Les "12 croix de Ratzinger"
telles qu'elles sont identifiées par l'hebdomadaire italien Panorama, dans un dossier intitulé "Qui intrigue contre le pape"? (20/3/2010)
L'hebdomadaire "Panorama" est un magazine de news italiens, publication du groupe Mondadori. Je l'ai acheté plusieurs fois, et l'impression qu'il me donne (difficile d'être plus affirmative, je l'ai feuilleté trop rarement), c'est qu'il n'est pas frénétiquement à gauche (ce qui vaut d'être dit dans la presse d'aujourd'hui) comme par exemple son rival l'Espresso, qui appartient au même groupe de presse que Repubblica. Une sorte de "Point" italien, peut-être, moins anticlérical.
Ceci pour le situer.
Cette semaine, le journal publie un dossier intitulé "Chi trama contro il Papa?" (qui intrigue contre le Pape?).
L'aspect "intrigues de palais" peut laisser sceptique, mais il y a tellement de preuves objectives et convergentes depuis le début du Pontificat qu'il serait malhonnête d'écarter les intentions malveillantes qui les sous-tendent.
Panorama a idenfié les "12 croix de Ratzinger". Le choix est arbitraire, car on s'est limité aux croix plus ou moins endogènes... mais les autres sont bien présentes aussi.
Et bien sûr, qui orchestre cet assemblage si hétérogène, et pourquoi les "croix" trouvent-elles tellement d'échos dans les medias?
Pour finir, récemment, un "journaliste" français a cru intelligent de rabâcher l'éternel argument:
"Il est vrai que c'était difficile de succéder à JPII".
Il l'a dit, bien sûr, pour comparer (au détriment du dernier) les "charismes" (au sens médiatique) de JP II et Benoît XVI.
Il ne savait sans doute pas à quel point c'était vrai.
Certes, Jean Paul II a redonné à l'Eglise la visibilité dont elle manquait. Mais il a laissé à son successeur, à son insu, plusieurs bombes à retardement que ce dernier s'emploie non pas à désamorcer, mais à faire en sorte d'assainir les situations qui les ont suscitées.
Ma traduction d'après la version papier:
Saintes inquiètudes.
Benoît XVI veut nettoyer l'Eglise, révolutionner la Curie et en renouveler les dirigeants.
Sans rabais ni silences, à commencer par les scandales de pédophilie. Mais sa "révolution douce" déplaît à beaucoup. Et ainsi, le nombre des ennemis augmentent.
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Le Pape et les conjurés.
Qui complote contre le Pape?
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Il rêvait de se retirer pour écrire des livres, le cardinal Ratzinger. C'étaient les premiers mois de 2005. Et il avait confié aux méditations du Chemin de Croix, lors de la semaine Sainte, son testament spirituel.
"Que de saleté dans l'Eglise, et justemnt parmi ceux qui, dans le sacerdoce devraient lui appartenir entièrement. "
Aujourd'hui, à cinq années de l'élection à la Chaire de Pierre, ces paroles de Ratzinger sonnent comme une prophétie lucide: l'affaire Dino Boffo, celle d'Angelo Balducci à l'ombre de la coupole (une sombre histoire de partouzes homosexuelles qui impliquait un choriste nigérian du Vatican censé avoir fourni des proies à un haut dirigeant italien... j'avais zappé ndt), les abus sexuels commis par des prêtres en Irlande et en Allemagne, pour ne citer que les derniers scandales. Et le protagoniste du Chemin de Croix est devenu le Pape Benoît XVI, le cyrénéen contraint de porter la croix à la limite de ses proppres forces, pour le bien de l'Eglise.
"Il y a une campagne de diffamation contre le Pape", dénonce le Cardinal Ruini. Mais il oublie que cette camapgne est née du sein de la Curie, de ces groupes de pouvoir qui cherchent à tout prix à s'opposer à la "révolution gentille" entreprise par Benoît XVI pour nettoyer le visage de l'Eglise.
Le dossier sur le Père Peter Hullerman (le mystérieux abbé H. transféré dans une paroisse de Munich malgré les accusations de pédophilie, dans la période où Ratzinger était archevêque) était connu au Vatican avant la publication par le Suddeutsche Zeitung. C'est pourquoi certains se demandent si la communication de l'affaire au quotidien allemand n'est pas venue de l'intérieur des Palais Sacrés.
