "crimes monstrueux", "la honte et le déshonneur," la violation de la dignité des victimes, le coup porté à l'Église "à un degré que pas même des siècles de persécution ne sont parvenus à atteindre."
Au nom de l'Eglise il "exprime ouvertement la honte et le remords". Il aborde le problème du point de vue du droit canonique - répétant avec force que c'est sa "non-application" parfois même par des évêques, et non ses normes, comme une certaine presse laïque le prétend, qui a provoqué la "honte" - et de la vie spirituelle des prêtres, dont la négligence est à l'origine du problème et à laquelle il leur demande de retourner à travers l'adoration de l'Eucharistie, les missions, la pratique fréquente de la confession. Si ces mesures correctives sont prises en considération, il est possible que la Providence, qui peut tirer un bien même du pire des maux, puisse en cette année sacerdotale, ouvrir aux prêtres "une saison de renaissance et de renouveau spirituel", montrant "à tous que, là où le péché abonde, la grâce surabonde" (cf. Rm 5, 20). Par ailleurs, "Personne ne peut imaginer que cette situation douloureuse sera résolue dans de brefs délais" .
Cependant, le Pape - qui n'entend certainement pas prendre la place des sociologues - propose également une interprétation des racines d'un problème, "qui n'est certes pas propre à l'Irlande ou à l'Église". Après avoir évoqué les gloires pluriséculaires du catholicisme en Irlande - une histoire de sainteté qui ne peut et ne doit pas être oubliée - Benoît XVI fait allusion aux dernières décennies et aux "graves défis à la foi, découlant de la transformation et de la sécularisation rapides de la société irlandaise."
«Il y a eu - explique le pape - un changement social très rapide, "qui a souvent eu des effets contraires à l’adhésion traditionnelle des personnes à l'égard de l'enseignement et des valeurs catholiques". Il y a eu une déchristianisation "rapide" de la société, et on a vu simultanément, y compris au sein de l'Eglise, "la tendance, également de la part de prêtres et de religieux, à adopter des façons de penser et à considérer les réalités séculières sans référence suffisante à l'Evangile". "Le programme de renouveau proposé par le Concile Vatican II fut parfois mal interprété"
"Très souvent, les pratiques sacramentelles et de dévotion qui soutiennent de la foi et lui permettent de croître, comme la confession fréquente, la prière quotidienne et les retraites annuelles ont été négligées. "C'est dans ce contexte général d'affaiblissement de la foi et de perte de respect pour l'Eglise et ses enseignements "que nous devons essayer de comprendre le problème déconcertant des abus sexuels sur les enfants".

Dans ce quatrième paragraphe de la Lettre aux catholiques de l'Irlande, Benoît XVI pénètre sur un terrain qui est aussi celui du sociologue et qui naturellement n'est pas séparé de façon rigide des autres éléments d'interprétation. Certes, les règles du droit canonique ont été violées. Certes, la vie de piété des prêtres s'est affaiblie. Mais pourquoi, précisément, cela s'est-il passé? Quand?
Revenant à des thèmes familiers de son magistère, Benoît XVI cite parmi les causes la "mauvaise interprétation" du Concile - ailleurs il a parlé d'une "herméneutique de la discontinuité et de la rupture" - et non les documents de Vatican II en eux-mêmes. Mais cette "mauvaise interprétation" elle-même a été possible dans un cadre général dont l'Eglise ne pouvait se tenir complètement à l'écart, et qui est aujourd'hui l'objet de longs débats.
Benoît XVI entre ainsi dans le vaste débat qui est au cœur de la sociologie des religions contemporaines, celui sur la "sécularisation". Le débat a été particulièrement chaud à la fin du XXe siècle, mais - également à travers des échanges pas toujours courtois entre chercheurs - il est arrivé à un résultat partagé par la majorité des sociologues d'aujourd'hui. Si les dimensions de la religion sont au nombre de trois - les trois «B» en anglais "Believing" (croire), «Belonging» (appartenir) et "Behaving" (se comporter) - ils sont tous d'accord pour dire qu'il n'y a pas, en Occident - car c'est de l'Occident qu'il s'agit, alors que pour l'Afrique ou l'Asie, les termes sont différents - une sécularisation significative des croyances (believing).
La grande majorité des personnes se déclarent encore croyantes. Malgré une propagande active, le nombre d'athées n'augmente pas.
Au contraire, il est clair pour tout le monde qu'il y a une ample sécularisation des comportements (behaving). Du divorce à l'avortement et à l'homosexualité, la société et les lois tiennent de moins en moins compte des préceptes des Eglises.
Le débat reste vif sur la sécularisation des appartenances (belonging) et la baisse de la pratique religieuse, parce que sur la manière de recueillir les statistiques, il y a de nombreuses polémiques entre les États-Unis et l'Europe, ainsi qu'entre les différents pays européens, les chiffres varient. Il ne fait aucun doute, cependant, que dans plusieurs pays, le nombre de catholiques et de protestants pratiquants a diminué de façon particulièrement dramatique dans les cinquante dernières années et que, parmi ces derniers figurent les îles britanniques, même si en Irlande, les chiffres absolus, quoique en baisse, demeurent plus élevés que la moyenne européenne.

