Actualités Images La voix du Pape Visiteurs Livres Sites reliés Lu ailleurs Index Recherche
Page d'accueil Actualités

Actualités


Pie XII vénérable Noël Statistiques du site Le Pape et les artistes Retour des anglicans République tchèque Un an déjà Le blog du P. Scalese Navigation Dernières entrées

La réforme de la réforme du père Scalese

Un élément de réflexion à apporter au débat (9/9/2009)

Je ne suis pas vraiment partie prenante dans ce débat liturgique et intra-ecclésial - par ailleurs crucial, et qui a déjà été abordé plusieurs fois dans ces pages, en particulier à travers les "rumeurs" lancées par A. Tornielli, et, déjà, une réponse du père Scalese (cf:La réforme de la réforme de Benoît XVI , La réforme de la réforme (suite) , La réforme de la réforme (3) et La réforme de la réforme (4) ) - c'est pourquoi je puis me permettre d'en parler assez sereinement.
Je suis sûre que la réflexion profonde et argumentée du Père Scalese, sans tabou, sans oeillères non plus, mérite d'alimenter le débat, surtout en France, où il reste assez vif.
Puisse t'il être lu par ceux à qui il s'adresse.
Le Père Scalese est raisonnable, il repousse toute idée extrême, et les deux côtés devraient pouvoir trouver dans son exposé matière à une réflexion équilibrée.
[Petite remarque dont il ne me tiendra pas rigueur: je le trouve seulement un peu injuste quand il dit que "Papa Ratzinger lui-même, qui a lancé l'idée", ne sait pas exactement où il va dans cette affaire.Je suis persuadée que le Saint-Père connaît à fond les problèmes, et sait ce qu'il veut, mais il ne peut évidemment pas être sûr d'atteindre son but, car tout ne dépend pas de lui!]

Article original ici:
Auditel liturgico e "riforma della riforma" (http://querculanus.blogspot.com/... )

Ma traduction:
---------------

mercredi 9 septembre 2009
Audimat liturgique et « réforme de la réforme »

Le Père Augé a publié avant-hier sur son blog (Liturgia Opus Trinitatis ) un sondage informel mené parmi les clarétiens latino-américains participant au chapitre général de leur Congrégation.
Le thème du sondage : la situation liturgique en Amérique Latine, recours à la forme extraordinaire du rite romain, avis sur une éventuelle « réforme de la réforme ».
Les résultats du sondage sont: la réforme liturgique a été pacifiquement acceptée ; seuls des groupes marginaux célèbrent la Sainte Messe en employant le missel de 1962 ; l'éventualité d'une « réforme de la réforme » est vue avec appréhension.

Je comprends pleinement l'intention du Père Augé de promouvoir un tel sondage : montrer que, contrairement à l'Europe et à l'Amérique du Nord (où il y a des groupes d'une certaine consistance qui ont recours à l'usus antiquior), en Amérique Latine (où vit « presque la moitié des catholiques de la planète entière ») cette exigence n'est en aucune façon ressentie. D'où la question spontanée: est-ce vraiment sí urgent de penser à une « réforme de la réforme », lorsque la réforme liturgique va bien comme elle est (sinon que « dans quelques milieux il y a le désir de textes plus actuels, plus proches de la sensibilité des gens ; si vous voulez, certains voudraient une réforme de la réforme qui aille plus loin, dans la ligne de celle postérieure à Vatican II ») ?

J'avoue, de moi à moi, m'être livré à des considérations analogues. Je ne connais pas la réalité latino-américaine (sauf que vingt-cinq ans auparavant, j'ai eu l'occasion de passer un mois au Brésil et de me rendre compte de ce qu'était, alors, la situation de l'Église dans ce pays). Je peux cependant parler de mon expérience très limitée de cinq ans aux Philippines. Eh bien, pour ce que j'ai expérimenté dans ce pays, je pourrais confirmer pleinement les résultats du sondage du Père Augé : la situation est pratiquement la même (ce n'est pas pour rien que les Philippines sont considérées comme un morceau d'Amérique Latine ayant fini par erreur en Asie…). La réforme liturgique est pacifiquement acceptée dans tous les milieux; la participation des fidèles est bonne (tant quantitativement que qualitativement) ; il n'y a pas de gros abus (même si naturellement on pourrait faire mieux) ; on ne ressent aucun besoin de « retourner vers l'ancien » (aussi parce que personne ne sait de quoi il s'agit) ; le rite tridentin n'est employé que par de petits groupes marginaux; il serait difficile de concevoir une « réforme de la réforme », qui annule les changements introduits dans la liturgie après le Concile.