Le Pape est souvent décrit comme un homme seul, enfermé dans son bureau, à écrire des livres et jouer du piano. Mais il n'en est pas ainsi.
Ratzinger connaît parfaitement les priorités de son pontificat, et avec l'aide du Cardinal Bertone (loué encore le 17 mars pour son service au Saint-Siège), pas après pas, il est en train de révolutionner la Curie et le style de l'Eglise.
Ce n'est peut-être pas un hasard si les attaques à Ratzinger et à ses collaborateurs , sur l'affaire Boffo et sur les cas de pédophilie en Allemagne, sont arrivées à la veille d'une série de nominations cruciales aux sommets de la Curie, avant tout le remplacement du très puissant cardinale Giovanni Battista Re à la tête de la Congrégation pour les évêques.
Sur le bureau du Pontife, il y a aussi beaucoup de dossiers qui suscitent les réactions violentes de ses adversaires, dans les murs, et hors des murs.
"Panorama" a cherché les plus brûlants:
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Ici, l'article développe (pas trop longuement) les légendes des différentes vignettes qui illustrent ses propos, sous le titre: Voici les coalitions qui ôtent le sommeil au Pontife:
- Les lefébvristes: Ils refusent le Concile Vatican II, et se regroupent derrière Mgr Fellay, le successeur de Mgr Lefevbre
- Les anglicans: Ils accusent le Pape de faire du prosélytisme. Ils sont menés par l'archevêque de Canterbury, Rowan Williams.
- Les martiniens. Les fans du cardinal Martini réclament de rouvrir le débat dans l'Eglise sur la contraception, la fécondation et le "testament biologique"
- Les wojtiliens. Ils veulent Jean-Paul II "santo subito", mais Ratzinger demande le respect de la procédure. Leur leader est l'ex-secrétaire de Wojtyla, Stanisla Dziwisz.
- Les traditionalistes: Leur référence est le cardinal Castrillon Hoyos, et ils se plaignent d'obstacles à la célébration de la messe en latn selon le rite antique.
- Les ruiniens. L'ex-président de la CEI, Camillo Ruini, joue les accteurs de la vie politique italienne, malgré l'opposition de Tarcisio Bertone
- Les légionnaires du Christ. Benoît XVI a envoyé une inspection, parce que leur fondateur, Marcel Maciel, a accompli des abus sexuels, et a eu des enfants
- Les sodaniens. L'ex secrétaire d'Etat Angelo Sodano est encore un point de référence pour beaucoup de prélats de l'ère Wojtyla
- Les latinos. Ils contestent une attention insuffisante de Razinger pour l'Amérique latine. Leur chef de file est le cardinal brésilien Claudio Hummes.
- Les curiaux. Leur champion est le préfet de la Congrégation pour les évêques, Giovanni Battista Re. Mais Ratzinger veut le remplacer par l'archevêque de Sidney, George Spell
- Les réformateurs. Le mouvement "Nous sommes Eglise" conteste les rappels du Pape à la tradition, et s'appuie sur l'ex-archevêque de Bruxelles, Godfried Danneels
- Les oecuménistes: Ils ont la nostalgie de l'ouverture de Wojtyla au dialogue avec les autres religions. Leur ange gardien, le cardinal allemand Walter Kasper, devrait être remplacé par le suisse Kurt Koch.
L'article développe ensuite (pas trop longuement) les légendes des différentes vignettes.
Et se termine par ce paragraphe:
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Davantage de transparence dans les appels d'offre et les finances
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Un chapitre décisif dans l'oeuvre de nettoyage de l'Eglise entreprise par ce Pontificat concerne les appels d'offre et les finances. En premier liau le IOR (Istituto delle opere religiose, la Banque du Vatican), le Governorat de la Cité du Vatican, et la Congrégation pour l'évangélisation des peuples ("De propaganda fide", qui concerne un tiers des diocèses du monde et les fonds pour les missions. Une action qui risque d'être compromise par le scandale Balducci, "gentilhomme de sa sainteté" et consultant de Propaganda Fide, lié au vieux système de gestion des appels d'offres du Vatican (impliqué une affaire de moeurs à connotation homosexuelle, voir plus haut).
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Fin novembre 2010, le Pape tiendra un consistoire pour la nomination d'environ 20 nouveaux cardinaux. L'occasion d'apporter un vent de nouveauté aux sommets de l'Eglise. Mais aussi pour quelques nouveaux poisons dangereux dans les Palais Sacrés.