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Les oeuvres du théologien Ratzinger (2)

Ce théologien qui parle à tous. Lucetta Scaraffia nous parle des Opera Omnia, sur l'Osservatore Romano. (30/10/2010)

-> Lire ici: Les oeuvres du théologien Ratzinger (1)

Ce théologien qui parle à tous


Cela a-t-il un sens qu'une personne sans formation théologique telle que moi s'occupe des Opera omnia de l'un des théologiens les plus importants de notre époque, Joseph Ratzinger?
Malgré quelques appréhensions, je réponds: oui, sans aucun doute.
Toute son oeuvre, en effet, s'adresse non seulement à la communauté restreinte des spécialistes mais à tous ses contemporains - qu'ils soient croyants ou non - et naît des questions que pose l'époque actuelle. Ce sont des essais et des livres qui sont conçus pour nous tous, qui sommes les contemporains de ce grand théologien capable de penser notre temps, et de chercher les réponses que la culture chrétienne peut et doit trouver. Il s'agit en fait de textes écrits dans un langage limpide et clair, et donc compréhensibles pour les profanes, qui sont entraînés dans la lecture parce qu'ils trouvent des réponses aux questions encore restées sans réponse, ou celles qu'ils perçoivent confusèment, sans trouver la lucidité de se les poser.
Les mots de Ratzinger sont comme une lumière claire et patiente, et on en vient à penser à ce que John Henry Newman appelait "douce lumière" (kindly light). Une lumière qui conduit les lecteurs à faire la clarté sur les questions fondamentales de la vie, re-présentées à la manière dont elles se posent aujourd'hui. En cela, a certainement beaucoup compté le fait que pendant des années il a été professeur, tellement habitués à être entendu par les jeunes esprits, et que, selon de nombreux témoins il a été un grand professeur.
La publication des œuvres complètes du pape Benoît XVI est donc une opération de grande importance sur le plan culturel, et pas seulement religieux; aussi parce qu'il met en évidence un caractère particulier du Pape actuel, qui est d'être un intellectuel de grande profondeur, un homme qui, sur le plan théologique, a réfléchi profondément sur la fonction de l'Eglise et de la foi en son temps, un savant qui cherche à comprendre en profondeur le monde où il vit.
Sans doute un tel Pape était-il nécessaire, en ce moment historique, et il est difficile de ne pas le reconnaître: la modernité, en effet, est essentiellement une crise de sens, c'est-à-dire un fossé culturel qui commence par la façon-même dont nous concevons l'être humain. Il ne suffisait pas que l'Église catholique maintienne son rôle de gardien fidèle de la tradition; il fallait un pas de plus, un saut de lucidité, pour trouver une façon d'expliquer au monde contemporain le patrimoine de tradition de l'humanité; et pour cela, il fallait un intellectuel qui comprenne ce monde à fond.
Les œuvres de Ratzinger sont avant tout l'histoire de ce processus de compréhension et, surtout, la recherche d'une réponse chrétienne appropriée à la modernité et à la sécularisation. Elles sont aussi la preuve que dans un moment de crise religieuse aussi forte que ce que nous vivons, il est important, et même nécessaire, que celui qui est devenu le guide visible de l'Eglise réunisse en lui les qualités de pasteur avec celles d'intellectuel, de théologien, de savant.
Grâce aux Opera omnia, nous pouvons donc comprendre sa pensée, ce qui nous permet de mieux saisir ses choix et ses actes en tant que Pape, mais en même temps nous pouvons ainsi mieux nous comprendre nous-mêmes, nous, êtres humains ballotés par la vie moderne, habitués à vivre dans une atmosphère culturelle qui procède en ignorant la vérité et donc aussi sa recherche.

Amour, et donc défense de l'Eglise constituent une caractéristique de fond, dans la deuxième partie de sa vie, à partir de 1977: d'abord comme archevêque de Munïch et de Freising; puis, depuis 1982, à Rome, comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Amour et défense de l'Église qui ne ne le conduisent cependant jamais à une attitude de fermeture défensive, comme beaucoup, au contraire, aiment à le penser, en particulier les journalistes. Ce qui le révéle, c'est son ouverture aux questions et aux inquiètudes, toujours envisagées comme un moment positif de croissance.
Sur la fécondité du doute comme moment nécessaire pour avancer à la recherche de la vérité, Ratzinger a écrit des paroles intense et très belles, dans cette oeuvre: "Sur le croyant pèse la menace de l'incertitude, qui, dans les moments de tentation lui met durement et à l'improviste devant les yeux la fragilité du tout, lequel lui apparaît en général tellement évident". Mais, "comme, jusqu'à maintenant, nous avons reconnu que le croyant ne vit pas sans problèmes, mais est constamment menacé par le risque de tomber dans le néant, de même, désormais, nous reconnaîtrons le mutuel enchevêtrement des destins humains, conduisant à devoir admettre que même les non-croyants ne vivent pas une vie entièrement fermée sur elle-même". Une découverte de la fécondité du doute qui peut même conduire à une rencontre: "Et qui sait si le doute, préservant autant l'un que l'autre de la fermeture de l'isolement, ne devient pas le lieu de la communication."

Et ce serait là le défenseur acharné de l' Église et de l'orthodoxie, prêt à condamner le moindre doute, tel que, si souvent, le cardinal Joseph Ratzinger, avant et après son élection comme pape, a été dépeint? La lecture de ses œuvres permet de dissiper beaucoup de lieux communs, et de faire d'intéressantes découvertes.

