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Benoît XVI et les juifs

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Benoît XVI et les juifs : le dialogue malgré tout

Jean-Marie Guénois
15/01/2010 |
Le Pape se rend dimanche à la synagogue de Rome. Une visite préparée avec d'autant plus de soin que la controverse née de la béatification annoncée de Pie XII a failli faire échouer cette rencontre symbolique.


Vu du ciel, un petit kilomètre sépare la synagogue de Rome de la basilique Saint-Pierre. Vu de l'histoire, vingt-deux siècles opposent ces deux édifices. Il a fallu attendre les années 1960 pour que le pape Jean XXIII ose y faire arrêter sa voiture… Sans descendre, vitre baissée, il a béni les fidèles de la plus ancienne synagogue d'Europe.
L'acte décisif, on le doit à Jean-Paul II, le 13 avril 1986. Il y entra «en tant que» pape. Une première dans l'histoire des religions. Il y prononça l'un des discours majeurs de son pontificat, où il qualifia les juifs de «frères aînés» des chrétiens.
Benoît XVI, son successeur, y est attendu dimanche après-midi. Dans un contexte beaucoup plus lourd. Il y a presque un an, jour pour jour, il a levé l'excommunication de l'évêque Williamson, négationniste de la Shoah. Et il vient de donner son aval au processus de béatification de Pie XII. Cette décision inattendue de Benoît XVI, juste avant Noël, a d'ailleurs failli conduire à l'annulation de l'invitation formulée par la communauté juive de Rome. «Il y a eu une discussion très nourrie à cet égard, confie au Figaro le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, mais il a été finalement décidé de ne pas annuler la rencontre.» Ce qui ne fait pas l'unanimité, puisque le président de l'assemblée rabbinique italienne, Giuseppe Laras, boycotte l'événement. Pour lui, l'Église catholique devrait donner des «éclaircissements plus significatifs sur l'héroïcité des vertus de Pie XII».

La communauté juive en ébullition

D'autres personnalités invitées, comme le Français Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) et membre de plusieurs comités internationaux de liaison avec les catholiques, ont décliné l'invitation.
Il explique : «Le Crif sera représenté, mais j'ai préféré m'abstenir.» Pour sa part, le rabbin Jacob Neusner, mondialement connu pour ses recherches (Benoît XVI l'avait cité dans son livre Jésus de Nazareth) explique au Figaro, juste avant de quitter les États-Unis, qu'il fait «spécialement le voyage pour exprimer de façon concrète l'importance politique et religieuse de cette visite : elle marque la haute estime que le Pape désire exprimer à la synagogue et au judaïsme et l'empressement de la communauté du judaïsme pour exprimer la réciproque».
Tout en cherchant à éviter une rupture avec le Vatican qui accentuerait l'isolement d'Israël, la communauté juive est donc en ébullition. Le rabbin Haïm Korsia, secrétaire général de l'association du rabbinat français, en rend compte : «La décision sur Pie XII concerne la vie interne de l'Église catholique, et loin de moi l'idée que Pie XII aurait été un complice des nazis. Peu importe même ce que l'on trouvera dans les archives du Vatican dont l'ouverture est pourtant très attendue (!!!). Mais il faudrait surtout réaliser que la tradition juive considère que le rôle des prophètes est précisément de parler quand ils doivent parler.» Et son confrère, le rabbin Elie Dahan, rabbin de Lille et de la région Nord, de proposer : «La confusion est effectivement totale sur Pie XII. On entend tout et son contraire. Pourquoi ne pas profiter de cette visite pour annoncer un coup d'éclat, un colloque international, entre responsables et spécialistes juifs et chrétiens, à huis clos, sur le fond du dossier de Pie XII. Suivre la méthode de ce qui avait été fait pour résoudre le problème du carmel d'Auschwitz. Chacun pourrait s'y expliquer et cela permettrait d'apaiser les cœurs».
Apaiser les cœurs est bien l'objectif désiré de l'autre côté du Tibre… On confie au Vatican que ce déplacement a été préparé «avec le plus grand soin» car l'invitation de la communauté juive de Rome est arrivée «dès le début du pontificat». Mais on récuse avec force dans les coulisses toute «connexion» entre les deux dossiers : Pie XII est «une affaire interne» à l'Église catholique. La visite, elle, s'inscrit dans un mouvement «irrévocable» de «rapprochement et d'amitié» entre les chrétiens et la communauté juive. Le cardinal Walter Kasper, président du conseil pour l'unité des chrétiens (dont une section suit les relations avec le judaïsme) est le «ministre» compétent du Vatican en ce domaine. Il précise : «Cette visite veut confirmer les rapports accrus, mûris, au cours des dernières décennies entre catholiques et juifs.» Quant à la polémique sur Pie XII, ce cardinal allemand dit «respecter la sensibilité des survivants de l'Holocauste» mais insiste pour que soit connu ce que «Pie XII a fait en faveur des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs milliers de juifs ont été sauvés à Rome et ailleurs dans le monde. Nous devons lui faire justice. Pie XII savait que s'il parlait trop fort, ce serait dommageable».
À Paris, le père Patrick Desbois, mondialement connu pour ses recherches dans les pays d'Europe de l'Est sur la Shoah par balles, qui bénéficie d'une vision internationale de la question, estime que «le grand enjeu de la visite de Benoît XVI est l'ancrage qu'elle signifie. En confirmant la première visite de Jean-Paul II, le Pape la transforme en acte de “tradition”. Et comme la communauté juive de Rome a toujours eu un rôle particulier dans ce dialogue, sa répercussion sera mondiale». De fait, de hautes personnalités israéliennes, politiques et religieuses, juives et chrétiennes sont aussi attendues dimanche à Rome.