Pourtant il y a quelque chose qui ne va pas dans le sondage du Père Augé. Son défaut n'est pas de ne pas être scientifique (si on faisait un sondage scientifique, je suis sûr qu'il obtiendrait les mêmes résultats). Le défaut est à la racine, dans l'idée qui l'a inspiré, comme si les réformes, dans l'Église, doivent se faire sur la base des sondages. Par pitié, je ne veux pas dire qu'il ne soit pas licite de faire des sondages, qu'on ne puisse pas sentir le pouls de la « base »; qu'on les fasse en toute quiètude ; mais ce ne devrait pas être le critère ultime de décision de la part de l'Église. Certes, pour prendre ses décisions, l'Église doit aussi tenir compte de ce que les fidèles (clergé et laïques) pensent, mais ensuite ses décisions doivent être inspirées uniquement par ce qui est juste en soi et par ce qui est, objectivement, un bien pour les fidèles. Nous savons à quoi a mené la politique de l'Audimat : à la télé-poubelle. Le devoir de l'autorité, de n'importe quelle autorité, n'est pas celui de poursuivre le consensus et de satisfaire à tout prix les goûts des gens, mais celui de poursuivre le bien commun.

Justement, un lecteur a rappelé au Père Augé que cette même réforme liturgique n'était pas née comme réponse à une exigence des fidèles, mais a été en quelque sorte « imposée » d'en haut. Un autre a répliqué qu'elle est le fruit du mouvement liturgique, existant des décennies avant le Concile. C'est vrai, mais on oublie souvent que ces mouvements sont généralement des mouvements d'élite, qui n'impliquent en aucune façon les masses. J'étais enfant, lorsque la réforme liturgique a été faite, mais je me rappelle très bien des réactions des fidèles : si les personnes simples (comme ma pauvre maman) l'accueillirent avec faveur (« Au moins maintenant on y comprend quelque chose ! »), les personnes d'une certaine culture eurent beaucoup de mal à l'accepter. En tout cas, l'Église jugea opportun de procéder à cette réforme ; et je pense qu'elle fit bien. À part toutes les autres considérations qu'on pourrait faire, l'Église prévoyait peut-être que son visage changeait ; peut-être a t'elle perçu que son avenir ne serait plus en Europe, mais dans d'autres parties du monde, et se rendait-elle compte qu'elle devait s'adapter à cette nouvelle perspective. L'histoire lui a donné raison : aujourd'hui, la plupart des catholiques vivent hors de l'Europe. Peut-être même la réforme liturgique a t'elle contribué à les faire se sentir des protagonistes dans l'Église.

Cela ne signifie pas, cependant, que tout aille bien, et qu'on puisse se reposer sur ses lauriers, repoussant tous ceux qui viendraient déranger la pax liturgica existante avec l'hypothèse d'une inutile « réforme de la réforme ». Comme l'Église a été clairvoyante cinquante ans auparavant (lorsque tout semblait aller bien), elle doit continuer à l'être aujourd'hui. Les signes d'une crise rampante ne manquent pas, non seulement en Europe (où nous sommes maintenant au stade terminal), mais aussi en Amérique Latine (j'avais perçu les prémisses d'une telle crise il y a déjà vingt-cinq ans).
Juste au moment où le Père Augé écrivait son billet, le Pape recevait un groupe d'Évêques brésiliens, auxquels il rappelait la sécularisation de leur pays et l'« autosécolarisation » de leur Église… Je pourrais dire la même chose des Philippines : pour l'instant la situation est tranquille, mais d'un instant à l'autre tout pourrait changer. Ce ne serait pas la première fois qu'un pays profondément catholique, d'un jour à l'autre, se retrouverait complètement sécularisé : qu'on pense à la Pologne ou à l'Irlande. L'Église doit prévoir et, autant que possible, prévenir certains phénomènes. La liturgie elle aussi accomplit un rôle important dans cette oeuvre de prévention. C'est pourquoi je n'exclurais pas à priori la possibilité d'une « réforme de la réforme ».

