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Journée mondiale de la paix 2010

Guide de lecture du message par le Cardinal Martino (16/12/2009)

Hier, le message annuel du Pape pour la Journée Mondiale de la paix a été rendu public.
Comme tous les textes du magistère papal, il réclame une lecture approfondie, et une certaine réflexion.
Il est donc risqué d'écrire immédiatement "texte magistral" - parce que cela nous arrange - ou "débat possible avec les altermondialistes", comme je l'ai lu sur Internet.

J'ai traduit hier une dépêche d'une Agence italienne, faisant le compte-rendu de la Conférence de presse de présentation par le cardinal Martino, Président émérite du Conseil Pontifical Justice et Paix: Le Saint-Père et la Création .
Le fait-même que cette Conférence de presse ait eu lieu (pardon si j'ignore les usages dans le milieu médiatique) soulève pour moi cette première perplexité, sur le thème à la mode de la "communication" du Vatican.
Est-il possible de communiquer mieux que le Saint-Siège ne l'a fait hier?
Et ceux qui reprochent à l'Eglise de mal communiquer écoutent-ils seulement ce qu'elle dit?

On peut en douter, quand on voit la faible répercusion de cette "mini-encyclique écologique", selon l'heureuse trouvaille de Michel Kubler (qui a écrit un bon article dans La Croix, mal servi par son titre! "Conversion écologique", mais réglant son compte au "pape vert" et rendant hommage au "propos de haut niveau"), et les rares titres, repris d'agences sur "Le Pape invite à agir contre le réchauffement climatique".

Aujourd'hui, le site du Vatican publie l'intégralité de l'intervention du Cardinal Martino.

Divisé en paragraphes clairs, sous-titré, c'est un bon "guide de lecture", qui souligne bien les idées ayant guidé la réflexion du Pape.
Peut-être pas indispensable, car le texte lui-même est très accessible, mais nettement mieux que les ( très rares, donc) résumés parus dans la presse.
Et le cardinal a eu la bonne idée d'inscrire l'Encyclique dans l' "itinéraire de paix idéal" du Magistère de Benoît XVI, en rappelant les 4 messages précédents de son Pontificat.
(Ma traduction).


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CONFÉRENCE DE PRESSE DE PRÉSENTATION DU MESSAGE DU SAINT-PÈRE POUR LA 43ème JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX (1er Janvier 2010)

Hier matin (mardi 15 décembre), dans l'Aula Giovanni Paolo II du Bureau de Presse du Saint Siège, s'est tenue la conférence de presse de présentation du Message du Saint-Père pour la 43ème Journée mondiale de la Paix (1er Janvier 2010) sur le thème: Si tu veux cultiver la paix, protège la création.
Les intervenants étaient le Cardinal Renato Raffaele Martino, président émérite du Conseil pontifical Justice et Paix, Mgr Mario Toso, Secrétaire du même Conseil Pontifical, et le Dr Tommaso Di Ruzza, "ufficiale" du même Conseil.

Voici l'intervention de Son Emminence le cardinal Renato Raffaele Martino.
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Le Saint-Père Benoît XVI, pour la 43e Journée mondiale de la Paix, nous invite à réfléchir sur une question qui interpelle l'humanité toute entière: "Si tu veux cultiver la paix, protège la création". Thème de remarquable actualité, et qui développe d'une manière cohérente le "Magistère de la paix" que Benoît XVI nous donne avec Ses Messages annuels.

Le Saint Père, en effet - après avoir insisté sur le thème de la paix comme don de Dieu dans la Vérité (2006), comme fruit du respect de la personne humaine (2007), comme expression de la communion de la famille humaine(2008), appelé à éliminer toutes les formes de Pauvreté, matérielles et immatérielles - suivant un "itinéraire de paix" idéal, en arrive au contexte dans lequel l'humanité reçoit sa vocation à la paix: la Création.
(voir ici: http://www.vatican.va/.../messages/peace/... )

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Une "vision cosmique" de la paix
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C'est là qu'émerge un premier aspect essentiel du Message de Benoît XVI, lequel nous propose une vision cosmique de la paix, c'est-à-dire entendue comme tranquillitas ordinis (tranquillité de l'ordre établi par Dieu), qui se réalise dans un état d'harmonie entre Dieu, l'humanité et la création.

