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Mauvaise éducation

Enquête sur un thème de société de plus en plus préoccupant, dans l'influente revue des jésuites italiens "Civiltà cattolica". (10/11/2010)

La Civiltà Cattolica est une revue catholique italienne de la Compagnie de Jésus, fondée en 1850 à Naples (Wikipedia)

Dans un billet de septembre 2007, qui m'est juste revenu en mémoire, Sandro Magister écrivait:
"La Civiltà Cattolica" a un directeur supplémentaire. Au Vatican
C'est le cardinal Tarcisio Bertone. Depuis qu'il est secrétaire d'état, il contrôle de beaucoup plus près le contenu de la revue. Il supprime, il modifie, il ajoute. Parfois, il commande des articles entiers
(lire la suite, très importante, ci-dessous (1)).
....

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Ces précisions donnent donc un poids particulier à cet article paru en septembre 2010, et reproduit sur le très précieux site http://site http://www.rassegnastampa-totustuus.it/ .
L'article s'appuie sur la réalité italienne d'aujourd'hui, mais elle est transposable pratiquement tel quel à la nôtre, et on verra que les français n'ont rien à envier (!) à leurs voisins transalpins. Ou vice-versa!

Texte en italien: ici .

Ma traduction (je n'ai pas reproduit les notes, qui se référent à des articles plus ou moins récents parus dans la presse italienne).

Education et mauvaise éducation
Civilisation catholique n.3846 - 18 Septembre 2010

Giandomenico Mucci S.I. (Societas Iesu
)
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Il n'y a pas que les anciens et les personnes âgées qui se plaignent auprès de nous du déclin des bonnes manières. Un peu partout, on voit des signes de trouble diffus pour le manque de respect envers soi et les autres. Nous ne parlons pas des grands crimes. Nous parlons de la grossièreté de tous les jours, qui compromet d'une certaine façon le tissu de la société.

Citons au hasard. La TV qui marche à tue-tête, y compris la nuit , les graffitis indélébiles sur les murs fraîchement repeints, le chewing-gum craché dans les rues et même collé sur les murs et les colonnes des bâtiments historiques, les téléphones mobiles qui sonnent dans les églises et lors des conférences et des concerts, le manque de respect pour les personnes âgés, les parents, les enseignants, même de la part d'enfants, les mégots de cigarette encore allumés jetés de la fenêtre de la voiture, le conducteur qui est dans son tort, et prétend avoir raison en hurlant, et ainsi de suite.

Certains disent que ce sont les effets du relativisme ou du nihilisme, ou de la société permissive. D'autres parlent d'une situation d'urgence découlant de la priorité donnée à la valeur de l'argent, au succès et au pouvoir. Les spécialistes débattent.
En ce qui concerne les coutumes italiennes, les observations historiques et phénoménologique de Sergio Romano (ndt: article dans Il Corriere) nous semblent convaincantes. Les Italiens sont par nature courtois, humains, cordiaux, peut-être plus que les autres. Chez eux, ces qualités se déploient lorsque deux personnes découvrent qu'elles ont quelque chose en commun: la ville natale, les passe-temps, le même bar, la même équipe de football, les mêmes opinions politiques.
Mais la courtoisie formelle est absente. S'ils sont pressés et doivent se frayer un chemin, ils n'usent pas du "s'il vous plaît" de politesse, et s'excusent encore moins. Dans les endroits très fréquentés, ils parlent à haute voix au téléphone, sans se soucier de déranger les autres. Ils conduisent leur voiture ou leur moto, comme si les autres devaient leur donner la priorité dans tous les cas. Quitte, ensuite à être exagérément polis, c'est-à-dire serviles, en particulier envers les étrangers qui font du tourisme.

Selon Romano, sur les mauvaises manières des Italiens pèsent les deux facteurs clés, qui sont la famille et l'école, sans parler de l'analphabétisme, qui est loin d'être vaincu. S'y ajoutent deux autres facteurs importants. La première est la faiblesse de la bourgeoisie italienne (ndt: mais la bourgeoisi française elle-même, ne joue plus son rôle d'élite, dans ce sens). Le savoir-vivre est une invention bourgeoise, née à la fin du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, qui s'est étendue à la France et aux pays germaniques au cours du dix-neuvième siècle et est liée à la révolution industrielle et au rôle croissant de la bourgeoisie dans la politique et dans les affaires.
Sauf que, en Italie, dans d'autres pays méditerranéens et dans les pays slaves, la révolution industrielle a été tardive et n'a pas modifié les normes les plus élémentaires de la coexistence civile. Jusqu'à des temps récents, les officiers tutoyaient les soldats et les maîtres, leurs domestiques: des habitudes qui n'ont pas encore complètement disparu. Le deuxième facteur est le comportement de ceux qui jouissent de notoriété: politiciens, chanteurs, acteurs, sportifs, artistes, intellectuels. Ils sont, en fait, un miroir et un modèle pour une grande partie de la société. Eh bien, cette élite (un mot qui «n'a jamais été si mal utilisé», souligne Romano) est souvent formée de gens habitués à contester , qui s'insultent l'un l'autre, utilisent un langage vulgaire, racontentr des blagues pleines d'allusions salaces, et surtout, témoignent ostentatoirement d'un usage féodal de leur pouvoir.