Les polémiques sur la notion de sécularisation s'étant atténuées, le débat s'est largement déplacé sur les causes et les dates de début du processus, avec un dialogue serré entre historiens et sociologues. Plus d'une décennie de discussions a convaincu la plupart des savants qu'il s'agissait d'un processus graduel. Il y a eu une accélération dramatique de la sécularisation - des comportements et des appartenance, pas des croyances - dans les années 1960. Ce que les Britanniques et les Américains appellent les "sixties" et nous, en nous concentrant sur l'année emblématique, "soixante-huit" apparaît de plus en plus comme le moment d'un bouleversement profond des coutumes, avec des effets cruciaux et durables sur la religion.
Il y a eu du reste un "soixante-huit" dans la société et aussi un "soixante-huit" dans l'Eglise: justement, 1968 est l'année de la dissidence publique contre l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI, une contestation qui selon une étude remarquable et influents du philosophe américain récemment disparu Ralph McInerny - "Vatican II - Qu'est-ce qui n'allait pas?" - représente un point de non-retour dans la crise du principe de l'autorité dans l'Église catholique.

On peut aussi se demander qui est venu en premier de la poule ou de l'œuf, à savoir si ce fut le soixante-huit dans la société qui a influencé celui dans l'Église, ou l'inverse.
Au début des années 1990, un théologien catholique pouvait, par exemple écrire que la "révolution culturelle" de 1968 "ne fut pas un phénomène de choc qui s'était abattu contre l'église de l'extérieur mais avait été préparé et déclenché par les ferments post-conciliaires du catholicisme"; le processus de formation du terrorisme italien du début des années 70, dont le lien avec 1968 est à son tour décisif "reste incompréhensible si l'on fait abstraction la crise et des ferments internes au catholicisme post-conciliaire". Le théologien en question était le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans son livre "Un tournant pour l'Europe"
Mais - encore une fois - pourquoi les années 1960?
Sur le sujet, pour rester dans les îles britanniques, Hugh McLeod, a publié en 2007 (Oxford University Press), un livre important - La crise religieuse des années 1960 - qui fait le point sur les discussions en cours.
Deux thèses s'opposent: celle de Alan Gilbert, selon laquelle ce qui a déterminé la révolution des années 60, ce fut le boom économique qui a généralisé le consumérisme et éloigné la population des églises; et celle de Callum Brown pour qui le facteur décisif a été l'émancipation des femmes après la diffusion de l'idéologie féministe, du divorce, de la pilule contraceptive et de l'avortement. McLeod pense, selon moi à juste titre, qu'un seul facteur ne peut expliquer une révolution de cette ampleur. Elle a à voir avec le boom économique et le féminisme, mais aussi des aspects plus strictement culturels, qu'ils soient extérieurs aux Eglises et aux communautés chrétiennes (la rencontre entre la psychanalyse et le marxisme) ou intérieurs (la «nouvelle théologie»).
Sans entrer dans les éléments les plus techniques de ce débat, Benoît XVI dans sa "Lettre" se montre conscient qu'il y eut dans les années 1960, une révolution pas moins importante que la Réforme protestante ou la Révolution française, qui fut "très rapide" et qui a asséné un coup très dur à "l'adhésion traditionnelles de la population à l'enseignement et aux valeurs catholique".
Avec une grande finesse, un penseur catholique brésilien Plinio Corrêa de Oliveira, parla à l'époque d'une quatrième Révolution - succédant justement à la Réforme, à la Révolution française et à celle soviétique - plus radicale que les précédentes, car capable de pénétrer "in interiore homine" et de bouleverser non seulement le corps social, mais le corps humain.

