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Audience prochaine du Pape aux artistes

Une réflexion du directeur des Musées du Vatican (11/9/2009)

La nouvelle a été annoncée jeudi lors d'une conférence de presse animée par Antonio Paolucci, directeur des musées vaticans, et Mgr Ravasi, président du conseil pontifical pour la culture:
En novembre prochain, Benoît XVI s'adressera au monde de la culture.
Voir ici: ESM.

Et Radio Vatican apporte quelques précisions :
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"L’événement, auquel participeront pas moins de 500 musiciens, architectes, sculpteurs, écrivains et réalisateurs, a pour but de refermer « la césure qui s’est ouverte entre l’art contemporain et l’Église ... L’art contemporain a son propre langage, sa propre grammaire, qui se distinguent totalement de ceux de l’art classique, et un dialogue avec l’Église est selon moi nécessaire ».
À noter que le Saint-Siège participera en 2011 à la Biennale de Venise, l’une des plus célèbres manifestations d’art contemporain, a encore annoncé Mgr Ravasi. « Nous voudrions inviter une dizaine d’artistes parmi les plus significatifs du monde contemporain, des artistes qui n’ont pas nécessairement un lien direct avec la religion. Nous aimerions les encourager à travailler sur des projets d’art spirituel, symbolique, mais – pour le moment – pas liturgique », a précisé Mgr Ravasi.
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Ce n'est pas une première.
Il y a tout juste un an, au Collège des Bernardins, c'est précisément ce que le Saint-Père a fait: rencontrer les acteurs culturels.
La plupart des invités n'étaient pas des piliers de sacristie, c'est le moins que l'on puisse dire, tous n'étaient pas des "pointures", loin de là, et je n'en ai guère entendu monter au créneau pour le défendre, lorsque cela aurait été bienvenu. Il n'empêche: tous avaient "intrigué pour en être" (on relira à ce sujet avec plaisir l'amusante chronique de "Rastignac" sur Valeurs actuelles)
On risque de voir la même chose le 21 novembre.
A suivre, donc...
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Ces intrigues prévisibles mises à part, Antonio Paolucci s'exprimait le même jour longuement sur l'Osservatore Romano.
Il voit dans la rencontre une occasion unique, pour un pape aussi érudit que grand philosophe, de réparer le divorce entre l'Eglise et le monde des arts.
Ses réflexions sont celles d'un acteur direct, et à ce titre fort intéressantes, même si on ne partage pas totalement son point de vue: le divorce est-il uniquement la "faute" de l'Eglise? Les expressions artistiques religieuses du XIXème siècle, y compris l'art sulpicien (je ne parle pas de ses caricatures made in Taïwan) sont-elles si laides, ou au moins si contestables, si l'on considère les églises qui ont été construites, même dans le moindre village de France? Par contre, dans la ville de province où j'habite, les concessions au génie contemporain sont entre autre, dans la cathédrale, et dans une autre église, des vitraux de Chagall et de Jean Cocteau devant lesquels il est permis de ne pas s'extasier. Et dans la région parisienne, l'étrange "cathédrale" d'Evry.
Sans oublier les non moins étranges choix "esthétiques" du cardinal Schönborn: Blasphème à Vienne et le faux-pas du cardinal.


Certains passages n'en sont pas moins vraiment magnifiques, comme lorsqu'il écrit:
Dans le désert habité par la désolation et les mirages, il faut savoir reconnaître les pépites d'or que nous savons exister aussi. "Il n'est pas possible que les trésors de la spiritualité chrétienne aient sombré de manière définitive et irréversible. Que leur soit interdite l'occasion d'émerger à nouveau dans les figures et dans les couleurs, dans l'espace habité, dans la musique, dans le théatre, dans le cinéma, dans la littérature."

Le temps de la réconciliation après le grand divorce

Antonio Paolucci
Directeur des musées du Vatican
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Le 21 novembre prochain, Papa Benedetto XVI rencontrera les artistes : hommes et femmes, de cultures et de langues différentes, peintres, sculpteurs, architectes ; mais aussi écrivains, musiciens, metteurs en scène de théatre et de cinéma.
Le monde des arts s'approchera du successeur de Pierre avec un orgueil prévisible, certes avec satisfaction, parce qu'être invité par le Pape est déjà en soi une marque de statut, mais aussi, pour beaucoup, avec un mélangee de curiosité, de méfiance, d'embarras.

