La lettre de Jeannine (IX)
Attaques venimeuses contre le Pape. Une semaine sainte troublée, examinée minutieusement par Jeannine.
Réflexion sur le mariage comme antidote à la pédophilie (7/4/2010)
Chère Béatrice,
A lire votre site, à entendre des bribes d'émission sur RND, à trouver des articles moins assassins je pense qu'une accalmie est en train de se mettre en place mais je me méfie de ce calme qui parfois précède la tempête.
Je déplore, oh combien, toute la boue qui éclabousse notre Saint-Père et j'enrage de voir que c'est celui qui prend l'affaire en main qui se retrouve au rang des accusés, sali, honni comme s'il était le fautif. Cette attitude incohérente me conforte dans l'opinion que j'ai toujours eue: la pédophilie a été la manne inespérée pour ceux qui voulaient en découdre avec l'Institution et son symbole. c'est un sujet porteur, juteux, assuré d'un succès qui a permis de regrouper des sympathisants pour lesquels la pédophilie n'est pas un problème de société mais l'occasion rêvée de "bouffer du curé". Ce sujet très prisé depuis quelques mois a servi de locomotive et avec le courage que donnent l'anonymat et des sobriquets tarabiscotés (de la lâcheté), des wagons chargés de boue se sont rattachés au convoi et ont véhiculé des voyageurs haineux, avides de cracher leur venin; la grandeur de la cause s'en trouve très diminuée à mes yeux.
On reproche à l'Eglise d'aimer les anniversaires mais dans la fronde actuelle je retrouve le vocabulaire, la même exigence - démission - que l'année précédente à même époque pour l'affaire du préservatif; les médias en seraient-ils,aussi, friands pour réactualiser leur mal-être?
Je constate en vous lisant que d'autres personnes arrivent aux mêmes conclusions que celles que j'ai exposées dans mes lettres précédentes. Dès son élection Jean-Paul II avait annoncé qu'il voyagerait. Il s'en est donné les moyens en installant pour garder la maison un préfet de la CDF, efficace, travailleur, brillant intellectuel et grand théologien, ardent défenseur de la pureté de la foi, timide et qui ne risquerait de lui faire de l'ombre. Les rôles étaient bien distribués: - au pontife les voyages, les vivats, - au cardinal Ratzinger la place en première ligne pour recevoir les coups bas, les appréciations dévalorisantes, le travail énorme à accomplir pour maintenir la force vive de l'Eglise dans la droite ligne, tâche ardue dans une période de déchristianisation.
Quand je pense qu'au moment de l'élection en avril 2005 le nouveau pape Benoît XVI était affublé du titre peu glorieux de "besogneux de Jean-Paul II", je trouve plus que regrettable de nier ainsi cette personnalité à l'intelligence fulgurante et de ne pas reconnaître la part non négligeable imputable au Cardinal Ratzinger dans la rédaction des textes et encycliques du précédent pontificat. L'actuel Préfet, le cardinal Levada, n'est pas sans cesse sous le feu des revendications car il officie avec un patron qui a les épaules suffisamment larges pour monter au créneau et encaisser les coups.
C'est à bon escient que j'utilise ce vocabulaire très corporatif car il convient bien à ma rancœur.
Une semaine Sainte troublée
La Semaine Sainte a été fort troublée et je remonte au dimanche des Rameaux.
- 28/3 place Saint-Pierre. assistance nombreuse, plus que de coutume a-t-il été signalé, un ciel bleu de pape, comparable à celui de Bavière en 2006, beaucoup de vent. Une chose m'a inquiétée: Benoît XVI était en papamobile.
Il portait une très belle tenue, elles le sont d'ailleurs toutes, élégantes, très travaillées, réalisées par des doigts de fées, admirablement portées par lui, même ces vêtements lui sont reprochés dans le Figaro du 5/4 (blog).
Son visage était grave, triste, le sourire absent. Pour la procession des offrandes le sourire était revenu pour l'écoute bienveillante des quelques paroles murmurées. La messe a été belle, empreinte de sérénité, un moment de grâce dans la tempête. A l'heure de l'Angélus un avion traçait sa route dans le ciel bleu.
