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Le splendide article de Vittorio Messori. (28/5/2012)



Je ne sais pas si les corbeaux sont derrière les murs du Vatican, mais il y en a aussi en France, et ils se sont à coup sûr, depuis hier, abattus sur les plateaux télé, dans les studios de radio, et dans les colonnes des journaux.
Ils se sont informés à la hâte, à partir d'un article particulièrement grand-guignolesque de La Repubblica - journal notoirement hostile au Pape - basé sur un témoignage anonyme [cf. http://stampanazionale.esteri.it/PDF/2012/2012-05-28/2012052821780031.pdf] et racontent n'importe quoi.
On a même ressorti Hans Küng de la naphtaline, pour l'occasion (voir par exemple sur Le Point.fr): l'insupportable vieillard plaide pour une "perestroïka" dans l'Eglise, à l'instar de ce qui s'est fait (ose-t-il dire!!!) en URSS.
Pour respirer une bouffée d'air frais, mieux vaut se plonger dans la lecture de cet article de Vittorio Messori.
Lui a tout compris.
Il commence par remarquer que l'homélie de la Pentecôte (traduite par moi hier ici: Homélie de la Pentecôte) n'était pas liée aux derniers épisodes du roman-feuilletion vatican.
Il rappelle que le Vatican est aussi un Etat, mais qu'il ne doit pas être confondu avec l'Eglise.
Le Pape, dit-il, sait mieux que personne que l'Institution-Eglise est faite d'hommes, et donc marquée par le péché depuis sa fondation, il y a 2000 ans. C'est ce qui explique sa sérénité.

Tout le reste n'est que commérages, conjectures sans fondement, calomnies... et remplissage de papier.


La force tranquille de Benoît XVI, confondue avec de l'apathie
Vittorio Messori
Il Corriere della Sera,
28/5/2012

(Texte ici, ma traduction)
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C'est le réflexe conditionné de la profession. Compréhensible, peut-être naturel, mais qui semble parfois un peu abusif. Je parle du crible auquel les journaux soumettent les textes papaux pour y trouver quelque allusion à l'actualité de l'Eglise. À cet égard, j'ai lu attentivement le texte intégral de l'homélie prononcée par Benoît XVI hier à la Messe de la Pentecôte. On dit qu'il l'a écrite entièrement de sa main, contrairement à beaucoup d'autres choses où il se limite à réviser ce qui lui a été préparé selon ses instructions, orales ou écrites. Là, j'ai trouvé une page de haute spiritualité, un appel pressant non seulement aux fidèles, mais à l'humanité toute entière, à retrouver compréhension et communion, abandonnant tous les conflits, résolus jusque par la violence.
Même la comparaison entre la Pentecôte, signe d'union, et Babel, signe de désunion, est un classique de l'art de l'homélie. Dont avait également fait usage le maître incontesté du genre, le légendaire Bossuet, prédicateur à la cour du Roi Soleil.

Mais - et si je suis démenti, je ne m'en plaindrai pas - il ne m'a pas paru y trouver la moindre allusion à l'actuelle «chronique noire» ecclésiale. Et je dis <noire> intentionnellement, parce que je crois me souvenir que c'est l'une des rares fois depuis la fin du pouvoir temporel, qu'on parle de quelqu'un, et qui plus est un laïc, emprisonné par les «prêtres» dans une de leurs prisons. Ce ne sont pas les [salles] «Secrètes» du Palais du Saint-Office, où le cardinal Ratzinger a travaillé pendant un quart de siècle, mais, en somme, la chose a fait impression.