C'était déjà arrivé le 7 mai 1964, date mémorable dans l'histoire des rapports entre l'Église et les arts dans les temps modernes.
Ce jour-là Jean-Baptiste Montini, qui à peine un an plus tôt avait été élu Pape sous le nom de Paul VI, voulut rencontrer les artistes, dans la chapelle Sixtine. Le discours prononcé par le Pontife en cette occasion élabore et propose une doctrine esthétique destinée à rester une des pages les plus hautes dans l'absolu, de l'histoire intellectuelle du catholicisme du XXème siècle. Partant de la conscience de la fracture apparemment impossible à combler entre l'Église et le monde des arts, et offrant les conditions d'un nouveau statut d'amitié, le Pape affirmait la liberté de l'artiste, le respect pour la force innovatrice des langages expressifs, et il le faisait avec des mots de critique dure et radicale vis-à-vis de l'institution qu'il représentait : « Nous vous avons imposé comme canon premier l'imitation, à vous qui êtes créateurs (...) nous vous avons traité du pire, nous avons recouru aux succédanés, à l'oléographie, à l'oeuvre d'art de peu de prix et de peu de valeur (...) et nous sommes avons pris aussi des ruelles transversales, où l'art et la beauté et - ce qui est pire pour nous - le culte de Dieu ont été mal servis ». Et Papa Paolo VI revenait encore, dans ce document mémorable, sur la « mission » de l'artiste appelé à rendre visible, dans la plénitude de sa liberté expressive et donc dans l'exercice de sa responsabilité de créateur, ce qui est transcendant, inexprimable « ineffable ».
Plus tard, en 1973, dans le discours d'inauguration du Musée d'Art Religieux Moderne, Paul VI réaffirmant les principes fondamentaux, affina sa théorie esthétique, en distinguant entre art sacré et art religieux. Si le premier a une connotation précise de rôle et de fonction parce qu'il est destiné à qualifier le culte divin, le deuxième offre à l'artiste un spectre de possibilités créatrices virtuellement infini.

