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Dans la perspective de "l'Année de la foi", Massimo Introvigne épluche une étude sociologique de l'Université de Chicago sur le phénomène de la sécularisation en Occident. Et la 'Repubblica' salue le succès "spirituel" de l'idéologie communiste, encore visible dans les pays de l'ex bloc de l'Est. (22/4/2012)

     



Dimanche 17 octobre 2011, dans l'homélie de la messe de conclusion du Congrès sur la nouvelle évangélisation, Benoît XVI annonçait que 2012 serait "Année de la foi". Cette annonce a été confirmée par la promulgation du Motu Proprio Porta Fidei
C'est peut-être à travers le prisme de cette grande initiative du Saint-Père qu'il faut lire la synthèse, par Massimo Introvigne, de cette étude "scientifique", bourrée de chiffres qui sont ensuite minutieusement interprétés.
Les situations sont très contrastées. L'Italie catholique résiste plutôt bien, dans l'ex-RDA, le communisme a "bien" réussi son entreprise de ruine des âmes, dans d'autres pays du défunt bloc de l'Est, l'hédonisme et le matérialisme ont pris le relai du communisme, et la France dispute à la République Tchèque la triste première place au classement du pays le plus sécularisé au monde.
C'est en Israël (curieusement inclus dans l'étude) que les progrès de la foi sont les plus grands. Explication proposée: les juifs orthodoxes font beaucoup d'enfants, les autres pas. Effet mécanique garanti.

Le rapport de Chicago a également fait l'objet d'une recension dans le quotidien gauchiste italien La Repubblica, sous le titre éloquent: Meno credenti, più atei convinti così il mondo volta le spalle a Dio - moins de croyants, plus d'athées convaincus, ainsi le monde tourne le dos à Dieu. (cf. www.finesettimana.org ).
On y lit cet aveu que je trouve finalement stupéfiant de leur part, comme s'ils ne ressentaient même plus le besoin de cacher leurs intentions:

Les effets du communisme
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Le communisme a échoué du point de vue économique, mais le "travail d'éponge" ('spugna', i.e. d'imprégnation) sur la spiritualité des individus semble avoir bien (sic!) fonctionné dans les pays du bloc socialiste. Avec toutefois deux exceptions importantes (la Pologne et la Russie), les nations de l'Europe de l'Est s'entassent dans le fond du classement des croyants. L'ex Allemagne de l'Est a même le record d'athées convaincus (52,1%), suivie par la Répubblique Tchèque (39,9%). Et toujours parmi les allemands de l'Est, la religiosité atteint un niveau de 12,7% parmi les gens âgés de plus de 68 ans, et est même proche de zéro, parmi les jeunes de moins de 28 ans.

L'Occident perd la foi? Pas partout
http://www.labussolaquotidiana.it/
Massimo Introvigne
21/04/2012
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Le 18 Avril 2012, le National Opinion Research Center de l'Université de Chicago - un institut particulièrement autorisé en matière de sondages d'opinion, bien que pas particulièrement spécialisé en matière de religion - a publié une importante étude sur les «Croyances à propos de Dieu à travers le temps et les Pays»

L'étude vise explicitement à s'insérer dans le débat sur la sécularisation, à travers l'étude d'un de ses composants: le « believing», c'est-à-dire les croyances.
Les auteurs du rapport savent bien que depuis des années, la sécularisation est étudiée à trois niveaux - « believing » (croyances), « belonging» (appartenance, mesurée principalement par la participation aux rites religieux) et «behaving» (comportement) - ce qu'on nomme les « trois B ». Ils savent aussi que la majorité des sociologues pensent qu'en Occident, il y a une forte sécularisation des comportements - c'est-à-dire qu'on se comporte, dans les domaines moral, social, et politique en faisant largement abstraction de la religion - et une faible sécularisation des croyances, c'est-à-dire que de nombreux Occidentaux croient encore, d'une certaine façon en Dieu, tandis qu'une question très controversée et où souvent fait rage une véritable «guerre des statistiques» est celle des appartenances.

L'étude de Chicago traite des pays «occidentaux» , tous en Europe et en Amérique, plus l'Australie et la Nouvelle-Zélande, auxquels s'ajoutent Israël, les Philippines - inclus dans l'enquête pour son profil culturel majoritairement chrétien et occidental - et le Japon. L'inclusion du Japon paraît discutable, et le rapport lui-même rapporte les difficultés notables à évaluer les réponses des Japonais, qui disent souvent qu'ils ne croient pas en «Dieu», parce qu'ils comprennent la question comme se référant au Dieu des religions monothéistes, alors qu'en réalité il s'agit de personnes religieuses.