Je conviens qu'il s'agit d'une entreprise très délicate et je reconnais que nous avons encore tous les idées assez confuses. De quoi devrait-il s'agir? Personne ne le sait ; peut-être, même pas Papa Ratzinger qui a lancé l'idée. Cela ne me semble pas un hasard qu'après quatre ans de pontificat, les uniques interventions en matière liturgique aient été l'insertion, dans le missel latin, de quelques formules (..) de l'assemblée alternatives au Ite, missa est, et un nouveau style, par ailleurs guère imité, des célébrations pontificales. Ce n'est pas un hasard non plus que la nouvelle, donnée par Andrea Tornielli, de quelques hypothèses de « réforme de la réforme », qui seraient à l'examen de la Congrégation du Culte divin, ait été immédiatement démenties. Je ne crois pas que le motif en soit uniquement, comme le soutiennent certains, de vouloir impliquer l'épiscopat, mais surtout qu'on ne sait pas encore bien quoi faire et qu'on se rend compte que le danger de l'hybridisme est pressant (dont ne me semble pas entièrement exempt le nouveau style des célébrations pontificales) (voir ici: La réforme de la réforme (suite) ).

Moi-même, je n'ai pas tout à fait les idées claires en la matière. Cependant je pense qu'on pourrait commencer par fixer quelques points , car sinon on ne commencera jamais. J'essaie de jeter quelques remarques.

1. « Réforme de la réforme » ne signifie pas reniement de la réforme liturgique, qui, dans l'ensemble, peut être jugée positivement.

2. « Réforme de la réforme » ne signifie pas en soi retour au passé : cela ne signifie certainement pas retour à la liturgie pré-conciliaire (cela n'exclut pas que celui qui le désire puisse célébrer selon la forme extraordinaire, aux termes du motu proprio Summorum Pontificum ; ici on parle de la forme ordinaire) ; au besoin, si vraiment il faut revenir au passé, ce devrait être un « retour au Concile », c'est-à-dire une application plus attentive de ce que Vatican II avait prévu.

3. « Réforme de la réforme » doit être entendue, avant tout, comme achèvement de la réforme liturgique entamée. Celle-ci en effet n'a pas été encore entièrement réalisée. Un exemple : la réforme de la liturgie des heures prévoyait la publication d'un « Lectionnaire facultatif » (Principes et règles de la liturgie des heures, n. 161), qui n'a pas encore été publié. En passant, un lecteur affectionné me signalait récemment le site de la Schola Saint Maur, où on reconnaît la necessité d'un grand travail encore à faire dans le domaine musical (pour unz souhaitable « remise en musique » de la liturgie).

4. « Réforme de la réforme » doit être entendue, en second lieu, comme continuation de la réforme liturgique, qui prévoit la correction d'eventuelles erreurs commises (il ne faut pas avoir peur de reconnaître honnêtement les erreurs, s'il y en a eu), la récupération d'éléments hâtivement abandonnés de l'ancienne liturgie et l'introduction d'adaptations ultérieures qui devaient s'avérer nécessaires. Il ne s'agit donc pas de renier le chemin parcouru jusqu'à présent, mais de poursuivre sur la même ligne. Du reste, durant ces années on a déjà eu pas mal d'adaptations : si on confronte la troisième édition du missel latin avec la première on découvrira de nombreuses différences.

5. Je comprends qu'une chose est de parler dans l'abstrait et une autre est de décider ensuite quelles modifications concrètes apporter ; mais ce n'est pas que nous devons faire, ici et maintenant, la « réforme de la réforme » ; nous mettons seulement nos idées au clair. En tout cas, en plus d'éviter l'hybridisme, il faut garder à l'esprit un autre principe général : toute modification devra être cohérente avec l'ensemble du rite et ne devra pas rompre l'équilibre et l'harmonie de la célébration.

Personnellement je considère que ces points pourraient étre fixés définitivement, mais je n'exclus pas qu'ils puissent être corrigés et qu'on puisse en ajouter d'autres. Une fois les principes tirés au clair, on pourra commencer à considérer les propositions individuelles de réforme. Sans peur de ce que les gens diront : l'expérience m'enseigne que les fidèles sont prêts à accueillir n'importe quelle nouveauté, pourvu qu'il s'agisse de choses sérieuses, et pas seulement de trouvailles impromptues, dictées par la dernière mode ou l'imagination et les goûts personnels de tel ou tel prêtre.

St François, St Bonaventure, et Joseph R. Commémorations, faux dissidents, etc.