Dans cette perspective, la dégradation de l'environnement exprime non seulement un déséquilibre entre l'humanité et la création, mais une détérioration plus profonde de l'union entre l'humanité et Dieu. Réfléchir sur la crise écologique signifie alors réfléchir sur une "crise interne" à la Création, qui met directement en cause l'homme à qui Dieu a confié le mandat de "préserver et de cultiver" la création (Gn 2.15).

L'urgence d'agir
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Dans le sillage de la doctrine sociale catholique et, en particulier du Magistère de Paul VI et de Jean Paul II - qui en 1990 a consacré son Message pour la Journée mondiale de la Paix au sujet: "Paix avec le Dieu créateur, paix avec toute la création" - Benoît XVI dénonce une véritable crise écologique: "Comment demeurer indifférents face aux problématiques qui découlent de phénomènes tels que les changements climatiques, la désertification, la dégradation et la perte de productivité de vastes surfaces agricoles, la pollution des fleuves et des nappes phréatiques, l’appauvrissement de la biodiversité, l’augmentation des phénomènes naturels extrêmes, le déboisement des zones équatoriales et tropicales? Comment négliger le phénomène grandissant de ce qu’on appelle les «réfugiés de l’environnement»: ces personnes qui, à cause de la dégradation de l’environnement où elles vivent, doivent l’abandonner – souvent en même temps que leurs biens – pour affronter les dangers et les inconnues d’un déplacement forcé? Comment ne pas réagir face aux conflits réels et potentiels liés à l’accès aux ressources naturelles? Toutes ces questions ont un profond impact sur l’exercice des droits humains, comme par exemple le droit à la vie, à l’alimentation, à la santé, au développement".(n.4).

Face à ces défis, le Saint-Père ne propose cependant pas de solutions techniques et ne s'ingère pas dans la politique du gouvernement. Il rappelle plutôt l'implication de l'Eglise dans la défense de la terre, de l'eau et de l'air, qui sont des dons du Créateur à l'humanité, et appelle à un rééquilibrage de la relation entre le Créateur, l'humanité et la création (n. 4).

Perspectives d'un "chemin commun" de l'humanité
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Benoît XVI indique à cet effet quelques points essentiels d'un chemin possible pour la construction de la paix dans le respect de la création.

a) Un vue non-réductrice de la nature et de l'homme

Le Saint-Père invite avant tout à cultiver une vision non- réductrice de la nature et l'homme: "lorsque la nature et, en premier lieu, l’être humain sont considérés simplement comme le fruit du hasard ou du déterminisme de l’évolution, la conscience de cette responsabilité risque de s’atténuer dans les esprits. Au contraire, considérer la création comme un don de Dieu à l’humanité nous aide à comprendre la vocation et la valeur de l’homme" (n.2). "La beauté de la création nous aide à reconnaître l’amour du Créateur, Amour qui, comme l’écrit Dante Alighieri, «meut le soleil et les autres étoiles»(n. 2).
"Quand l'homme, au lieu de jouer son rôle de collaborateur de Dieu, se substitue à Dieu, il finit par provoquer une révolte de la nature, davantage tyrannisée que gouvernée par lui " (n. 6) .

Ceci explique la perplexité de l'Église face à une conception de l’environnement qui s’inspire de l’éco-centrisme et du bio-centrisme, parce que "cette conception élimine la différence ontologique et axiologique qui existe entre la personne humaine et les autres êtres vivants. De cette manière, on en arrive à éliminer l’identité et la vocation supérieure de l’homme, en favorisant une vision égalitariste de la «dignité» de tous les êtres vivants" (n.13).

b) Un renouveau culturel profond

Le message du pape exhorte alors à un profond renouveau éthique et culturelle. "Les situations de crise» - dit Benoît XVI - qu'elles soient économiques, nutritionnelles, environnementales ou sociales - sont au fond aussi des crises morales" (n. 5). "Elles mettent en cause la conduite de chacun d'entre nous, les styles de vie et les habitudes de consommation et de production actuellement dominants, souvent insoutenables (n.11). "Ainsi seulement, la crise actuelle devient-elle une occasion de discernement et de nouvelle planification".(N. 5).

