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L'intervieweur bavarois de Benoît XVI répond aux questions de kath.net. Traduction complète. (13/6/2012)



Les 12 premiers échanges ont été traduits par VB, à partir du texte original en allemand (www.kath.net).
Entre-temps, le site italien www.korazym.org/ a publié la traduction en italien, j'ai donc pris le relais, et me suis servie de ce travail pour traduire les 4 derniers échanges.

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Le serviteur infidèle et la trahison du Successeur de Pierre
Seize questions et réponses au sujet de l'affaire Vatileaks.
Une analyse par Peter Seewald
KATH.NET
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I. Qui et quoi se cache derrière les «révélations» de Vatileaks?

La trahison n'est pas une belle chose, même si elle n'est que trop humaine. Qu'elle ne s'arrête pas même devant l'Église est déjà démontré par l'exemple des Apôtres. En ce qui concerne le fond de l'affaire de Vatileaks, qui porte en elle bon nombre des traits d'une parabole, seuls les résultats de l'instruction pourront fournir des informations, tout le reste n'est que spéculation. Une chose est certaine d'après mes informations: en ce qui concerne Vatileaks, il s'agit d'un processus qui a été préparé dans le détail, exécuté avec précision, et couvert avec professionnalisme. Et cela non pas pour attirer l'attention sur certaines choses déplaisantes, mais dans le but de causer des dommages considérables à la gouvernance de Benoît XVI.

II Pourquoi le secrétaire privé Gänswein a-t-il été impliqué dans cette affaire?

Que le confident le plus proche du pape devait être discrédité, ne parle pas contre lui, mais pour lui. Il est impossible de servir de bouclier sans recevoir de flèches dans la bataille. Celui qui en plus, comme George Gänswein, démasque le traître (ndt: effectivement, il semble que le secrétaire nourrissait depuis un certain temps de forts soupçons contre Paolo Gabriele), devient alors doublement la cible.

III. Comment fonctionne la machine médiatique?

Les médias ne sont pas responsables de Vatileaks, mais certains, par des spéculations absurdes, des distorsions des faits et des manipulations d'opinion, ont démesurément gonflé l'affaire. Le baratin remplace chez eux la recherche minutieuse et la mise en oeuvre de leur réflexion personnelle. Quand c'est l'Église catholique qui est tout particulièrement dans le collimateur, il ne s'agit alors pour un journaliste qui veut vendre que d'attiser l'indignation. Trop de cuisiniers gâtent la sauce, et dans ce cas, il semble que la sauce ne soit pas suffisamment gâtée

IV Pourquoi des faits anciens et déjà connus ont-ils été recyclés dans la nouvelle mixture?

Tout d'abord, parce que les «révélations» ont amené trop peu de choses nouvelles; ensuite parce que les passagers sur le marche-pied du scandale se servent de l'occasion pour une guerre idéologique. Les sempiternels radotages, avec des annonces racoleuses, comme les «secrets de l'État pontifical», les «forces obscures» et les «machinations diaboliques», font douter de la gouvernance de l'Eglise même les chrétiens les plus dévots.
Un exemple, le titre de Stern qui arrive même à réaliser l'exploit de ne pas apporter la moindre nouveauté dans son «histoire des révélations». Pourquoi l'auraient-ils fait? La recette est éprouvée: on décape, on assaisonne, on réchauffe - et voilà, c'est prêt. De cette façon, le directeur en arrive à prouver que le Pape est fatigué de sa fonction: Benoît XVI a même parlé du «paradis» (ndt: en répondant à la petite vietnamienne, à Milan!!).

V. A-t-on surestimé l'importance des «révélations»?

Sans aucun doute. De nombreux observateurs s'attendaient à y trouver tout autre chose, et pensent que le Vatican a été déchargé plutôt que chargé par les documents qui ont été publiés. Le correspondant de SZ (ndt: Süddeutsche Zeitung, feuille de gauche "libérale", prétendument de "centre gauche", très hostile à l'Eglise et au Pape) Andreas Bachstein a constaté plutôt aimablement et sans animosité: «Les affaires étaient pour la plupart connues». Ce que certains ont vu comme «une ingérence explosive», pouvait même être considéré comme une action normale. Le «dénonciateur» Gianluigi Nuzzi lui-même admet que l'originalité des documents reproduits dans son livre «Sua Santità» résidait seulement dans le fait qu'il s'agissait de documents inédits d'un pape encore en fonction.