La cellule du valet de chambre, entre autres, nous rappelle un fait souvent oublié: le Vatican, malgré le maigre demi-kilomètre carré de superficie, est un Etat parmi les Etats, il siège à l'ONU, il a un drapeau, un blason, un hymne, et dispose d'un quotidien et d'une Gazette officielle, il a des ambassades, une police, des forces armées, des tribunaux, une radio, une station de chemin de fer. Il a également une banque centrale qui fait tellement jaser, et, justement, une prison.
Il est important, dis-je, de ne pas l'oublier, parce que (comme cela a été observé encore récemment), on continue à faire la confusion entre le Vatican et l'Eglise, mais les deux ne sont pas la même chose. Ainsi, par exemple, les affaires de l'IOR ou de l'Osservatore Romano, ou des ambassades dans le monde, les nonciatures, concernent l'Etat, et non pas l'Église. Même l'épisode dramatique de l'arrestation de ces jours-ci et la fuite de documents qui l'a précédée n'ont aucune signification religieuse, ils concernent la police et les magistrats du Vatican, donc l'Etat, et certes pas l'Église.

Mais, revenons-en à l'homélie de Benoît XVI hier. Probablement a-t-elle été écrite il y a un certain temps, mais, même si son écriture était très récente, il était très peu probable d'y trouver des allusion à la chronique. Aussi parce que, répétons-le, il ne s'agit pas d'événements qui se rapportent à l'enseignement du gardien de la foi et de la morale qu'est le successeur de Pierre.

L'occasion liturgique, ensuite, était celle de la Pentecôte qui, a rappelé le Pape lui-même, est comme le «baptême» de l'Eglise, née quelques jours plus tôt, c'est à dire après l'Ascension de Jésus au Ciel.
Le professeur Ratzinger était, et est un grand expert en théologie dogmatique, et a eu - et a - une excellente préparation en exégèse biblique, comme il l'a confirmé avec les deux volumes à ce jour sur le Jésus historique. Il n'est pas un spécialiste de l'histoire ecclésiastique, mais c'est aussi une discipline dans laquelle il se meut avec aisance.
Donc, il sait bien qu'est en grande partie abusif le mythe de l'Église primitive, composée entièrement de saints, un mythe également cultivé aujourd'hui par ceux qui contestent le Saint-Siège actuel, appelant à un retour aux origines. Le mythe vient de certains versets des Actes des Apôtres décrivant l'idyllique communauté primitive de Jérusalem, où tout le monde s'aime, et où tous mettent leurs biens en commun. Malheureusement, cela ne dura pas longtemps, parce que la communauté initiale, composée de Juifs, s'est immédiatement déchirée entre «hellénistes» et «judaïsants», sans exclure les coups. Tant et si bien qu'il y eut tout de suite un schisme, celui des judéo-chrétiens. Les lettres de Paul nous donnent un tableau inattendu, et assez décourageant: les Églises, souvent fondées par lui, donc à peine nées, non seulement étaient déjà divisées sur le plan doctrinal, mais souvent ne brillaient pas non plus par la moralité et l'Apôtre devait blâmer, exhorter, condamner les comportements de péché.

Faisant un saut temporel, n'oublions que dans de nombreuses villes d'Afrique du Nord, où le christianisme s'était très tôt implanté, ce furent souvent des chrétiens qui ouvrirent les portes aux musulmans, les acclamant à leur entrée. Plutôt eux, disaient-ils, que les Byzantins, qui faisaient la loi sur ces terres; et plutôt eux, encore, que les luttes continuelles, le plus souvent sanglante, et l'immoralité, des innombrables sectes et factions qui s'affrontaient au sein de l'Eglise. Qu'ils viennent donc, criaient les baptisés fatigués de ces violences, les disciples de Mahomet, pour mettre un peu ordre chez ces soi-disant disciples de l'Evangile, chargés au contraire de tous les péchés (1).

Pourquoi rappeler ces choses? Mais parce que la sérénité de Benoît XVI naît de la conscience que, depuis le début - justement à la Pentecôte - l'institution ecclésiale a rarement été à la hauteur de l'idéal. L'imperfection est la norme, partout où il y a des hommes.

