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En tout cas, ce soir, il regardera la demi-finale de l' "Euro", opposant ses deux patries, l'Allemagne et l'Italie. C'est aussi le moment de relire cette réflexion de 1985 du cardinal Joseph Ratzinger à propos de la coupe du monde de football (28/6/2012).

Maillot offert au pape après une Audience Générale en janvier 2007 par un groupe de prêtres de la Seleçao Internazionale Sacerdoti Calci.

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Benoît XVI est-il un fan de foot?
A vrai dire, cela m'étonnerait beaucoup.
Il a lui-même raconté, dans ses mémoires, combien il était peu doué pour les jeux de ballon, et pour le sport en général (ce qui ne l'empêche pas de tenir une forme physique que pourraient lui envier beaucoup d'hommes de son âge, et qui donne toute sa valeur au célèbre "slogan" de Churchill: no sport)..

Mais bien sûr, comme Pasteur universel, rien de ce qui concerne l'homme ne lui est étranger.
Ce soir, la demi-finale de l'Euro de football, opposant l'Allemagne à l'Italie - ses deux patries - a suscité de nombreux commentaires dans la presse italienne.
De tous, il ressort que Benoît XVI sera devant son écran de télévision, avec son secrétaire, Georg Gänswein, qui serait un supporter du Bayern de Münich...

Quoi qu'il en soit, c'est le moment de relire cette réflexion de 1985 du cardinal Joseph Ratzinger à propos de la coupe du monde de football.
Elle est issue du livre "La gloire de Dieu aujourd'hui", éditions Paroles et Silence, 2006, pages 198-200, et je l'avais déjà publiée en 2010, à l'occasion de la précédente compétition en Afrique du Sud (dont les français gardent hélas le souvenir d'une exhibition peu reluisante de leur équipe nationale).

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A propos de la coupe du monde de football
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À intervalles réguliers, tous les quatre ans, la Coupe du monde de football est un événement qui captive l'attention de plusieurs centaines de millions de personnes. Aucun autre événement n'est capable d'opérer un mouvement d'une pareille ampleur dans le monde. On sollicite donc certainement une part originelle en l'homme et la question est donc de savoir sur quoi est fondé ce pouvoir du jeu.

Le pessimiste assènera que c'est la même chose que dans la Rome antique. Les masses disaient panem et circenses, du pain et du cirque.
« Du pain et des jeux » est finalement le mot d'ordre propre à toute société décadente qui ignore tout autre but dans la vie.
Même si l'on accepte l'argument, il n'est au fond pas complètement satisfaisant.

Il faudrait également se demander d'où vient cette fascination pour le jeu qui va jusqu'à le mettre sur un pied d'égalité avec le pain. Pour ce qui est de la Rome antique on pourrait répondre que le cri réclamant du pain et des jeux n'est rien d'autre qu'une exigence d'une vie de satiété sans effort et de liberté accomplie.

Car c'est bel et bien ce à quoi renvoie le jeu : un acte de liberté totale qui ne poursuit aucun objectif, ne répond à aucune nécessité et mobilise néanmoins la totalité de l'attention des gens tout en comblant leurs attentes.
En ce sens-là, le jeu serait alors une sorte de tentative de réintégrer le paradis, de s'extraire des contraintes alimentaires du quotidien pour accéder à ce qui n'a pas de nécessité et qui acquiert toute sa beauté précisément par la liberté qu'il procure. Par conséquent, le jeu transgresse d'une certaine manière la vie quotidienne. Mais il se caractérise par autre chose surtout chez l'enfant. C'est en effet d'abord un exercice d'apprentissage de la vie. Il symbolise la vie elle-même et l'anticipe à travers une forme libre.
Il me semble que la fascination exercée par le football réside pour l'essentiel dans le fait qu'il relie ces deux aspects d'une manière très convaincante.
Il oblige l'homme à se soumettre d'abord à une discipline qui lui fait acquérir une maîtrise de soi par l'entraînement. Cette maîtrise lui permet d'accéder ensuite à une supériorité dont découle une liberté. Le jeu lui enseigne aussi à cohabiter avec le groupe dans un contexte de discipline. Les jeux collectifs obligent à fondre l'individualité dans un tout. Le jeu engendre des objectifs communs : le succès et l'échec de chacun résultent du succès et de l'échec du groupe. Et le jeu apprend le fair-play : la règle commune qui unit à l'adversaire et permet de dissiper la gravité du jeu entre concurrents en replaçant ces derniers dans leur liberté. En regardant un événement sportif, les spectateurs s'identifient au jeu et aux joueurs. Ils sont ainsi impliqués eux-mêmes à la fois dans une situation où ils sont simultanément avec une équipe et contre l'autre, ainsi que dans la gravité du jeu et sa liberté. Les joueurs deviennent alors un symbole pour les spectateurs, avec un effet en retour : ils savent qu'ils endossent un rôle de représentation des spectateurs qui en même temps conforte ces derniers dans leur posture.
Naturellement, tout ceci peut facilement être corrompu par l'esprit affairiste qui soumet le sport à la dure loi de l'argent, en fait une industrie et le transforme en un monde formidablement illusoire.
Mais ce monde illusoire ne pourrait exister s'il n'y avait pas une raison positive qui sous-tend le jeu : l'exercice de préparation à la vie et sa transgression en vue de réintégrer le paradis. Dans les deux cas, il s'agit de chercher une discipline de liberté et de s'exercer aux règles consistant à jouer avec et contre quelqu'un tout en ayant la maitrise de soi.
D'ailleurs, nous pourrions nous en inspirer pour réapprendre à vivre à partir du jeu. Le jeu contient quelque chose de fondamental: l'homme ne vit pas seulement de pain. Le monde du pain n'est jamais que l'étape préliminaire avant ce qui fait le propre de l'humain : le monde de la liberté. Mais la liberté se nourrit de la règle et de la discipline stricte qui permettent de tirer des enseignements des situations vécues ensemble. C'est dans ces situations qu'il nous est donné d'affronter autrui équitablement et d'apprendre à agir indépendamment du succès obtenu, en renonçant à l'arbitraire pour devenir vraiment libre.
Le jeu, une vie? Si nous approfondissons la question, le phénomène de l'engouement pour le football pourrait nous apporter davantage qu'une simple distraction.