VI. Peut-on pour autant minimiser l'incident?

Non. Non seulement le parjure du secret et les manquements de la Banque du Vatican font peur (ndt: je laisse ce dernier point à la responsabilité de l'auteur...) , mais aussi les relations peu fraternelles qu'entretiennent entre eux de nombreux évêques et «monsignore».
On ne peut pas passer sous silence une nomenklatura installée de tout temps, qui semble être guidée par Machiavel plutôt que par Jésus.
Il s'agit de tireurs de ficelles notoires, qui à partir de la foi font de la politique, à partir de la politique, des intrigues, et à partir des intrigues, des réseaux de pouvoir. En somme, ils font cela par simple habitude, influencés par un état d'esprit selon lequel de telles pratiques sont la règle du jeu.

VII Comment un tel réseau marécageux a-t-il pu se développer?

Ce n'est un secret pour personne que le prédécesseur de Benoît XVI se préoccupait davantage de l'organisation globale que les questions internes au Vatican; cela était dû aux priorités d'une époque où le monde était divisé par un rideau de fer. Il est vrai qu'on ne devrait cependant pas perdre de vue les réalités. Un grand esprit affirmait au sujet des monastères ce qui s'applique également au Vatican: «je n'ai jamais vu plus de pécheurs qu'ici, mais je n'ai vu nulle part ailleurs plus de saints.
Somme toute, il est naïf de penser, que là où l'on traite de sainteté, on ne peut trouver que des saints. Déjà la trahison de Judas représente symboliquement les deux grandes tentations de l'Eglise: a) la tentation de Mammon - qui entraînera Judas à puiser dans la caisse de la communauté, b) la tentation idéologique, entraînant la trahison spirituelle, lorsqu'il s'oppose à un Messie, parce qu'il ne correspond pas du tout à la représentation qu'il s'en fait.

VIII Dans l'affaire Vatileaks, n'y a-t-il pas une tentative pour attirer l'attention du pape sur les disfonctionnements?

Cette spéculation suppose que Benoît XVI est isolé et mal informé. Mais déjà comme cardinal, Joseph Ratzinger s'est non seulement toujours montré intellectuellement à la hauteur des temps, mais aussi toujours parfaitement informé. Il est vrai que l'exploitation des intrigues et les machinations lui font horreur. C'est le pape lui-même, qui dit: Le plus grand danger pour l'Église vient de l'Église elle-même

IX. Le pape n'est plus capable d'agir?

C'est du moins cela qu'on voudrait faire apparaître. La souveraineté du pape et son gouvernement de l'Église sont contestées. Le but visé est d'influencer la gouvernance de l'Eglise, et, par des chantages, d'arriver jusqu'à l'état-major du Pape. L'opération qui a consisté à jeter le discrédit sur des personnes impopulaires, comme le Secrétaire du Pape, se rapporte à cela

X. Benoît XVI est-il un pape faible?

«Quand je suis faible, je suis fort», a dit un jour Saint Paul. À cet égard, ce Pape est en effet un pape faible. Mais cela ne peut être compris que par ceux qui ont appris à penser avec l'intelligence de la foi, selon les enseignements du Christ. Ce n'est pas le pouvoir qui peut changer le monde pour le bien. Et ce n'est pas la simple gestion qui pourra conserver l'Église, ou même la sauver. Dans sa foi inébranlable dans le pouvoir de l'Esprit, le pape peut aussi écrire droit sur des lignes courbes - et, comme Jésus, compter sur des gens qui d'une certaine façon lui ont fait obstacle.

XI. Benoît XVI est-il un pape fort?

Benoît n'est pas un géant physiquement, mais il est assez lourd pour arriver à marcher sur les pieds de certains. Le résultat est connu.
Il a toujours trouvé suspects les bergers qui laissent tout aller pour avoir la paix.
Ce pape a abordé comme aucun autre les fautes dans ses propres rangs - et agi en conséquence. La rénovation intérieure, à laquelle il s'est consacré, concerne dans un premier temps un processus spirituel, mais ne s'arrête pas à l'appareil. Même l'annonce de la «démondanisation», c'est-à-dire l'appel à se départir du pouvoir et des institutions pour acquérir à nouveau plus de liberté dans ce qui est l'essence de la foi, a suscité chez beaucoup de gens de telles résistances qu'ils ont préfèré tenter d'interpréter le mot pour l'annuler, au lieu de l'utiliser (ndt: cf. ici. Le mot a été forgé par le Pape lors de la rencontre avec les catholiques engagés dans l'Église et la société, le 25 septembre 2011 à Fribourg)