Dans l'Eglise catholique, la conscience immédiate de la portée de cette révolution ne fut pas suffisante. Au contraire, elle contamina même - estime aujourd'hui Benoît XVI - "des prêtres et des religieux", détermina des malentendus dans l'interprétation du Concile, provoqua "une formation humaine, morale et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats".
Dans ce climat, ce ne sont certes pas tous les prêtres insuffisamment formés ou infectés par le climat consécuti aux années soixante, et pas même un pourcentage significatif d'entre eux qui devinrent pédophile: nous savons à partir des statistiques que le nombre réel de prêtres pédophiles est beaucoup moindre que celui proposé par certains médias. Pourtant, ce nombre n'est pas égal - comme nous le voudrions tous - à zéro, et justifie les mots sévères du Pape. Mais l'étude de la "Quatrième Révolution" des années 60, et de 1968, est cruciale pour comprendre ce qui s'est passé depuis, y compris la pédophilie. Et pour trouver de véritables remèdes.

Si cette révolution, à la différence des précédentes, est morale et spirituelle et touche l'intériorité de l'homme, ce n'est que par la restauration de la moralité, de la vie spirituelle et d'une vérité intégrale sur la personne humaine que pourront en dernier venir les remèdes.
Mais pour cela, les sociologues, comme toujours, ne suffisent pas: nous avons besoin de pères, de maîtres, d'éducateurs et de saints. Et nous avons tous un gran besoin du Pape: de ce Pape, qui, une fois encore - pour reprendre le titre de sa dernière encyclique - dit la vérité dans la charité et pratique la charité dans la vérité.

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(*) Le paragraphe 4 de la lettre:

4. Au cours des dernières décennies, toutefois, l'Eglise dans votre pays a dû affronter de nouveaux et graves défis à la foi, découlant de la transformation et de la sécularisation rapides de la société irlandaise. Un changement social très rapide a eu lieu, qui a souvent eu des effets contraires à l’adhésion traditionnelle des personnes à l'égard de l'enseignement et des valeurs catholiques. Très souvent, les pratiques sacramentelles et de dévotion qui soutiennent la foi et lui permettent de croître, comme par exemple la confession fréquente, la prière quotidienne et les retraites annuelles, ont été négligées. Au cours de cette période, apparut également la tendance déterminante, également de la part de prêtres et de religieux, à adopter des façons de penser et à considérer les réalités séculières sans référence suffisante à l'Evangile. Le programme de renouveau proposé par le Concile Vatican II fut parfois mal interprété et en vérité, à la lumière des profonds changements sociaux qui avaient lieu, il était très difficile de comprendre comment les appliquer de la meilleure façon possible. En particulier, il y eut une tendance, dictée par de justes intentions, mais erronée, une tendance à éviter les approches pénales à l'égard de situations canoniques irrégulières. C'est dans ce contexte général que nous devons chercher à comprendre le problème déconcertant de l'abus sexuel des enfants, qui a contribué de façon très importante à l'affaiblissement de la foi et à la perte de respect pour l'Eglise et pour ses enseignements.

Ce n'est qu'en examinant avec attention les nombreux éléments qui ont donné naissance à la crise actuelle qu'il est possible d'entreprendre un diagnostic clair de ses causes et de trouver des remèdes efficaces. Il est certain que parmi les facteurs qui y ont contribué, nous pouvons citer: des procédures inadéquates pour déterminer l'aptitude des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse; une formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle insuffisante dans les séminaires et les noviciats; une tendance dans la société à favoriser le clergé et d'autres figures d'autorité, ainsi qu'une préoccupation déplacée pour la réputation de l'Eglise et pour éviter les scandales, qui a eu pour résultat de ne pas appliquer les peines canoniques en vigueur et de ne pas protéger la dignité de chaque personne. Il faut agir avec urgence pour affronter ces facteurs, qui ont eu des conséquences si tragiques pour les vies des victimes et de leurs familles et qui ont assombri la lumière de l'Evangile à un degré que pas même des siècles de persécution ne sont parvenus à atteindre.
(Source)

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