c) Nous sommes tous responsables du soin de la création

"Nous sommes tous responsables de la protection et du soin de la création. Cette responsabilité ne connaît pas de frontières. Selon le principe de subsidiarité, il est important que chacun s'y emploie au niveau qui lui correspond " (n.11). Dans ce contexte, l'éducation à l'écologie est d'une importance fondamentale, elle doit s'accomplir principalement dans le contexte de la famille (n. 12). Le Saint-Père a également souligné la précieuse contribution des ONG, "qui se consacrent avec détermination et générosité pour la diffusion d'une responsabilité écologique" (n. 11).

d) Une révision profonde du modèle de développement

Une responsabilité particulière incombe toutefois aux responsables, au niveau national et international. L'appel du Saint-Père est donc "d’opérer une révision profonde et perspicace du modèle de développement, et de réfléchir également sur le sens de l’économie et de ses objectifs, pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres."(n.5).

Déjà dans Caritas in veritate Benoît XVI avait souligné que: "Toute décision économique a une conséquence de caractère moral". Il espère ainsi: "l'adoption d'un modèle de développement basé sur la centralité de l'être humain, sur la promotion et le partage du bien commun, sur la responsabilité et sur la prudence ..." (n. 9).

Ce faisant, "l'homme est appelé à utiliser son intelligence dans le domaine de la recherche scientifique et de la technologie" (n. 10).
Science et technologie ne sont pas capables à elles seules de résoudre la crise écologique, qui a de profondes racines culturelles et éthiques. Elles doivent elles aussi être placés dans le cadre du mandat de cultiver et de garder la terre (Cf. Genèse 2.15), que Dieu a confié à l'homme, ayant pour objectif de renforcer l'alliance entre l'homme et l'environnement qui doit refléter l'amour créateur de Dieu."

e) Cohérence avec la destination universelle des biens

"Malheureusement, - observe Benoît XVI - on doit constater qu'une multitude de personnes dans différents pays et régions de la planète, éprouvent des difficultés croissantes en raison de la négligence ou du refus, par beaucoup, d'exercer une gouvernance responsable sur l'environnement »(n. 7). "L'héritage de la création appartient à toute l'humanité. Au lieu de cela, le rythme actuel d'exploitation compromet gravement la disponibilité de certaines ressources naturelles, non seulement pour la génération actuelle, mais aussi pour les générations futures "(n. 7).

f) La nécessité d'une nouvelle solidarité inter - et intra - générationnelle

La crise écologique, montre alors la nécessité d'une solidarité qui se projette dans l'espace et le temps: "Les coûts découlant de l’usage des ressources environnementales communes ne peuvent être à la charge des générations futures. ... C'est une responsabilité que les générations présentes ont envers l'avenir" (n. 8). De manière symétrique, il y a aussi un besoin urgent de solidarité intra-générationnelle, spécialement dans les relations entre les pays en voie de développement et ceux hautement développés, sans alimenter des visions partiales qui ont tendance à exagérer certaines responsabilités par rapport à d'autres.

Comme Benoît XVI l'affirme, "il est important de reconnaître, parmi les causes de la crise écologique, la responsabilité historique des pays industrialisés. Les pays les moins avancés et, en particulier les nouveaux, ne sont pas exonérées de toute responsabilité en ce qui concerne la création, car l'obligation de prendre des mesures progressives et efficaces en matière d'environnement appartient à tous "(n. 8).

g) Une utilisation équilibrée des ressources énergétiques

"Une des principales questions devant être examinées par la communauté internationale, a dit le Saint Père, est celle des ressources énergétiques, trouvant des stratégies communes et durables pour répondre aux besoins énergétiques de cette génération et des générations futures " (n.9 ). À cette fin, "il convient de promouvoir la recherche et l’application d’énergies dont l’impact environnemental est moindre et la redistribution planétaire des ressources énergétiques … afin que les pays qui n’en ont pas puissent y accéder".(n. 9).

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Espérance dans l'intelligence et la dignité de l'homme
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En résumé, Benoît XVI nous propose une lecture réaliste et très "problématique" (càd posant les problèmes), mais jamais catastrophiste de la réalité et de la crise écologique actuelle. Le Saint-Père souligne les effets négatifs de la conduite humaine, mais ne perd jamais espoir dans l'intelligence et la dignité de l'homme, qui, nous enseigne Thomas d'Aquin "signifie ce qu'il y a de plus noble dans l'univers".

