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Imbroglio italien

Cacophonie entre l'Eglise et le gouvernement de Berlusconi: tentative de synthèse, pour y voir un peu clair (2/9/2009)

Voir aussi ici: http://www.arretsurimages.net/...

Depuis une semaine, la presse italienne ne parle que de cela.
Toute l'actualité relative à la Papauté en est étouffée, comme par un boa constrictor.
Je ne voulais pas en parler, pour la simple raison que les protagonistes nous sont en général inconnus en France, et surtout que tout ce qui peut souiller l'Eglise - l'épouse du Christ - fait le miel de ses adversaires.
Mais je m'y sens obligée.
La presse française s'en est emparée, à travers ses titres - et même certains blogs catholiques dits "papistes".
Témoin cette capture d'écran, un titre qui équivaut presque à un aveu: il annonce un article... d'Henri Tincq, à lire ici: http://www.slate.fr/s...
On y lit noir sur blanc: Cette affaire tombe au plus mal à la fois pour Berlusconi et pour l'Eglise.
Je me demande comment et quand elle aurait pu bien tomber!!!


Sandro Magister - qui, comme toujours, essaie d'élargir le propos - en a fait en partie l'objet de son billet hebdomadaire, mettant en parallèle Obama et Berlusconi: L'Eglise, Obama et Berlusconi, la confusion au pouvoir.
Je ne l'ai pas encore lu suffisamment en détail, mais je pense qu'il vaudra la peine d'être commenté, car il apporte un vrai éclairage, et il connaît le milieu à fond.

Le Pape n'est pas attaqué frontalement, il n'est pas impliqué, car évidemment bien au-dessus de cela, Dieu soit loué.
Mais l'Eglise italienne, oui, à travers sa hiérarchie, qui a peut-être (mais pas dans son ensemble) manqué de prudence.
Il est temps de tenter une synthèse, au moins provisoire.
Replaçons déjà les faits dans leur cadre, et c'est compliqué, pour ne pas dire tordu.

1. Le premier ministre italien est l'objet depuis plusieurs mois d'une campagne féroce contre sa personne, de la part de la presse italienne de gauche (en particulier La Repubblica et l'Espresso, relayés en France par le Nouvel Observateur, etc.).
Il s'agit rien moins que de le pousser à la démission, ou le déclarer "empêché" - le troisième tour des élections ayant assumé chez nos voisins transalpins une forme particulièrement virulente.

J'en ai parlé plusieurs fois.
Disons tout de suite qu'il n'est pas une blanche colombe, et qu'il ne l'a probablement pas volé. Sa "vie sexuelle" n'est pas sans reproche, et on aurait préféré n'en rien savoir - mais ses "vertueux" contempteurs, eux-mêmes partisans de toutes les déviances morales, sont-ils les mieux placés pour lui reprocher, et ont-ils montré la même sévérité envers d'autres hommes politiques plus "politiquement corrects", lorsqu'ils étaient de l'autre bord?
Toutes les attitudes et répliques "ridicules" prêtées à Berlusconi par les médias acharnés, y compris étrangers, alors que cela ne devrait pas intéresser leurs lecteurs, sont-ils bien de lui, et ne sont-elles pas sorties de leur contexte ("je ne suis pas un saint")? Et quel groupe de presse concurrent du sien a relayé complaisamment ces immondices?
Pour donner un exemple, il a été accusé d'avoir fait durant ses vacances un ou deux "sauts de puce à l'Aquila", la ville des Abbruzes dévastée par le tremblement de terre, alors qu'il s'y est rendu régulièrement et longuement au moins une fois par semaine.
On ne peut donc s'empêcher de s'interroger sur les motivations de ces attaques, et nous en avons parlé ici: on pourra relire en particulier cet article (http://benoit-et-moi.fr/2009-II/... ), traduction d'une lettre ouverte du Président Emérite Cossiga à Silvio B:
Des éléments au dossier se trouvent ici.