Sa troisième synagogue en cinq ans

Et Benoît XVI, dans tout cela ? Il déroute certains qui le soupçonnent, par amalgame, de ne pas être loin de certaines thèses antisémites… C'est pourtant bien mal connaître ce théologien devenu pape. Il visite là sa troisième synagogue en cinq ans, après Cologne et New York. Un livre, L'Unique Alliance de Dieu, publié chez Parole et Silence, reprend les textes importants et la pensée du cardinal Ratzinger sur le judaïsme. Dont une conférence donnée à Jérusalem en février 1994 (il y avait été envoyé par Jean-Paul II pour préparer la repentance de l'an 2000) où il fait cette confidence «déjà enfant, je ne pouvais jamais comprendre comment certaines personnes cherchaient à déduire de la mort de Jésus une condamnation des juifs». Son père avait eu de sérieux ennuis professionnels parce que, catholique, il s'opposait au nazisme.
Dans ces textes, il pulvérise la vieille thèse, matrice de l'antisémitisme, selon laquelle les juifs seraient coupables de la mort du Christ. Et introduit une seconde idée maîtresse qu'il a travaillée - dès 1947 - : «L'unique alliance de Dieu.». En opposition frontale à la théologie de la substitution pour qui la nouvelle alliance par le Christ rend caduque la première alliance par le peuple choisi. Idées centrales, d'ailleurs, du discours de Jean-Paul II à la synagogue de Rome en 1986. Et pour cause, le pape et le cardinal Ratzinger l'avaient préparé ensemble !
«Celui qui va prier à la synagogue ce dimanche, justifie le père Antoine Guggenheim, directeur de recherche au Collège des Bernardins, vit le dialogue avec les juifs à sa racine. Marie, il l'appelle “fille de Sion”. Il est l'un de ces penseurs catholiques qui ont nourri un mouvement qui a mis fin à la théologie de la substitution. Pour Joseph Ratzinger, il n'y a pas d'altérité entre les deux alliances, mais unité. Il pense le peuple d'Israël “avec” l'Église et non pas contre. Israël garde toute sa place.»

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