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La visite funambulesque de Benoît XVI

Celle à la synagogue de Rome, Dimanche prochain. Un reportage de Paolo Rodari, qui justifie certaines craintes pour le Saint-Père (13/1/2010)

Dimanche 17 janvier, Benoît XVI se rend à la synagogue de Rome.
"Un évènement de grande envergure", on attend "un geste fort du Pape", lit-on ici et là.
Et pourtant, la visite ne s'apparente pas vraiment à une partie de plaisir, pour rester dans la litote.
Paolo Rodari, sur Il Foglio (reproduit ici) a écrit un article longuissime sur l'évènement.
Je n'aime pas ce que j'y lis.
Je l'ai traduit, en partie parce qu'il réalise malgré tout une synthèse remarquable de tout ce qu'on peut avoir envie de connaître sur les circonstances de la visite, et en partie parce que les informations me semblent justifier toutes mes craintes (et mon admiration pour le courage du saint-Père), sans augmenter outre-mesure ma sympathie pour les hôtes.
Mais s'il y va, c'est qu'il doit et veut le faire. Nos prières doivent l'y accompagner.
Le titre de l'article s'inspire d'un dessin humoristique paru sur le site "Pagine ebraiche" des communautés juives italiennes: Francesco Colafemmina en avait parlé, et j'avais traduit son billet ici: http://benoit-et-moi.fr/2009/...

La visite funambulesque de Benoît XVI
Il Foglio

Ainsi, le ventre du judaïsme se prépare à accueillir (bien), le Pape à la synagogue.
Après le "clou" de la visite, dans le temple, le passage au musée juif et le salut aux membres et aux présidents des organisations juives.
"Pour ma part, le fait qu'il soit allemand ne me dérange pas. Je pense qu'il a fait beaucoup de gestes envers nous. Rien que pour cela, il mérite d'être accueilli."
La caricature de “Pagine ebraiche” est un bon résumé, avec ce fil allant d'une rive du Tibre à l'autre, et le Pape en équilibre.
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Il n'y a pas que les dirigeants de la communauté juive, à savoir le Conseil et les présidents des organisations juives, qui attendent Benoît XVI pour sa première visite à la synagogue de Rome. Il y a aussi le ventre (la pancia), la base du ghetto romain, qui se prépare à accueillir Ratzinger, un Pape allemand en visite à la synagogue près de 24 ans après la venue du Pape polonais, Karol Wojtyla (c'était le 13 avril 1986). Une base, un peuple, montrant différentes sensibilités et des sentiments variés. Comme est variée la perception que les Juifs ont de l'Eglise catholique et en particulier de ce pontificat. Difficile de trouver une unité de jugement. "Nous avons beaucoup parlé de l'arrivée du pape", dit un garçon juif qui tient l'un des nombreux fast-food juifs de la Via del Portico d'Ottavia. "Certains ne voulaient pas de cette visite. D'autres, si. Je dis que si le pape a été invité , cela veut dire que tout a été pensé. Il n'a pas été invité dans l'obscurité: nous savons qui est Ratzinger, ce qu'il a fait et ce qu'il fait. Pour moi, le fait qu'il soit allemand ne me dérange pas. Je pense qu'il a fait beaucoup de gestes envers nous. Rien que pour cela, il mérite d'être reçu.
Pareil, pour Giuliana. A l'angle de la Via del Portico d'Ottavia et de la Via Sant'Ambrogio elle tient la boutique "Yud Judaica", bijoux ethniques et anciens: "Wojtyla avait son charisme propre. Il a réussi à faire beaucoup sur le chemin de l'unité entre les différentes croyances. Mais nous sommes heureux que le Pape Benoît XVI vienne dimanche. Une visite est toujours la bienvenue".
"Les pierres, chaque pierre de cet endroit et ces rues, suintent le sang, souvenir de la souffrance des juifs de Rome", explique Georges de Canino, tandis qu'avec Rina Menasci Pavoncello, épouse de l'inoubliable Rabbin Nello Pavoncello, il profite des dernières heures de lumière à quelques pas de la synagogue.
De Canino, artiste et historien de l'holocauste, est une institution dans le ghetto. Il se souvient des dates, des noms, des épisodes. La visite de Karol Wojtyla, bien sûr, est son cri de guerre: «Pour nous, cela signifie beaucoup". Et encore: " En 1986, j'ai donné à Wojtyla un(e?) Menorah, un chandelier à sept branches aux couleurs papales jaunes et blanches. Après la visite, j'ai été reçu au Vatican. Je lui ai dit qu'il était temps pour le Vatican de reconnaître l'Etat d'Israël. Et c'est arrivé. Il l'a vraiment fait. Jean-Paul II n'était pas un pape réformateur. C'était un conservateur. Peut-être est-ce pour cela que je m'en sens proche, ami. Mais dans l'Eglise catholique, j'ai beaucoup d'amis. Dimanche, pourtant, je n'accueillerai pas le pape dans le ghetto. J'irai aux fosses Ardeatines pour commémorer les justes, ceux qui, tout en n'étant pas Juifs, sont morts pour les Juifs. Parmi eux, aussi, beaucoup de catholiques. Parce qu'il est important de ne pas oublier et de rester proches de tous les frères qui ne sont plus là".
Bien sûr, il y a les fautes du passé. Un passé qui revient toujours au visage des Juifs. Même à Rome.
De Canino espère que le dialogue entre les deux parties continuera, sans oublier ce passé terrible: "L'Eglise catholique a eu aussi en elle des sentiments antisémites. Et c'est une faute qui ne peut pas être effacée".