De manière éclairante, Benoît XVI observe que: " La question écologique ne doit pas être affrontée seulement en raison des perspectives effrayantes que la dégradation environnementale dessine à l’horizon; c’est la recherche d’une authentique solidarité à l’échelle mondiale, inspirée par les valeurs de la charité, de la justice et du bien commun, qui doit surtout la motiver."(n. 10).

Le Saint-Père rejette ensuite les deux extrêmes de l'égo-centrisme, qui permettrait à l'homme de tyranniser la création et l'éco-centrisme, qui priverait l'homme de sa dignité transcendante et supérieure. Le chemin indiqué par le Saint-Père est fait d'un d'équilibre profond, intérieur et extérieur, entre le Créateur, l'humanité et la création.

Saint François d'Assise, témoin de l'harmonie dans la création
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Le choix de Benoît XVI de consacrer le Message au thème de l'écologie n'est pas un hasard.
Cette année, est en effet le 30ème anniversaire de la proclamation de saint François d'Assise comme Saint patron des écologistes.

"Ami des pauvres, aimé par les créatures de Dieu, disait Jean-Paul II, il a invité chacun - animaux, plantes, éléments naturels - à honorer et à louer le Seigneur. Du Pauvre d'Assise, nous vient le témoignage qu'étant en paix avec Dieu, nous pouvons mieux nous consacrer à l'édification de la paix avec toute la création, qui est inséparable de la paix entre les peuples. "5

Le Cantique des Créatures de Saint-François offreencore un témoignage actuel dans la complexité d'aujourd'hui. L'amour pour la création, s'il se projette dans un horizon spirituel, peut conduire l'homme à la communion avec les autres et à l'union avec Dieu

En regardant l'exemple du Pauvre d'Assise, apprenons à aimer la création, et à voir en elle l'amour infini du Créateur «Laudato sie, mi’ Signore cum tucte le Tue creature; Laudato si’, mi Signore, per quelli che perdonano per lo Tuo amore; Laudate et benedicete mi Signore et rengratiate e serviateli cum grande humilitate».
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Michel Kubler

Conversion écologique
(La Croix, 16 décembre)
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Certes, Benoît XVI n’est pas le premier pape à se préoccuper de l’environnement : avant lui – et sans remonter aux Pères des premiers siècles –, bien des hommes d’Église ont affiché leur préoccupation pour ce que l’œcuménisme moderne appelle la sauvegarde de la création. Mais l’actuel successeur de Pierre restera peut-être dans l’histoire, entre autres titres, comme « le pape vert » : un qualificatif dont les milieux romains s’agacent volontiers, craignant qu’il ramène le propos du pape à un banal plaidoyer écolo.

Or, le message du Saint-Père, publié hier pour la Journée mondiale de la paix qui sera célébrée le 1er janvier, a une valeur historique.
Récapitulant l’enseignement de ses prédécesseurs, reprenant des analyses lucides de la crise et actualisant la doctrine de l’Église sur un sujet brûlant dont se préoccupent, en ces jours mêmes, tous les gouvernants de la planète, il se présente comme une « mini-encyclique » écologique.
Surtout, Benoît XVI, adossé à une solide théologie de la création, se démarque de tout discours partisan pour aller droit au cœur de la question : il s’agit de « convertir le modèle de développement global selon une orientation plus respectueuse de la création et en faveur du développement humain intégral », tel qu’il vient lui-même de le promouvoir dans l’encyclique Caritas in veritate.

Ce propos de haut niveau devrait résonner jusqu’à Copenhague. D’abord par son postulat, qui pourrait faire l’unanimité : « On ne peut rester indifférents à ce qui nous arrive, car la détérioration de n’importe quelle partie de la planète retomberait sur tous. » Mais aussi parce qu’il bouscule quelques idées politiquement correctes du moment, appelant les puissances mondiales comme chaque individu à une véritable conversion écologique. Récusant aussi bien un panthéisme qui nivelle tous les registres du vivant et un progressisme inconscient de ses dégâts sur l’environnement, il rappelle à la face du monde qu’au centre de la création est l’homme, appelé par Dieu à maîtriser celle-ci sans jamais la mépriser.
La Terre, ce lieu de la grandeur de l’humanité, est aussi – aujourd’hui sans doute plus que jamais – celui de sa responsabilité.



Michel Kubler

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Benoît XVI dans les Alpes En attendant Copenhague...