- 31/3 audience générale place Saint-Pierre, quelques 11.000 personnes annoncées avec un Benoît très souriant. J'admire sans réserve la force de caractère de cet homme, sa foi si solide qui lui permettent de ne pas dévier de la voie que le Seigneur lui trace. L'accueil est enthousiaste: applaudissements, vivats, musique, Les Benedetto, Viva il Papa et dans une autre langue aussi, fusent sur la place. La Bavière est présente, le soutien est appuyé; un grand bol d'air pur dans cette ambiance délétère bien entretenue.
- 1/4 messe du Jeudi Saint à Saint-Jean du Latran. La célébration se déroule dans une église pleine, avec ferveur, concentration. L'homélie est "centrée sur l'essentiel de la foi" (F. Mounier Cx 2/4/10). Le visage trahit sa fatigue physique mais aussi morale et c'est celle qui me peine le plus.
- 2/4 Vendredi Saint. Benoît officie dans une basilique comble et dans un profond recueillement. Il hésite sur une marche et ses deux cérémoniaires l'aident visiblement (propos entendus aux informations de France2, à 13h le samedi); le journaliste ajoute que pour tout arranger le Père Cantalamessa a eu une parole malheureuse pendant l'homélie et que la communauté juive a été choquée, d'où nouvelle polémique vite maîtrisée par une intervention du Vatican et des excuses présentées par le prédicateur.
- 2/4 le Chemin de Croix de nuit avec les méditations confiées au Cardinal Ruini. Grande sobriété, beaucoup de fidèles, un cadre prestigieux qui pousse à la prière. Benoît XVI profondément recueilli, magnifique de dignité dans son grand manteau rouge n'a parlé de rien.
J'aurais aimé suivre la Veillée Pascale mais mon ordinateur m'a délivré en
guise de célébration une bouillie multicolore, un plein écran de mosaïque.
Je vais essayer de résoudre ce problème.
- 4/4 la Messe de la Résurrection place Saint-Pierre sous des trombes d'eau.
Elle était très attendue par les journalistes : va-t-il enfin parler?
Beaucoup de monde, (chiffre cité: 80.000 personnes) les fidèles abrités sous des parapluies et des imperméables multicolores qui donnaient de la couleur à ce décor qui manquait cruellement de soleil, les fleurs offertes par la Hollande en avaient perdu leur éclat, les appareils photos qui mitraillaient pour rapporter ces souvenirs mouillés mais pleins d'attente joyeuse. Benoît XVI était grave et il y a eu l'innovation: les paroles chaleureuses, sans grandiloquence, prononcées d'une voix ferme par le Cardinal A. Sodano, un appui ferme, vibrant, sincère, avant la messe, au nom de toute l'Eglise, depuis les simples croyants jusqu'aux membres de la Curie, ses plus proches collaborateurs. Benoît XVI a été touché, il a apprécié ces paroles de soutien, d'affection et l'a montré lors de l'accolade spontanée et chaleureuse entre les deux hommes et son sourire retrouvé. La foule a bien compris et a applaudi à la fin de ces quelques mots. Les fidèles sont restés sous la pluie battante et ont suivi avec ferveur le déroulement de l'office.
Homélie conforme à l'esprit directeur de la semaine, pas un mot sur "les affaires". Benoît XVI a donné la communion à la file des privilégiés qui la recevaient de sa main et sous les applaudissements il a regagné la basilique et la loggia pour la Bénédiction Urbi et Orbi qui constituait le dernier espoir pour les journalistes; pas très futés car, à leur place, j'aurais compris depuis longtemps qu'il ne parlerait pas.( se reporter à la messe du 24/12/2009 et aux deux angélus).