La caractéristique principale de la recherche est l'attention à l'aspect, décrit comme «relativement négligé» ces dernières années, des croyances. De nombreux sociologues donnent pour acquis que les croyances, à la différence des appartenances, sont relativement stables. L'étude se demande si c'est tellement vrai. Répondre n'est pas facile. L'analyse part de l'International Social Survey Programme (ISSP) et examine uniquement les pays pour lesquels l'ISSP fournit des données sur la religion dans au moins deux de ses trois recherches de 1991, 1998 et 2008.
Les chercheurs de Chicago n'ont donc pas réalisé une nouvelle enquête, mais ont plutôt développé les données de l'ISSP. Pour certains pays très importants - un parmi tous, le Brésil - les données ISSP disponibles n'étaient pas suffisantes, de sorte que ces pays ne sont pas inclus dans l'étude de Chicago. En outre, les données ISSP souffrent des problèmes habituels des enquêtes menées essentiellement par téléphone. Les réponses sont souvent contradictoires. Par exemple, en 2008 les Italiens qui prétendaient «ne pas croire en Dieu» étaient 5,9%, tandis que ceux qui disaient «ne pas croire en Dieu aujourd'hui et n'y avoir jamais cru» étaient 7,4%.

Ces contradictions ne surprennent pas ceux qui sont habitués à examiner les enquêtes sociologiques , mais elles doivent introduire un élément de prudence dans l'interprétation. Le travail spécifique du groupe de Chicago - une analyse comparative des données de 1991, 1998 et 2008 - doit lui aussi être lu avec prudence, dès lors que les échantillons ISSP utilisés ne sont pas toujours restés homogènes en passant d'une recherche à la suivante.

Lu avec la prudence qui s'impose toujours pour des recherches de ce genre, l'ensemble des données confirme et corrige l'opinion courante parmi les sociologues, selon laquelle les croyances restent relativement stables dans le temps. Pour citer le rapport, «la croyance en Dieu a diminué dans la plupart des pays, mais le déclin est plutôt modeste»: tellement modeste qu'il ne permet pas de conclusions définitive, surtout compte tenu des limites méthodologiques de la recherche examinée. Une deuxième conclusion est qu'il ya «d'énormes variations d'un pays à l'autre». Une troisième est que beaucoup de personnes, en prenant de l'âge, se rapprochent de la croyance en Dieu, perdu dans la jeunesse et l'âge mûr. Le fait est connu, mais même ici, il y a des exceptions, parmi elles l'Italie, l'un des rares pays où la majorité des jeunes adultes âgés de moins de 28 ans (50,7%) disent avoir une relation personnelle avec Dieu. Pour les auteurs du rapport, il s'agit d'un indicateur de croyance particulièrement significatif, et la comparaison entre les 50,7% des jeunes Italiens classés à ce niveau «haut» de la croyance et les 10,9% de leurs contemporains français - ou même les 29,4% des jeunes Espagnols - classés dans la même catégorie est impressionnante, encore qu'elle aille dans le même sens que d'autres enquêtes sociologiques de ces dernières années.

On ne doit toutefois pas sous-estimer - tout en réitérant une fois de plus, au risque de se répétiter, la prudence avec laquelle ces enquêtes doivent être lues - la donnée de la légère augmentation de ceux qui ne croient pas en Dieu. Le rapport adopte une classification en six groupes religieux, depuis les athées qui n'ont aucun doute au sujet de leur athéisme jusqu'aux croyants «forts». En Italie, les «athées forts» serait 1,7%, un chiffre qui n'augmente pas, tandis que les athées «faibles» - ne s'intéressant pas à la religion, mais non sans éprouver quelque doute - seraient, selon la façon dont les questions sont posées, entre 5,9% et 7,4%, soit une augmentation de 1,7% dans les dix ans entre 1998 et 2008, et de 3,2% entre 1991 et 2008.
Ici aussi, les données sont très différents d'un pays à l'autre. Le nombre des athées - forts et faibles - en Russie a diminué, au cours de la dernière décennie examinée, de façon spectaculaire (11,8%), avec aussi une augmentation de 17,3% du nombre de croyants par rapport à 1991, mais le rapport met en garde contre la conclusion qu'il y a un retour général à la religion dans les pays ex-communiste. Durant la même période, les athées ont augmenté de façon spectaculaire en République tchèque ( 18,4%) - qui dispute désormais à la France la primauté du pays le moins religieux de dans le monde - en Lettonie (9,1%), et dans une faible mesure (1%) en Pologne, où, cependant, le rapport mentionne spécifiquement le succès des campagnes d'une Église catholique particulièrement attentive aux données sociologiques, et engagée à lutter contre les phénomènes de sécularisation avec des campagnes visant à la nouvelle évangélisation.