"Rien ne peut être droit si nous ne sommes pas dans l'ordre droit avec Dieu", nous rappelle Ratzinger dans le magistral et poignant commentaire au Notre Père, ce n'est qu'en revenant écouter et comprendre Jésus qu'on peut trouver de vraies réponses aux problèmes posés par le monde d'aujourd'hui".

C'est précisément pour cette raison, ainsi qu'il l'explique clairement dans l'introduction, que le premier volume publié de l'Opera omnia est le onzième, à savoir le recueil des écrits sur la liturgie: "D'abord, Dieu: ceci nous dit de commencer par la liturgie", affirmation qui montre clairement comment l'ensemble des travaux de Ratzinger doit être considéré comme un service à Dieu et l'Église, plutôt qu'un exercice individuel de culture et d'intelligence. Un effort intellectuel offerte à Dieu, comme il l'explique avec une clarté limpide: "Je n'ai jamais essayé de créer mon propre système, ma théologie particulière. Si on veut vraiment parler de spécificité, c'est simplement que je me propose de réfléchir, ensemble avec la foi de l'Église, et cela signifie penser surtout avec les grands penseurs de la foi ".

Son principal ouvrage sur le thème de la liturgie, "L'esprit de la liturgique" se relie dès son titre à l'oeuvre similaire de Romano Guardini qui - écrit Ratzinger dans la préface - "a largement contribué à redécouvrir la liturgie dans toute sa beauté, sa richesse cachée et son importance à travers les siècles, comme centre vivifiant de l'Eglise et comme centre de la vie chrétienne".
Il poursuit: "Comme pour Guardini, pour moi aussi, il ne s'agit pas de m'attarder dans des discussions ou des débats de nature scientifique, mais d'offrir une aide pour la compréhension de la foi et le juste exercice de sa forme d'expression fondamentale dans la liturgie".
Ce sont des déclarations qui révèlent le sens du travail théologique de Ratzinger, sa manière de se placer dans la continuité de la tradition, en servant l'Église, plutôt que de viser à une réputation scientifique et universitaire. Des déclarations qui soulignent aussi son lien avec Guardini, revendiqué ici ouvertement, de manière unique et particulière dans son travail.
Ce lien, qui se traduit par une impulsion à poursuivre son oeuvre, est évident dans tous les écrits de Joseph Ratzinger, dans toute son œuvre intellectuelle. A commencer par la tension vers les questions du présent, comme l'écrivait Guardini lui-même: "Notre époque est donné à chacun d'entre nous comme le terrain sur lequel nous devons être, et nous est proposé comme une tâche que nous devons accomplir".
Ensuite, par le choix d'un langage moderne, très net, qui arrive immédiatement au cœur des choses. Un langage qui, comme je l'ai déjà souligné, n'est jamais difficile, mais essaie toujours de communiquer de la façon la plus simple possible ce qu'il veut dire. Un langage qui n'est jamais auto-référentiel, ne cède jamais à ce jargon, malheureusement si répandu dans la culture catholique contemporaine, la séparant complètement de la culture laïque, et qui surtout ne suscite pas la réflexion, et donc l'implication personnelle.

Dans les mots de Joseph Ratzinger et Benoît XVI, aucune "chute" dans ce sens, pas de platitudes, de concepts faciles, privés désormais de valeur pour avoir été répété trop souvent. Et la question de la langue est un problème fondamental pour toucher les cœurs des fidèles et surtout pour être entendu par le reste du monde, un problème que l'Eglise d'aujourd'hui peut résoudre en suivant l'exemple du Pape.

Ratzinger ne se limite pas à la recherche de la communication la plus compréhensible possible, mais, poursuivant le travail de Guardini, il veut restituer aux catholiques cette dignité intellectuelle qu'ils semblent avoir perdu, au point que de nombreux catholiques ont un peu honte d'être catholiques, jusqu'à penser que leur vie intellectuelle est une chose et leur foi une autre. Romano Guardini a complètement inversé ce point de vue en écrivant au contraire qu'être un catholique permet d'avoir une perspective plus riche de la réalité, de l'histoire, de la pensée, parce que "chaque vrai croyant est un jugement vivant sur le monde" dans la mesure où il possède aussi, en partie, une point de vue hors du monde: la Weltanschauung (vision du monde) catholique est ainsi "le regard que l'Église pose sur le monde, dans la foi, du point de vue du Christ vivant et dans la plénitude de sa totalité qui transcende tous les types".

Nous en avons encore une preuve par la façon dont Ratzinger aborde les défis que les biotechnologies font peser sur le monde d'aujourd'hui, et dont il saisit le sens profond, celui de remédier à la faiblesse humaine, de racheter l'être humain de ses limites. Ce n'est pas une nouveauté d'aujourd'hui: dans toutes les religions et les systèmes philosophiques, l'être humain est perçu comme un être déchu, condamné à sa finitude, raison pour laquelle le rachat signifie "libération de la finitude, qui en tant que telle est le poids véritable qui pèse sur notre être".
À un monde qui essaie d'échapper à la finitude avec les outils de la technoscience, qui fait de la dépendance la pire humiliation et donc nie, au nom de la totale autonomie individuelle, la foi religieuse, le culte divin répond en montrant ce qu'est le vrai chemin de la rédemption, celui par lequel l'homme peut être sauvé. C'est pourquoi la liturgie est au cœur de l'œuvre de Joseph Ratzinger, son cœur, parce que "l'adoration, le juste exercice du culte, du rapportavec Dieu, est constitutive de la juste existence humaine dans le monde."

(© L'Osservatore Romano - 28 octobre 2010)



Voir aussi: http://paparatzinger3-blograffaella.blogspot.com/2010/10/opera-omnia-di-joseph-ratzinger.html

Les oeuvres du théologien Ratzinger (1) Lettre aux séminaristes