- 4/4 la Bénédiction Urbi et Orbi avec une foule encore plus importante (120.000 à 130.000personnes). Toutes les nationalités , toutes les races étaient présentes. Il était touchant de voir les visages émus et ravis des participants lorsque le Pape citait leurs pays, leurs langues. La communion était palpable entre la silhouette claire et les personnages en contre-bas, tête levée, sourire esquissé, attentifs à cette voix douce qui leur parlait de leur misère, de leurs problèmes , de leur peur du lendemain, leur proposait le seul remède dont elle dispose: l'espérance soutenue par une foi sans faille et l'amour du Christ, celui qui ne fait jamais défaut. C'était la fête de la foi et rien d'autre. Les applaudissements, les vivats ont été denses, longs, enthousiastes et Benoît XVI, très souriant, bras grands ouverts, tête légèrement inclinée, oubliant sa fatigue, accueillait patiemment tous les cris, toute l'affection qui montaient vers lui; une très belle fête en dépit de tout. J'admire infiniment cet homme, ce pasteur courageux qui, âgé, fatigué sans doute, fait face dans la tempête et oppose aux insultes, aux paroles venimeuses un silence plein de dignité et un amour inconditionnel pour Celui auquel il redit sans cesse "oui".
- 5/4 la prière du Regina Cæli à Castelgandolfo, un cadeau, un grand rayon de soleil. L'ambiance était survoltée, débordante de joie, d'affection et de simplicité. Souriant, avec un visage reposé il aime ce palais moins imposant dans lequel il se sent "à la maison" et la ville le lui rend bien.
Il suffisait de voir le visage radieux des autorités locales pour savoir que l' affection est réciproque. Les Bavarois étaient au premier rang et n'ont pas ménagé leurs applaudissements et leur affectueux soutien. Dans cette petite cour cette réunion du dimanche devient une fête de famille. Regarder les visages levés vers lui qui est presque à portée de main est toujours un moment de douceur; c'est la joie, puis l'écoute attentive et de nouveau l'enthousiasme avant qu'il ne s'éloigne de la fenêtre. S'il le voulait il pourrait rester longtemps, ses visiteurs ne demandent que cela mais ce n'est pas ce qu'il recherche même s'il a fait des progrès indéniables pour accepter et encourager le côté affectif de ces rencontres, sans exagération toutefois.
La Semaine Sainte est finie et je suis ravie de ce temps de repos relatif qu'il va pouvoir prendre. Je suis pour tout ce qui peut lui faciliter sa lourde tâche. Pour les journalistes c'est raté. Notre Saint-Père n'a rien dit donc impossible de rebondir sur les paroles qu'il aurait prononcées et de créer de nouvelles polémiques. On peut toujours inventer (Hôpital d'Aoste) mais cela augmente la pénibilité du travail et le résultat a moins de charme. Notre Benoît a bien raison; il s'exprime lorsqu'il le juge utile et ne se laisse pas prendre en otage par les médias qui prétendent être des directeurs de conduite, surtout pas de conscience.
Que ce soit pour la prêtrise, le mariage ou un autre engagement il ne faut rien idéaliser, ne surtout pas se focaliser sur ce qui paraît être une évidence et qui n'en deviendra vraiment une qu'après mûre réflexion. Si j'ai bien compris, ce que certains proposent comme antidote pour la pédophilie et comme remède pour les sexualités incertaines , c'est le mariage, rien que cela. C'est vraiment rabaisser ce sacrement ou ce changement d'état-civil à peu de chose que de le transformer en garde-fou pour personnalités non-abouties, perverses et ce sont des chrétiens, des catholiques qui proposent cela; mais où ont-ils la tête? Lorsque l'on considère l'état du mariage à notre époque le garde-fou me paraît fort fragile. On papillonne d'hommes en hommes, de femmes en femmes et après toutes ces errances la stabilité n'est pas obligatoirement au rendez-vous. On prend, on essaye, on rejette ou on garde comme au rayon des fruits et légumes du super-marché. Si c'est cela que l'on offre aux prêtres déboussolés, mal dans leurs corps et dans leurs têtes je vous donne l'avis d'une voisine : "l'Eglise est mal barrée". La formulation ne me convient pas mais elle a raison.
Jeannine