Le rapport note la tenue très forte de la religion dans les Philippines, où les croyants en un Dieu personnel sont 91,9% et les athées «forts» 0,1%, et inversement la tenue de l'athéisme dans les régions de l'ex- Allemagne de l'Est, où, bien que les croyants soient en légère hausse, les athées gardent une solide majorité (52,1%). L'Allemagne de l'Est est la région où l'éducation à l'athéisme communiste s'est révélée la plus convaincante, tandis que dans la République tchèque - comme l'a aussi relevé Benoît XVI lors de son voyage en 2009 - aux effets du communisme se sont ajoutés, non moins dévastateurs, ceux d'une vague de relativisme, de matérialisme et d'hédonisme post-communiste. Particulièrement douloureuse est la diminution des croyants (de 15,4% par rapport à 1991), avec une augmentation correspondante, quoique modeste (3%) des athées, en Irlande. Le phénomène a certainement comme cause principale l'émotion énorme suscité par les scandales de prêtres pédophiles, et il est à craindre qu'une mise à jour en 2012 des données de 2008 conduirait à des conclusions encore plus alarmantes. Enfin, le rapport signale une forte croissance des croyants en Dieu - de 23%, un record, par rapport à 1991 - en Israël, et l'explique - à mon avis correctement - non seulement avec la montée de la foi dans les situations de tension et de guerre, mais aussi avec les données démographiques. Les Juifs orthodoxes en Israël, depuis des décennies ont beaucoup d'enfants, tandis que les Juifs sécularisés en ont peu. Dans le long terme, les croyants augmentent.

Il y a donc dans le rapport de Chicago, en même temps que des données relativement positives - d'abord, la tenue de la foi en Dieu, même parmi les plus jeunes, en Italie, et les données sur l'athéisme qui dans notre pays restent encore très minoritaire, en particulier dans sa version «forte» - des sonnettes d'alarme qui ne doivent pas être sous-estimés (ndt: en France, il semblerait qu'il n'y ait malheureusement QUE des sonnelles d'alarme. Bravo, la laïcité à la française...).
La «crise profonde de la foi qui a touché de nombreuses personnes» dont parle le Pape Benoît XVI dans la lettre Porta fidei (cf. http://benoit-et-moi.fr/2012-I) de 2011, est une réalité confirmée par les recherches sociologiques.

Mais la catégorie qui progresse n'est celle des athées «forts», malgré les campagnes de propagande en faveur de cette position, dont le succès est presque inexistant. Ce qui progresse, c'est la catégorie des « athées faibles », éloignés de la religion - en particulier institutionnelle - mais non sans doutes et incertitudes, et donc au moins en théorie, pas insensibles à des formes ciblées d'évangélisation.

Du «Parvis des Gentils» à l'Année de la foi, il s'agit d'une catégorie d'occidentaux dont l'Église se préoccupe depuis longtemps. «Nous ne pouvons pas oublier - écrit encore Benoît XVI dans la lettre Porta fidei - que dans notre contexte culturel, beaucoup de gens, tout en ne reconnaissant pas en eux le don de la foi, sont malgré tout dans une recherche sincère du sens ultime et de la vérité définitive sur leur existence et sur le monde. Cette recherche est un authentique "préambule" à la foi, parce qu'elle fait avancer les personnes sur la route qui mène au mystère de Dieu. La raison humaine elle-même, en effet, porte, inhérente, l'exigence de 'ce qui vaut et qui reste pour toujours'. Cette exigence constitue une invitation permanente, inscrite de manière indélébile dans le cœur humain, à se mettre en chemin pour trouver Celui que nous ne chercherions pas s'il n'était pas déjà venu à notre rencontre.»