2. L'affaire se complique avec les lois plus restrictives du gouvernement de Berlusconi sur l'immigration, et ce qu'il est convenu d'appeler les "respigementi", autrement dit le renvoi vers la Lybie de "rafiots" de réfugiés et la polémique avec La Ligue du Nord : http://benoit-et-moi.fr/2009-II/... , et récemment Immigrationisme.
Certains de ces malheureux sont sans doute morts dans des circonstances atroces... mais il est clair que Silvio Berlusconi n'y est pour rien (dans son Encyclique, le Pape prend bien soin de nous dire que l'immigration est un problème global, à traiter au niveau mondial, et aussi par les pays d'origine), malgré les récriminations de la frange progressiste de l'épiscopat italien, bien relayées par la presse de gauche.
De toutes façons, il est permis de penser que cet argument (que l'on peut à nouveau qualifier de vertueux) n'est qu'un prétexte pour instrumentaliser l'Eglise.

3. La Conférence des Evêques italiens (sous la houlette de l'estimable cardinal Bagnasco) est peut-être tombée dans le panneau: elle aurait pris position contre le gouvernement Berlusconi à travers son organe de presse, L'Avvenire, un journal assez lu en Italie, je dirais l'équivalent de La Croix en France. Elle est montée au créneau contre Berlusconi sous forme d'attaques personnelles, l'accusant d'avoir des moeurs corrompues..
Oui mais... quand on veut faire la morale, il faut être irréprochable.
Il se trouve que le directeur de ce journal, Dino Boffo, nommé à ce poste par le Cardinal Ruini, et confirmé par le Cardinal Bagnasco (il n'est évidemment question de mettre en cause ni l'un ni l'autre de ces prélats) n'était peut-être pas lui non plus une blanche colombe.
Car il circule dans les salles de presse, depuis sa nomination à la tête de l'Avvenire (je pense à un livre de Guy Birenbaum "Nos délits d'initiés") la preuve sous forme d'une "main courante" et du paiement d'une amende de 500 euros, d'une vilaine histoire de moeurs... à connotation homosexuelle (eh oui! même la militante Repubblica trouve cela moche!!). C'est l'excellent quotidien Il Giornale, où écrit Andrea Tornielli (et non pas le journal "sulfureux" honteusement dénoncé par le Figaro pour des raisons peu avouables (*)), propriété, comme le monde est petit, de la famille Berlusconi (**), qui est à l'origine non pas de la fuite, mais de la sortie publique, à travers un éditorial de son directeur Feltri.
Le même Feltri par la suite désavoué par Berlusconi en personne, ce qui n'a sans doute pas contribué à clarifier la situation.
(Cette affaire en rappelle d'ailleurs pour moi une autre, l'"agression" verbale de François Bayrou contre Daniel CB, avant les élections européennes. Le plus grave était de dénoncer des turpitudes, et non pas de savoir si elles étaient ou non fondées. Ici aussi, malgré ce que certains prétendent, c'est loin d'être clair ...)

4. Plusieurs épisodes cacophoniques se sont succédés: le "Premier" devait déjeuner avec le Cardinal Bertone à L'Aquila dimanche dernier, annulation, puis il devait rencontrer le Pape à Viterbe (au moins, c'est ce que les medias avaient annoncé sur le ton de la dérision, prétendant qu'il allait chercher des indulgences) dimanche prochain, re-annulation...
Evidemment, il y en a qui s'évertuent à rompre l'accord apparent entre le gouvernement Berlusconi et le Saint-Siège, au moins sur les problèmes liés à la défense de la vie et de la famille.

Le Saint-Père, je l'ai dit, n'est pas atteint par cette boue, et même si la CEI a rendu compte d'un coup de téléphone échangé avec son ami le cardinal Bagnasco (qui n'est pour rien dans cette affaire) pour lui renouveler sa confiance, je suis presque certaine qu'il n'est au courant que dans les grandes lignes, devant bien entendu se concentrer sur les choses vraiment importantes, comme par exemple le gouvernement de l'Eglise la méditation, c'est-à-dire le rapport avec Dieu!