Les enfants
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Comment les enfants et les jeunes pourraient-ils échapper à cet état de choses? On ne compte plus les analyses et les enquêtes que depuis lontemps, les psychologues et les sociologues consacrent aux jeunes. Les coups de couteau, vols, agressions, les viols collectifs, les meurtres commis par des adolescent sont certainement un symptôme du malaise de la sociétés. Et la chronique noire enregistre, en plus de ce malaise, des attitudes des jeunes qui peuvent également être reliées à leur manque d'éducation.

Tous, nous avons observé, chez beaucoup de jeunes arrêtés après un crime, la froideur et l'indifférence, non seulement envers les victimes, mais aussi envers leurs familles et eux-mêmes: parfois, du moins en apparence, ils semblent insensibles à la perspective même de la prison , comme si surmonter l'ennui valait la peine de l'expérience du crime et de la douleur de beaucoup. Une indifférence qui se reflète également dans la monotonie des vêtements: jeans, baskets, sweat-shirt, en toute occasion, que ce soit à la maison ou à l'école, au travail, au sport ou à la discothèque.

La presse italienne a souvent été sensible à ce sujet crucial. Il n'est pas indifférent, en effet, que ces jeunes ne viennent pas seulement des zones de dégradation, de marginalisation et de misère, mais aussi de bonnes familles, de maisons et de quartiers "bien": et parfois, la pauvreté, d'autres fois la crise de la solitude et de l'ennui, parfois un mauvais groupe d'amis, forment un mélange explosif.
Ce n'est pas un bulletin paroissial, mais un journal laïc, qui a souligné récemment une donnée objective: Aujourd'hui, la famille italienne est faible.

Les enfants sont privés de la présence constante des parents. Mais il manque aux parents le soutien d'autres figures d'éducateurs, les curés, les maîtres, les professeurs. En effet il n'est pas rare que les parents prennent le parti de leurs enfants contre ceux qui devraient être recherchés et reconnus comme des collaborateurs de l'éducation reçue dans la famille. "Et renoncer à toute formes d'instruction religieuse est, bien sûr, un choix respectable, qui toutefois prive la famille d'un appui quin'est pas indifférent ». Ces mêmes familles, qui avancent, avec plus ou moins de bonne foi, des critiques contre ces collaborateurs, permettent ensuite passivement à leurs enfants de subir le «magistère» prolongé de la télévision, «ce Léviathan Cathodique» (ndt: article sur Il sole 24 ore).

Les responsabilités éthiques et la fonction souvent "déséducative" des médias, en particulier la télévision, ont été mises en évidence par le Pape. Les médias étant l'instrument à travers lequel le processus de médiation symbolique se produit, induisent une culture qui peut conduire à la dépendance, à l'égoïsme, à l'indifférence: « Chaque jour, en effet, à travers les journaux, la télévision, la radio, le mal est raconté, répété, amplifié, nous habituant aux choses les plus horribles, nous faisant devenir insensibles et, d'une certaine manière, en nous intoxiquant, car la négativité n'est pas totalement éliminée et, jour après jour, elle s'accumule. Le cœur s'endurcit et les pensées s'assombrissent... nous sommes tous des acteurs et, dans le mal comme dans le bien, notre comportement a une influence sur les autres. »(Discours devant la statue de l'Immaculée, Rome, 8 décembre 2009 ). Quelle sera cette influence la formation des enfants et des jeunes? Quelle part de "mauvaise éducation" est due à cette influence?

Un constat réaliste d'Angelo Panebianco offre un exemple de contre-éducation. Les corporations ou catégories italiennes (hauts fonctionnaires, magistrats, professeurs, journalistes, médecins etc) incluent des professionnels excellents, médiocres et des cas d'indignité professionnelle. Le public finit souvent par croire que ces groupes sont composés seulement de médiocrité et d'indignité, parce que la présence d'excellence parmi eux est obscurcie par le mécanisme qui n'amène en général dans la mire des médias que l'indignité.