Mordechay Lewy, ambassadeur d'Israël auprès du Saint-Siège, explique qu'il existe deux sortes de judaïsme: "Il y a le judaïsme réformé et conservateur, plus ouvert au dialogue avec les chrétiens - ils le font à partir de leur expérience américaine, où la coexistence entre groupes ethniques et religieux est intrinsèque à la société dans laquelle ils vivent -. Mais il y a aussi la majorité du peuple juif, ceux qui perçoivent leur propre histoire au cours de la diaspora comme une bataille traumatisante pour leur survie contre les efforts constants des catholiques pour les convertir en douceur ou, dans la plupart des cas, par la contrainte". Et, en partie, ces deux types de judaïsme vivent et revivent dans toutes les communautés juives, y compris celle de Rome.

"C'est difficile de dire comment la communauté attend l'arrivée du Pape», dit Guido Vitale, directeur de “pagine ebraiche”, le quotidien de la communauté juive italienne. Je suis d'accord avec ce qu'a déclaré Sergio Minerbi, considéré même en Israël comme la voix la plus autorisée, pour l'étude des relations entre les juifs et l'Eglise catholique. Minerbi dit que Ratzinger est "antipathique mais sérieux". Autrement dit, il semble moins effervescent que Wojtyla, mais en même temps, peut-être plus porté sur le contenu et la substance que son prédécesseur. Wojtyla s'est rendu au mur des lamentations où il a laissé une note. Le geste a suscité une grande émotion. Mais y a-t-il quelqu'un qui a pris la peine d'aller lire ce qui était écrit dans cette note? Probablement, mais ce qui reste est l'image de lui au Mur, et non pas essentiellement le contenu du message.
Minerbi déclare qu'il ne faut pas attendre de Ratzinger une révolution, "mais qu'on peut attendre de la clarté. Et nous devons répondre avec autant de clarté".

Les différences entre les deux Pontifes influencent les sentiments autour de la visite le dimanche. Différences qui sont évidentes aussi si l'on compare la visite de 1986, lorsque les protagonistes étaient Wojtyla et le Rabbin Elio Toaff, et celle à venir, où les acteurs principaux sont Ratzinger et Riccardo Di Segni.
Vitale dit: «La rencontre de 1986 a été très émotionnelle. Celle de dimanche intervient au contraire entre deux personnes plus froides, mais cela ne signifie pas que le contenu en est moins remarquable. Au contraire".