5. Le Père Scalese, déplore la tournure des évènements; il se demande ce qu'il y a à gagner, et écrit à propos du repas annulé entre Silvio Berlusconi et le Cardinal Bertone (http://querculanus.blogspot.com/...):
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Je conviens que le Saint Père donne un splendide témoignage ; mais je suis tout autant convaincu qu'il n'est pas possible - et il n'est pas nécessaire - que tous suivent son exemple : tous ne peuvent pas et doivent être des aigles qui volent haut ; il y a, et doit y avoir, aussi les poules qui restent dans le poulailler. Je veux dire, le Pape fait son métier (et il le fait très bien) ; mais tous ne sont pas le Pape; dans l'Église il y a besoin aussi des Cardinaux et des Monseigneurs qui entretiennent des rapports de bon voisinage avec les hommes de ce monde, peut-être en allant dîner avec eux (du reste même Jésus ne dédaignait pas les dîners avec les pécheurs…). Sincèrement, dans ce dîner, je ne voyais rien de mal ; au contraire, il aurait pu être une occasion pour une conversation les yeux dans les yeux, qui aurait arrangé beaucoup de choses. Et au contraire… voilà le résultat !

6. Et le président Cossiga (il exagère peut-être un peu!) dit, sur le ton de l'humour: le saint-Père sait à peine qui est la personne Berlusconi. Il fait le Pape.

7. Vittorio Messori
a dénoncé le "cléricalisme", c'est-à-dire la volonté des clercs de s'occuper de choses hors de leur unique domaine de compétence, la foi; puis, étant ami de Dino Boffo (puisque journaliste, il s'agit décidément d'un microcosme), mais embarassé, il déplore que dans cette affaire, l'Eglise ait manqué de prudence: comment a t'elle pu laisser nommer à la tête d'une institution aussi importante que le journal de la CEI un homme que le scandale pouvait atteindre? (oubliée la vertu de tant de siècles: la prudence)
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L'honnêteté nous induit à confesser le trouble autour de la conduite des responsables ecclésiastiques dont dépend le media-system catholique dont Boffo est le pivot : responsable de L'Avvenire ; de Sat2000, la chaîne sur laquelle la CEI a déversé et déverse des millions ETC... Un homme-institution, au sommet le plus sensible de l'institution ecclésiale, même s'il s'agit d'un laïc. Pratiquant l'histoire de l'Église, j'en ai toujours admiré une constante : cardinaux et évêques ont toujours accompagné chaque vertu de celle de la prudence, veillant attentivement afin d'écarter les dangers. Nous nous demandons ce qui s'est passé aujourd'hui. En effet, après la sentence de 2004, la prudence traditionnelle aurait suggéré de demander au « condamné » de se démettre, en assumant d'autres charges, moins exposées à des chantages et à des scandales. Et cela même s'il s'était agi d'un équivoque, d'une vengeance, d'une erreur judiciaire. Plutarque loue César qui répudia sa femme sur la base de soupçons inconsistants, en disant que le prestige du Chef de Rome ne tolérait pas d'ombres, même inventées. La sentence est-elle contestable ? Tout est-il vraiment un « faux » ? Si cela est avèré, comme nous le croyons et l'espérons, nous pousserons un soupir de soulagement. Mais, entre temps, un homme-image de l'Église italienne a occupé et occupera longtemps les premières pages, suspecté de goûts « différents « dont l'ombre pèse aujourd'hui, plus que jamais, sur les milieux cléricaux. L'affaire, tôt ou tard, serait venu à la lumière, et de manière malveillante : pourquoi, alors, attendre 5 ans sans se protéger, diminuant ainsi la visibilité ? Et cela, même dans le cas d'une conscience limpide...
Questions difficiles, certes. Mais questions d'un croyant qui sait que l'image de l'Église n'avait pas besoin d'une autre affaire qui permettait à beaucoup de secouer la tête, en gromelant, peut-être injustement : « nous le savons bien : les prêtres et leurs amis font les moralistes avec nous mais eux, en cachette, font même pire… ».
De toute façon, l'ombre et le soupçon resteront. Il coûte cher, l'oubli de la vertu de la prudence.