Il arrive alors que les représentants des groupes se livrent à une défense à outrance de telles indignités afin de sauvegarder l'image du groupe devant l'opinion publique et le pouvoir politique. De fait, il en résulte que ceux qui sont protégés sont les pires. Là encore: comment les jeunes parviendraien-ils à se voir reconnaître "le droit d'être aidés à évaluer avec une conscience claire et à accepter, avec une adhésion personnelle, les valeurs morales" ?

Le savoir humaniste
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Éducation veut dire culture. Et culture ne signifie pas simple acquisition de compétences et de civisme. Il a été dit par certains que la culture est l'ouverture à la prise de conscience de la valeur morale éducative du savoir en tant que tel. L'idée était chère à toute la tradition humaniste occidentale. La culture s'adresse constitutivement à la vérité et à la beauté et est en soi une source essentielle de raffinement éthique et la croissance civile. La culture comme l'histoire, la littérature, les arts, les mathématiques .
Une brève référence à trois problèmes, parmi beaucoup d'autres, qui permettent d'appréhender plus facilement la relation étroite entre la culture et l'éducation. L'insistance périodique de la presse à cet égard tend à démontrer que l'urgence éducative dépend d'une promotion renouvelée de la culture humaniste.

Il faut d'abord dépasser la vision idéologique soixante-huitarde de l'histoire nationale. Il est temps que l'école se remette à la raconter dans le respect des faits, avec esprit critique et piété. Sans occulter ses pages sombres, qui, pour les soixante-dix dernières années, s'appellent défaite militaire, guerre civile, terrorisme, scandales et la criminalité organisée. Sans occulter ses pages lumineuses, pour ne rien dire des gloires passées de la culture italienne, et en s'en tenant à ce qui concerne la période de la République, qui s'appellent défaite du fascisme, et l'Italie devenue une puissance occidentale, un des membres fondateurs de la Communauté européenne et la septième ou la sixième économie mondiale.

Il est juste que les enfants italiens, qui vivent dans un monde multiethnique, connaissent et apprécient les valeurs de civilisation que porte son voisin de table. Mais il est également juste de respecter le principe du gradient (2), tel qu'il est défini par Chiara Frugoni (ndt: dans La Repubblica). La priorité devrait être accordée à l'histoire de notre pays, ancienne et moderne, car là sont nos racines et nous ne devons pas renoncer à notre identité culturelle .

À propos de cette identité à préserver, c'est un signe inquiétant que l'édition italienne, probablement coincée par le marché, ait abandonné tout plan cohérent pour proposer, relire et réinterprétater les classiques de la littérature ancienne et moderne, qui sont l'un des étendards de l'identité italienne, ceux qui indiquent un projet et un but ...

Et là, on en revient à l'école. Commençons par observer que, selon des estimations crédibles, en Italie il y a environ trois millions de personnes qui ne savent pas lire ou écrire ou le font avec difficulté. Une étude de l'association des directeurs du personnel (GIDP) note que les CV soumis par les demandeurs d'emploi, même ceux qui aspirent à des fonctions de direction, sont écrits sans contrôle de la grammaire.

Des linguistes reconnus affirment que l'école italienne d'aujourd'hui n'enseigne plus à écrire et sous-estime l'importance de l'orthographe et de la prononciation correcte des mots. Et que dire de la structure des discours, des néologismes bizarres, de l'appauvrissement de la syntaxe? Avec ces prémisses, peut-on penser sérieusement à l'éducation culturelle des enfants et des jeunes, lesquels souvent désertent eux-mêmes les livres, qui restent le principal moyen d'apprendre à écrire et à éduquer à la culture?

Enfin, il convient de mentionner le phénomène des anglicismes. Sergio Romano se demande pourquoi les Italiens, en particulier les jeunes, se laissent écraser par une avalanche d'anglicismes pas toujours nécessaires et utiles. Phénomène qui n'est pas entièrement nouveau. Les grandes puissances économiques et impériales imposent les règles du commerce, les formules des contrats, les modalités de prêts et d'épargne. Les langues sont sous l'influence des Etats qui leur parlent.