Le ghetto n'est pas seulement la base de la communauté juive, c'en est aussi la logique institutionnelle.
Le grand rabbin di Segni déclare: "Nous avons invité Benoît XVI à la synagogue, car nous voulons que la chute du mur de méfiance entre nous et les catholiques commencée avec la visite de Karol Wojtyla en 1986 se poursuive. La venue de Jean-Paul II signifiait pour la première fois disponibilité, respect, partage, des catholiques envers nous - en plus des réalisations importantes depuis: reconnaissance d'Israël par le Vatican, et des visites en Israël de Wojtyla et récemment de Ratzinger, ndr -. La disparité entre eux et nous a été mise de côté. Nous pensons qu'il est important que le nouveau pape confirme cette approche".
Di Segni a du mal à trouver les mots justes. Parce que chaque mot est mesuré, calibré. En effet, même une virgule mal placée peut rompre un équilibre que les deux parties ont encore du mal à trouver. C'est tellement difficile qu'il y a seulement quelques jours, à la nouvelles de la signature par Ratzinger du décret sur les vertus héroïques de Pie XII, la visite semblait presque compromise. "Il y a eu un débat entre nous", explique Di Segni. "Dans la communauté, certaines positions de de l'Église catholique conduisent inévitablement à des conflits, mais finalement, tout a été confirmé. Nous attendons le pape avec joie et nous sommes sûrs que l'événement de dimanche n'aura pas de connotations politiques. Pour nous, la visite est de caractère purement religieux. Nous avons des divergences théologiques qui ne devraient pas être remises en question, mais en hommes de foi, nous voulons dialoguer et nous confronter".

Une volonté de dialogue également souhaitée par le pape, qui dans un télégramme envoyé hier à Di Segni, a déclaré qu'il espérait que la visite serait "une nouvelle étape dans le chemin irrévocable de la concorde et de l'amitié."
Il n'y a pas seulement la décision récente concernant Pie XII: tout juste hier, le Grand Rabbin de Tel Aviv Yisrael Meir Lau a dit qu'il espérait que le pape ne béatifierait pas Pacelli. Et ce n'est pas non plus la seule question de la levée de l'excommunication accordée il y a un an aux quatre évêques lefebvristes par Ratzinger (parmi eux le négationniste Richard Williamson) ou des mots que, selon certains, le pape n'aurait pas osé dire au cours de la visite au Musée de Yad Vashem en Israël. Ce sont plus de deux mille ans de relations difficiles entre catholiques et juifs - et surtout entre la plus ancienne réalité de la diaspora juive, précisément celle de Rome, et le Vatican - qui font que la visite de Benoît XVI à la synagogue se déroule sous le signe de la complexité. Surtout au niveau le plus haut, celui des relations institutionnelles entre les deux parties. En fait, il y a une certaine ligne qui doit être maintenue afin de ne pas déplaire aux "âmes" des religions respectives.
Côté juif, cela signifie avant tout ne pas renier le passé. Autrement dit, accueillir le Pape sans oublier ce qui jusqu'à aujourd'hui, a divisé les deux religions et les divise encore.
Un dessin d'Enea Riboldi consacrée à la visite dans l'un des derniers numéros de "Pagine Ebraiche" explique bien, cette complexité: le fil allant d'une rive à l'autre du Tibre est un lien ténu sur lequel le Pape tente de marcher. Le Pape le parcourt, cherchant un équilibre entre la volonté de dialogue et la tentation de la conversion. Un enfant, comme le symbole de la minorité juive, petite en nombre, mais chargée de vingt-deux siècles d'histoire, vient à sa rencontre en lui tendant la main. Derrière lui, le peuple juif montre au Pape, avec plusieurs pancartes ses attentes, ses préoccupations et ses espoirs: "Arrêtez les négationnistes de l'Holocauste", "Merci de votre visite", "respect des différences", "Bienvenue", "Assez de la prière du Vendredi Saint", "nous sommes ouverts au dialogue "," souviens-toi de l'Holocauste". Quatre affiches en faveur du pape et trois plus ou moins contre. En soi, une différence négligeable. Mais que le Vatican a remarquée s'il est vrai (comme c'est le cas) qu'un reproche est arrivé directement au journal de la part des échelons supérieurs d'outre-Tibre: signe, au sommet, que
même les virgules comptent dans cette visite délicate de Benoît XVI dans le ghetto de Rome [ndt: là, il ne s'agit pas de virgule: imaginons l'inverse, avec comme support L'Avvenire, ou l'OR... impensable, bien sûr!].