8. Luigi Accattoli est dans le même registre (ami de Dino Boffo), et dans le quotidien "Liberal", il réclame des explications à son ami Dino Boffo, sur cette "main courante" mystérieuse: Il lato oscuro di quella vecchia «informativa» .

Car bien sûr, il ne suffit pas de crier "Pas d'attaques personnelles" - air connu - pour avoir raison! Et Accattoli, peu suspect de sympathies berlusconiennes, reste un bon et honnête journaliste. Or il dit clairement (ce qui ne constitue d'ailleurs nullement un soupçon envers son "ami" Boffo):
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La question n'est désormais plus privée. Qu'il donne sa version des faits
(ndt: selon lui, ce sont pour le moment 3 versions qui circulent, autorisées par lui, mais pas confirmées) que, dans le communiqué de vendredi dernier, il indiquait comme "une histoire de harcèlement téléphonique dont il avait été la première victime" - et nous serons tous avaec lui.

Et mon amie Rafaella, qui a pris parti (mais étant italienne et suivant l'affaire minutieusement depuis le début, elle en sait plus que moi) demande néanmoins expressément que l'épiscopat italien soit aussi réactif pour défendre le saint-Père lorsqu'il est attaqué, qu'il l'a été pour voler au secours du directeur de L'Avvenire. Mais sans doute les évêques savent-ils que le saint-Père n'a pas besoin de leur aide - et l'autre, si!

Tout ceci met selon moi en évidence au moins deux choses:
- Les pratiques assez répugnantes du milieu de la presse, où le chantage est monnaie courante. Il suffit d'imaginer que des "boules puantes" circulaient dans les salles de rédaction au sujet de Dino Boffo depuis 5 ans, gardées sous le coude "au cas où"... Et en France?
- L'intention délibérée de démolire Berlusconi (et en même temps, l'Eglise, cela s'appelle faire d'une pierre deux coups).

Et je finis en disant: simple feeling, mais je ne parviens à voir en Berlusconi ni un monstre de corruption ou de cynisme, ni un simple bouffon.
Comme me dit Carlota, "Berlusconi qui pourtant et malgré son âge, se bat comme un lion d'Abyssinie pour essayer de résoudre bien des problèmes (sans jeu de mot avec la Libye et les anciennes colonies italiennes!)"

Je ne crois pas que cet homme soit entièrement mauvais... Ce serait trop simple... au moins aussi simple que la théorie du complot, ou l'obamania universelle, qui elle n'a choqué personne..
Evidemment, je peux me tromper.
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(*) Voir ici: la brouille s'aggrave entre Berlusconi et l'Eglise de Rome.
Comment interpréter ceci, bien peu confraternel:
Ce quotidien politique aux articles sulfureux appartient à Paolo Berlusconi, le frère de Silvio. Il est au Cavaliere ce que les pasdarans sont au régime iranien (ndr: c'est... un peu excessif!!). Il s'en prend régulièrement aux correspondants de la presse étrangère en Italie (ndr: des noms!!). C'est lui qui avait traité Carla Sarkozy de «snobinarde de gauche» quand elle avait refusé de s'associer au programme officiel organisé pour les conjoints des leaders du G8 en juillet (ndr: Tiens donc!!)

(**) Je ne vois pas en quoi le fait qu'un journal soit ouvertement la propriété de la famille Berlusconi équivaut à une scarlet letter, une marque d'infamie?
A qui appartiennent les autres journaux? Et qu'est-ce qui justifie le titre ridicule lu à l'instant sur le site du Monde: "Silvio Berlusconi veut museler la presse" . Comme si elle ne l'était pas déjà, et par d'autres, qui ont l'astuce de ne pas faire figurer leur nom sur le "chapeau"

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