Au XVIIIe siècle, quand l'influence de la France était grande de l'Atlantique à l'Oural, l'aristocratie et les classes émergentes de la société italienne parlaient le français, lisaient des livres français, introduisaient des néologismes français: et ce fut une importation massive qui renouvela l'italien. Tous ces mots viennent du français: cotoletta, baionetta, mitraglia, picchetto, manovra, scialuppa, cerniera, ghisa, aggiotaggio, conto corrente, dipartimento, marionetta, minuetto, giardinaggio, interessante, intraprendente, manifattura, materia prima, rapporto (entendu comme relation entre personnes), saggio (entendu comme article), vignetta, papa.

En ce siècle, la langue italienne exerçait aussi son influence, par exemple dans le domaine de la musique. Pensez aux libretti d'opéra de Haydn et de Mozart et aux nombreux poèmes mis en musique par de grands artistes européens. Aujourd'hui, l'influence linguistique italienne semble se limiter à la mode, à la cuisine et à la criminalité: dolce vita, paparazzi, mafia, pizza, Camorra, expresso, cappuccino, tiramisu .

Alors, que cela plaise ou non, la présence d'anglicismes en italien n'est pas un drame. Mais pourquoi utiliser des mots étrangers lorsque l'Italien dispose de termes parfaitement équivalents? Les internautes ou de ceux qui ont étudié à l'étranger, ou ont des activités dans le domaine international - financiers, courtiers, stylistes, experts en relations publiques, entrepreneurs de la mode et de la communication, ingénieurs des nouvelles technologies, les organisateurs conférences et séminaires - ont pris cette habitude.

Dans ces domaines, en particulier dans les domaines économique et financier, le mot anglais indique des fonctions et des outils en provenance des États-Unis et de Grande-Bretagne. Tout ceci appartient à l'évolution naturelle des langues et à la domination des uns sur les autres pour les raisons mentionnées.

La «mauvaise éducation» commence au moment où les Italiens, adultes et enfants, veulent montrer de façon ostentatoire ou bien leurs compétences linguistiques ou bien leurs fréquentations internationales, ou bien leur modernité mal comprise. Et cela, c'est du snobisme. Insoucieux d'être incompréhensibles à un grande partie de leurs compatriotes, , ils abusent d'exotismes parce qu'ils pensent que le «parler difficile» est un signe d'intelligence et de supériorité. Et même, ils estropient les mot anglais ou les utilisent de façon impropre! Et l'Italien est inondé par un flot de mots anglais, mal prononcés, mal compris et le plus souvent inutiles . Cela, c'est du provincialisme.

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Notes

(1) http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/169450?fr=y
"La Civiltà Cattolica" est en effet une revue très spéciale, depuis sa fondation en 1850 à la demande de Pie IX.

Elle est préparée par un "collège de rédacteurs", tous jésuites, qui vivent en communauté à Rome. Avant d’être imprimé, chaque fascicule est contrôlé page par page par les autorités du Vatican.

Il paraît les premier et troisième samedis du mois. Lorsque les épreuves d’un nouveau fascicule sont prêtes, douze exemplaires en sont remis au Vatican: un pour le pape, un pour le secrétaire d’état, le reste pour les bureaux de la curie compétents dans les domaines abordés par les différents articles.

Le lundi qui précède le premier et le troisième samedi du mois, le directeur de "La Civiltà Cattolica" se rend à la secrétairerie d’état. Là, on lui remet des indications relatives aux épreuves qui ont été examinées. Ces indications comportent trois niveaux.

Les indications de niveau A ne se discutent pas. Ce sont des ordres sans appel. Par exemple: cet article doit être supprimé, cette conclusion doit être ajoutée à cet autre article, ce paragraphe doit être reformulé comme cela.

Les indications de niveau B font l’objet de discussions au cours de l’audience même, de sorte à ce que l’on s’accorde immédiatement sur les modifications.

Les indications de niveau C sont laissées à l’appréciation du directeur de la revue, qui pourra même en décider autrement.

"La Civiltà Cattolica" n’est donc pas un organe officiel du Saint-Siège. Mais on sait que ce qu’elle publie "n’est pas en désaccord avec les indications du Saint-Siège à propos des différents sujets". Cela suffit pour en affirmer l’importance et en rendre la lecture obligatoire à quiconque souhaite étudier les orientations de l’Eglise catholique.
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(2) En physique, le gradient est une grandeur vectorielle qui indique de quelle façon une grandeur physique varie dans l'espace.
Il me semble comprendre ici que lorque deux forces de type "attraction-répulsion", s'opposent il convient de rechercher un point d'équilibre (C'est sans doute beaucoup plus complexe que cela, mais cela donne une idée... pas fausse, je l'espère).

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