XII. Le pape souffre-t-il de l'affaire en cours?

Il souffre en particulier avec ceux de son entourage proche, qui aujourd'hui mijotent dans l'enfer de leur propre conscience.
Quiconque soulève la poussière comme lui, dérange, reste inébranlable, maintient la tradition et pour cela peut avancer les bonnes raisons, sait aussi qu'il doit compter avec d'énormes forces opposées et qu'il lui faudra endurer certaines souffrances.

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XIII. Les problèmes ne peuvent-ils pas être simplement supprimés?

Cela peut sembler paradoxal, mais le mal contient également un certain bien. Il nous pousse à poser des questions fondamentales: qu'est-ce que le mensonge, qu'est-ce que la vérité? Qu'est-ce qui est juste et qu'est-ce qui est erroné? Et enfin: qui est avec, et qui est contre cette figure-clé, investie parce que, comme dit l'Evangile, les puissances de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Eglise du Christ?
Les tentations du monde sont grandes, et seul peut être fort quelqu'un qui a une foi forte. Mais il est possible de les combattre, si on est soutenu par une solide conviction. La priorité de ce pontificat est de fournir les instruments pour le faire, à travers un enseignement convaincant et l'exemple personnel.

XIV. Vatileaks représente-t-il un tournant?

Il est important que la question soit clarifiée avec soin, que les résultats des enquêtes sont transparentes, que l'on regagne la confiance grâce à l'ouverture et une action cohérente. De la trahison envers Saint-Père peut sortir un nouveau départ et une vague de solidarité. Pas de tous, mais de beaucoup. Dans le même temps nous devons nous rappeler que le modèle du serviteur infidèle et désobéissant, qui aujord'hui, à travers la personne du majordome, apparaît comme un drame didactique sur la scène, n'existe pas qu'au Vatican. Ce qui est vraiment important dans cette histoire, ce n'est pas tant la révélation d'un «mystère», que la trahison d'un des mystères par antonomase, qui est le charisme du Successeur de Pierre. C'est ainsi que Vatileaks est vu partout; ou du moins là où les avertissements et les indications de Pierre sont négligemment jetés au vent; où l'on dort comme les vierges de la parabole de Jésus, quand au contraire il faudrait rester éveillé.

XV. Qu'implique Vatileaks pour l'avenir?

La fin de l'ère moderne se caractérise par un climat de confusion et d'incertitude. La question est: quelles sont les causes réelles des crises? Une société où l'homme se suffit à lui-même, où il est son seul critère, peut-elle fonctionner ? Qu'est-ce que je veux? Qu'est-ce que je crois? Qu'est-ce que je soutiens?
Dans une confrontation de plus en plus agressive, s'affrontent d'un côté une culture néo-païenne, de l'autre une culture fondée sur la tradition judéo-chrétienne; peut-être devrait-on même dire un monde religieux et un monde a-religieux. Surtout l'Eglise catholique, en raison de sa fidélité à la tradition, doit se préparer à des temps de confrontations plus âpres. Si les évêques ne réagissent pas maintenant à cet immense défi, le déclin de la religion chrétienne, qui contribue à former la base des sociétés civiles occidentales, continuera à s'accélérer de façon spectaculaire.

XVI. L'Église peut-elle encore être sauvée?

Il ne s'agit pas de disparaître, mais du fait que le monde que nous avons connu jusqu'ici, notre façon de penser, de croire et de vivre soit jugé, qu'il se juge lui-même; pour le manque d'attention, pour une mauvaise gestion de la nature, de l'argent, des personnes, de lui-même; enfin du fait qu'il s'était éloigné des évidences originelles de la création. De la décadence de l'ancien émerge pourtant déjà le nouveau. Les branches pourries se détachent et le vert frais devient visible. La tâche de celui qui, vraisemblablement, sera le dernier pape entre la nouvelle ère et l'ancienne, est de revigorer la foi à partir des forces de ses origines. Et qui sait si, bientôt, on ne pourra pas dire aussi qu'après des chemins séculaires d'errance, la foi de l'Église catholique est à nouveau plus proche du Christ qu'elle ne l'a jamais été, même aux débuts.