Certains en sont arrivés au point de parler d'une sorte d'apathie devant les récents épisodes, graves, qui ne touchent pas, bien sûr, la théologie, mais qui blessent le dispositif institutionnel, avec le danger de scandale pour les fidèles et la perte de crédibilité de l'ensemble du catholicisme. Il y en a même un qui, prétendant parler en ami du Pape et pour le bien de l'Eglise (2), a déclaré qu'il espérait sa démission, qui le porterait à revenir, enfin, à sa véritable vocation: celle du savant, retiré dans un ermitage, avec seulement ses livres. Laissant à quelqu'un d'autre, plus actif et plus attentif à la vie concrète de l'Eglise, la gestion des choses. Mais ces amis (?) de Joseph Ratzinger, dont nous ne voulons pas douter de la bonne foi (??), ne réalisent-ils pas que de cette manière, ils font justement le jeu de ses adversaires, s'ils veulent vraiment l'inciter à repartir avec des événements comme le vol de documents privés.

Quant à l'apathie, ceux qui en parlent igorent que Benoît XVI n'aime pas le bruit, mais le travail patient, médité, respectueux des gens, et que ce qu'il a fait, et fait, échappe souvent aux médias, mais n'est pas insignifiant. Et il se dit que bientôt, on en aura une preuve qui surprendra ceux qui l'accusent d'éloignement des faits.
Le fait n'en demeure pas moins qu'un théologien comme lui est pleinement conscient que l'Église a été, est, et sera toujours, comme disent les Pères, «immaculata ex maculatis»; sans tache dans son mystère, qui est le Christ lui-même, et trop souvent sale dans sa coquille institutionnelle, composée d'hommes que les sacrements n'ont pas tous fait saints.
Le Pape sait bien que la personne de l'Église ne doit pas être confondue avec son personnel. Peiné, certes, et il l'a dit sans hésiter face à la pédérastie de trop de membres du clergé, et d'autres événements douloureux. Mais c'est une douleur qui ne diminue en aucune manière sa conviction que, quoi que fassent les hommes d'Eglise, aussi pécheurs que soient les hommes de l'institution, ils ne réussiront jamais à égratigner ce qui compte. C'est-à-dire la foi, dans l'Innocent par définition, qui justement le jour de la Pentecôte a commencé sa marche missionnaire dans le monde entier.
Ce qui importe, a-t-il dit un jour, c'est la perle, et pas la coquille disgracieuse.

* * *

(1) Ce point de vue avait été développé par Vittorio Messori dans sa chronique hebdomadaire de la Bussola (voir ici: benoit-et-moi.fr/2011-I), non sans soulever par la suite de vives critiques, notamment sur Il Foglio (benoit-et-moi.fr/2011-I).

(2) Giuliano Ferrara a en effet écrit un article extrêmement laudateur (en apparence) et extrêmement malveillant (en substance), dont voici la version en italien: www.difesa.it...). On peut juste se demander: puisqu'il revendique lui-même d'être athée, de quoi se mêle-t-il?

Extrait
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Tout le monde sait ou devrait savoir que Ratzinger est un monstre d'intelligence, un esprit moderne et anticipateur, un interprète formidable de la vérité du monde, non seulement à la lumière de la foi et de l'esprit chrétien. Il est aussi un homme d'équilibre profond et sévère, courageux et prudent, et son service à l'Eglise de Rome s'est greffé sur un grand cycle apostolique, de valeur profonde pour le monde extérieur, pour nous laïcs, à partir de la renaissance chrétienne de Jean Paul II. Cela dit, le pape régnant est un professeur dans les nuages, cela dit dans le sens le meilleur et le plus beau de l'expression, et il ne fait rien pour le cacher. Le gouvernement technique de l'Église et de la Curie romaine n'est pas son métier, c'est un engagement auquel il se serait volontiers soustrait...
....

Mon rêve est que le Pape démissionne,
prenant acte de sa vieillesse magnifique, d'une extraordinaire mission accomplie, de la situation de force spirituelle inébranlable de son âme, mais en même temps de la nécessité d'un signe de renouveau centré sur le magistère et la décision pétrinienne, lui permettant de conduire une succession et un remplacement capables, avec l'aide du destin et de l'Esprit Saint, d'inaugurer un nouveau cycle du christianisme moderne qui mette à profit celui-ci, aujourd'hui à son crépuscule.