Ne pas oublier l'histoire de deux mille ans de relations difficiles, pour la communauté de Rome, signifie rendre hommage à cette même histoire. Et l'exposition que la diaspora romaine tenait à faire inaugurer dimanche par le pape - est intitulée “Et ecce gaudium. Gli ebrei romani e la cerimonia di insediamento dei Pontefici”. Elle dit justement ceci: l'histoire ne doit pas être oubliée. Autrement dit, il est important de ne pas laisser tomber dans l'oubli de la mémoire combien ont été difficiles les relations entre les juifs romains et la papauté dans les siècles passés.
On y voit exposées de précieux panneaux découverts récemment dans les archives de la synagogue, dans le ghetto. Au XVIIIe siècle, quand un nouveau pape était élu, un cortège festif le conduisait dans les lieux les plus significatifs de la ville. Les rues et les places étaient décorées pour l'occasion et tout le monde était invité à participer à la joie de l'Eglise, même les Juifs. A eux revenait la tache de décorer la zone qui va du Colisée de l'Arc de Titus, avec des tapisseries et des tissus précieux qui servaient de fond à de grands panneaux décorées de figures symboliques et de dictons, en hébreu et en latin, faisant l'éloge du souverain pontife. Ce sont ces tapisseries récemment redécouvertes qui sont présentées dans l'exposition. La directrice du Musée juif, Daniela Castro écrit à ce sujet : "Les hommages que, traditionnellement, les Juifs portaient au nouveau Pape, au moment de son élection servent à comprendre ce qu'a été pendant des siècles la position particulière de cette communauté: prise entre les obligations du ghetto et les préjugés, et la volonté, en plus de la fierté de prendre une part active à des événements impliquant l'Urbe, afin de continuer à être des citoyens romains ".
C'est ce sentiment de contradiction douloureuse, de symboles de douleur et de courage, de coercition et de vie, qui se retrouve sur les panneaux de l'exposition. Et, par une coïncidence peut-être involontaire (???), ce sentiment se retouve symboliquement dans la journée que les juifs ont choisie pour inviter le pape: le 17 Janvier. Ou plutôt, le 2 du mois de Shevat qui en 2010 correspond au 17 Janvier; le jour du "Moed di piombo", la date où les Juifs romains se souviennent qu'ils ont échappé au danger d'une violente agression antisémite, l'incendie en 1793 du ghetto, auquel les Juifs parvinrent à échapper grâce à une averse subite (le ciel se fit de plomb) qui éteignit les flammes.

Le ghetto attend le Pape sans que la vie aux alentours subisse des changements particuliers.
Ce n'est qu'autour de la synagogue qu'on remarque une certaine agitation: des ouvriers travaillent pour repeindre les grilles qui encadrent l'escalier qui accompagne les touristes au sous-sol. Dans le musée, on prépare les derniers amènagements. A l'extérieur, on étudie le parcours que l'on a prévu pour le pape: Dimanche, au crépuscule, Ratzinger traversera le Tibre, et s'arrêtera pendant quelques minutes sur la place dédié au 16 Octobre 1943: avec Di Segni, il rendra hommage à la mémoire des 1022 Juifs de Rome (parmi lesquels plus de 200 enfants) qui en Octobre 43 furent déportés à Auschwitz. Certains se souviennent encore du bruit des moteurs de camions. Ils arrivèrent, prirent les gens, et disparurent dans l'obscurité. Le Pape et Di Segni marcheront alors seuls dans la rue Catalana qui longe le périmètre de la synagogue. Ils s'arrêteront quelques minutes sous la plaque commémorant Stephen Gaj Taché, l'enfant de deux ans tués durant l'attaque du 9 Octobre 1982, quand des terroristes palestiniens attaquèrent des civils sans défense qui venaient de terminer les prières des fêtes d'automne. Ensuite, une pause juste devant la synagogue. Di Segni recevra un antique manteau rituel conservé dans le musée juif, symbole de l'histoire des Juifs dans la capitale italienne, et le revêtira avant de franchir le seuil. Avec lui, plusieurs autres rabbins, portant le vêtement blanc traditionnel, celui des cérémonies solennelles. D'autres ne le souhaitent pas, et vont opter pour un simple vêtement noir. Après le point culminant de la visite, dans le temple, le passage au Musée juif et le salut à l'administration et aux présidents des institutions juives italiennes dans la Salle du temple espagnol.
La complexité de la visite demeure, mais le ventre, la base du ghetto, sait aussi aller au-delà. Ces derniers jours, certains ont prédit, à l'arrivée du Pape, des contestations de la décision sur Pie XII (ndt: je prends le pari qu'il n'en sera rien). Giuseppe Massimo Piperno, président des jeunes juifs, dit cependant: «Tout en reconnaissant l'importance de certaines frictions récentes de nature historique, nous serons là pour accueillir le Pape et le recevoir de manière digne, comme le mérite la plus haute autorité religieuse du catholicisme. "

Le catholicisme, nouveau bouc émissaire Désinformation/ réinformation