Tout ce qu'exprime la spiritualité humaine - stupeur face au miracle de la nature, culte des affections, écoute et réflexion face aux interrogations suprêmes de la vie, de la mort, de l'absolu et de l'ailleurs - tout cela peut être un argument d'« art religieux ».
De ces réflexions est née la Collection qu'en ce jour de juin 1973 Paul VI confiait à la gestion des Musées du Vatican, après l'avoir personnellement et amoureusement construite avec son secrétaire monsignor Pasquale Macchi. C'était, en effet, une collection destinée à témoigner la « religiosité » présente dans l'art moderne et contemporain, à présent confiée à l'imagerie traditionnelle (Crucifixion, Nativité et ainsi de suite)
Partant de la reconnaissance et de l'acceptation de la « religiosité » immanente aux formes figuratives de la modernité il aurait été possible - tel était le fond de la pensée de Paul VI - de commencer la réduction du divorce entre Église et artistes et de préparer la route de l'« art sacré du futur » préfiguré par Jean Baptiste Montini déjà dans les années Trente, dans les réflexions et dans les articles de la jeunesse.
Un grand Pape intellectuel du rang de Benoît XVI, un philosophe et un théologien de son niveau, ne pouvait qu'être sensible aux sujets affrontés avec un extraordinaire courage prophétique par Paul VI. Et voilà la rencontre avec les artistes organisée pour le 21 novembre prochain. Aux débuts du siècle et du millénaire la question du rapport entre l'Église et les arts - ceux figuratifs mais pas seulement - n'a pas perdu sa signification ni son actualité. Et même, après le débat entamé par Paul VI, on en ressent toujours plus l'urgence dramatique et toujours plus on s'interroge sur les raisons du divorce.
Celui qui, comme moi, depuis l'observatoire privilégié des Musées des Vaticans considère l'histoire des arts sous le signe de l'Église de Rome ne peut pas ne pas éprouver un sentiment de stupeur et de gratitude. Gratitude, naturellement, pour les chef-d'oeuvre de beauté et de sagesse que le message chrétien nous a offerts mais aussi, et surtout, stupeur et admiration face aux merveilleux hasards, dont, au cours des siècles, notre Église a su jouer.
Comme lorsque, par exemple, entre le quatrième et le cinquième siècle, il a choisi comme sa langue figurative l'art gréco-romain, l'hellénisme naturaliste et "illusionistique". Risque immense et chargé d'avenir si l'on pense que le christianisme venait du judaïsme, la plus férocement "aniconique" parmi les cultures de la Méditerranée, et que sans ce choix, le destin de l'art en Occident - Michel-Ange et Rembrandt, Velasquez et Goya, Monet et Picasso - risquait de s'identifier avec le chiffre et avec la marque, de devenir « hieroscripture », comme dans l'islam (ndt: je ne suis pas sûre de comprendre la fin de cette phrase: rischiava di identificarsi con la cifra e col segno, di diventare "ieroscrittura", come nell'islam: le préfixe vient du grec "hieros: sacré) .
Ou bien lorsque - c'est l'époque que les manuels appellent Renaissance - l'Église reconnut dans la splendeur du vrai visible, l'épiphanie (ndt: au sens d'apparition) du Très Haut, l'ombre de Dieu sur la terre. Nous n'aurions pas eu, autrement, les nuages de Giovanni Bellini, les reflets dans le miroir de Jan Van Eyck, la Chambre de la Signature de Raphaël, le panier de fruits du Caravage, le Radeau de la Méduse de Géricault.
Tout cela pour dire que l'Église pendant de nombreux siècles a su regarder vers le monde des arts avec un courage sans préjugés. Elle en a accepté les styles, les a vivifiés et transfigurés par ses contenus, sans pour autant mortifier ou conditionner les raisons de l'art. Que toujours, dans les siècles qui précèdent la modernité, elle a été mise en condition d'exprimer sa souveraine autonomie.
Ensuite, à partir du XIXème, l'Église s'est refermée sur la défensive, elle n'a plus su ni voulu risquer la confrontation avec les mouvements artistiques qui ravageaient et bouleversaient le monde. Lorsque, pour donner image à ses messages, elle adoptait un style, c'était parmi ceux les plus traditionnels et consolants. Ainsi s'est consommé le grand divorce. Les ressources spirituelles et intellectuelles du christianisme ont choisi de déserter le monde de la contemporaneéité artistique, s'engloutissant comme un fleuve karstique. Ou bien - c'est le phénomène dont nous sommes tous témoins de nos jours - s'ouvrant aux formes d'un éclectisme chaotique qui cherche à faire tenir ensemble l'abstrait et le figuratif, la nouveauté etla tradition, la liturgie et la fonction, le signe et le message.
Tel est aujourd'hui, au moment où le Pape s'apprête à recevoir les artistes, l'état de la question.
Pourtant jamais comme aujourd'hui n'est venu l'instant de mettre à profit l'aphorisme chinois qui a traversé notre jeunesse : « Grand est le désordre sous le ciel. La situation est donc excellente ».
Ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui peut-être, il y a les conditions favorables pour que l'Église puisse jouer avec succès le dernier "hasard". Dans la dissolution des langages et des modèles, dans l'aphasie expressive qui distingue notre temps, l'Église doit se faire regard et écoute.
Il faut regarder, écouter, avec humilité, avec patience, sans préjugés, sans préconcepts, dans la conscience que l'entreprise est immense, ardue jusqu'à la témérité et toutefois nécessaire, inéluctable.
Dans le désert habité par la désolation et les mirages, il faut savoir reconnaître les pépites d'or que nous savons exister aussi. Il n'est pas possible que les trésors de la spiritualité chrétienne aient sombré de manière définitive et irréversible. Que leur soit interdite l'occasion d'émerger à nouveau dans les figures et dans les couleurs, dans l'espace habité, dans la musique, dans le théatre, dans le cinéma, dans la littérature. Quelles formes d'art habiteront le troisième millénaire chrétien, nous ne le savons pas. Aujourd'hui nous pouvons seulement reconnaître et autant que possible honorer et valoriser les fragments de sagesse et de beauté qui pourront un jour construire le nouvel ordre esthétique.

(©L'Osservatore Romano - 10 septembre 2009)

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