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Pour moi non croyant, Benoît XVI est fascinant

Traduction par Carlota d'une interviewe du philosophe espagnol Gabriel Albiac (25/4/2010)



Carlota:


Traduction d’une transcription (original paru sur www.paginasdigital.es le 23 avril 2010) d’un entretien donné sur Popular TV par le philosophe espagnol Gabriel Albiac dont j’avais déjà traduit un texte au début de la nouvelle « croisade » anti-Benoît XVI de cette année: Ratzinger face aux monstres.


« Pour moi non croyant, Benoît XVI me semble fascinant »
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Q
uestion du journaliste -Benoît XVI a fait en ces 5 ans de pontificat un appel à « élargir » la raison. Son intervention de Ratisbonne fut un paradigme. Quelle importance a ce qui a été souligné ?

Réponse de Gabriel Albiac - Le rôle de Ratzinger dans l’Église catholique durant le XXème siècle a été et est essentiel, il cherche la relation avec la philosophie grecque. Cela apparaît subitement au public avec le discours de Ratisbonne par le débat qu’il génère. Un débat, dans une grande mesure, déplacé. Cela n’a pas été une intervention sur l’Islam. Ce dont a parlé Benoît XVI c’est du lien entre le christianisme et la raison grecque. En réalité sa position était déjà fondée à la fin des années 50 quand il était le théologien Ratzinger et il a élaboré son discours sur le Dieu de la Foi et le Dieu des philosophes. Sa thèse est fascinante pour la relation entre les catholiques et les penseurs non croyants comme c’est mon cas.
La thèse (est ?) que le christianisme reviendrait à être la traduction de la Bible au grec. Il assure que la formation du corps chrétien se produit à partir de la traduction du grec de la Bible des 70. Cette traduction suppose l’appropriation de la tradition biblique depuis une perspective précise. Le langage n’est pas innocent. Il s’en approprie dans ce qui reste inclus dans son cadre de compréhension. Ratzinger ne se trompe pas quand il affirme que le cadre de compréhension des 70 est celui du platonisme et du néo-platonisme. Que font les 70 quand ils traduisent la formule hébraïque « Je suis Celui qui suis » utilisée par Dieu pour se définir ? Ils traduisent cette formule simple par cette formule spéculative « Je suis Celui qui est ». Tous ceux qui ont suivi la tradition grecque connaissent la formule « Je suis ce qui est Être ». Mais la Bible des 70 traduit : « Je suis Celui qui est ». Il y a quelque chose de fascinant en cela, qu’analyse Ratzinger très bien. En réalité quand nous disons qu’il ne peut y avoir de continuité entre un monde polythéiste, avec beaucoup de dieux, et un monde monothéiste, nous vulgarisons la pensée grecque. La pensée grecque n’est pas celle de la pluralité de petits « dieux » mais le monde qui désigne ce qui est divin. La particularité du monde grec est qu’il désigne ce qui est divin avec une forme neutre, et la particularité du monde chrétien c’est qu’il le désigne avec le masculin singulier, il utilise une forme personnalisée. La continuité et la discontinuité entre le monde grec et le monde chrétien ne s’est pas faite par le passage de la multiplicité triviale de petits dieux à un seul Dieu. C’est dans le fait qu’on ne désigne plus le divin comme quelque chose de neutre mais comme une forme personnalisée. Et c’est là dit Ratzinger où se produit la continuité et le paradoxe entre la raison grecque et la raison chrétienne.

Q- Et Ratisbonne alors?

R - Ce qui est étonnant du discours de Ratisbonne c’est que c’est quelque chose qui se comprend bien en prenant en compte ce qui précède. Ratzinger dit que la continuité dans l’affirmation du logos grec ne se produit que dans le christianisme. Parler des trois religions du livre est une souveraine idiotie. Il n’y a pas de continuité du livre dans l’Islam. Le livre juif et le livre chrétien sont susceptibles d’interprétation. Le Coran est un objet séparé qui ne peut qu’être répété et non pas interprété. La ligne de continuité est celle du Christianisme qui reprend le livre interprétable, la Bible. Et il le fait depuis la tradition dans laquelle l’interprétation a joué un rôle essentiel. La tradition qui depuis Héraclite dit que celui qui prédit à Delphes ne cache pas, n’enseigne pas mais donne des signes. Quand un Grec de ce temps-là dit que ce qui est divin c’est de donner des signes il dit qu’on ne peut accéder au divin que par l’interprétation.

Q - Benoît XVI avertit également des dangers de la raison.

R- Les dangers sont ceux de la tendance à la vulgarisation. Quand on utilise une raison étriquée il faut en connaître le cadre et les limites. Mais aussi quels sont les dangers de l’extrapolation. Ratzinger a vu le problème à partir d’une perspective proche de celle de Pascal et des penseurs du XVIIIème siècle : la conception tragique, le conflit et la continuité entre le Dieu des philosophes et le Dieu Sauveur. Le plus grand risque, et en cela Ratzinger a été très fin, c’est celui de l’invasion. Dans le discours de la Sapienza, en faisant référence à la relation entre la raison et la foi, il reprend la formule christologique du Concile de Chalcédoine (ndt renvoi Wikipedia à prendre avec précautions d’usage) : il s’agit de ce qui est en relation mais qui ne se mélange pas. Le risque pour la raison et pour la foi est la superposition, la tentation de soumettre l’un aux règles de l’autre.

Q- Le Pape a voulu accueillir les défis de la raison moderne. Comment évaluez-vous cette position ?

R- Benoît XVI aborde quelque chose de beaucoup plus important que la modernité ou la non modernité. Une institution comme l’Église aspire à l’intemporalité. C’est la même chose qui arrive à la raison. La thématique de base de la philosophie s’ouvre et se ferme en une seule génération, celle que va de Platon à Aristote. Nous continuons à en faire le tour de la même façon. La question de la modernité ou de la non modernité banalise la problématique de la philosophie et de la raison. Ce que Ratzinger a posé mieux qu’aucun Pape depuis des siècles, avec plus de radicalité c’est le mode de relation entre la foi et la raison pour qu’aucun des deux ne soit banalisé l’un par rapport à l’autre, pour que les territoires de chacun soit respecté, pour que se permette le déploiement du dialogue. Pour des penseurs non croyants, comme c’est mon cas, c’est extraordinairement important. Nous vivons chaque fois plus dans un monde de traditions religieuses spécifiques, c’est le cas de l’Islam, qui paraissent incompatibles avec un type quelconque d’interprétation rationnel. Pour un penseur non croyant, de tradition platonicienne, l’unique voie de dialogue est celle qu’introduit Ratzinger.

Q- Comment non croyant, vous avez un grand respect pour Benoît XVI

R – Je serais un idiot si cela n’était pas. Benoît XVI a été Ratzinger, un des penseurs de la plus grande stature du XXème siècle et le théologien le plus important de cette période.






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