Nouveaux langages pour communiquer avec tous
Le 13 novembre, discours aux participants à l'assemblée plénière du Conseil Pontifical de la Culture. Un Pape extraordinairement moderne, qui a parfaitement saisi les défis, les enjeux mais aussi les dangers et les limites des nouvelles techniques de communication. Il ne les craint pas, il s'en sert, et dit aux catholiques de s'en servir aussi. (14/11/2010)
Des langages nouveaux et créatifs pour dialoguer avec tous
--------------
Texte en italien sur l'OR du 14/11. Ma traduction.
Dans la recherche de la vérité et de la beauté, l'Eglise veut dialoguer avec tous. Par conséquent, elle doit utiliser, avec un engagement créatif mais aussi avec un sens critique et un discernement attentif, les nouveaux langages et les nouvelles façons de communiquer. Tel est le sens du discours prononcé par le pape aux participants à l'assemblée plénière du Conseil Pontifical de la Culture, qu'il a reçus en audience le samedi 13 Novembre dans la Salle Clémentine.
-----------------
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et sœurs!
Je suis heureux de vous rencontrer à la fin de l'Assemblée Plénière du Conseil Pontifical de la Culture, au cours de laquelle vous avez discuté du thème "Culture de la communication et nouveaux langages".
Je remercie le président, Mgr Gianfranco Ravasi (futur cardinal, responsable du dicastère pour la nouvelle évangélisation, ndt), pour ses aimables paroles, et je salue tous les participants, reconnaissants pour leur contribution à l'étude de cette question, très importante pour la mission de l'Eglise.
Parler de communication et de langage signifie en effet, non seulement toucher l'un des aspects cruciaux de notre monde et ses cultures, mais pour nous croyants, cela veut dire s'approcher au mystère même de Dieu, qui, dans sa bonté et sa sagesse, a choisi de se révéler lui-même et de manifester sa volonté aux hommes (Concile Vatican II, Constitution dogmatique Dei Verbum, 2). Dans le Christ, en effet, Dieu s'est révélé à nous comme Logos, qui se communique et nous interpelle, établissant la relation qui fonde notre identité et notre dignité en tant qu'êtres humains, comme enfants bien-aimés de l'unique Père.
Communication et langage sont aussi des dimensions essentielles de la culture humaine, constituées d'informations et de notions, de croyances et de styles de vie, mais aussi de règles, sans lesquelles les gens pourraient difficilement progresser dans l'humanité et dans la sociabilité. J'ai apprécié le choix original d'inaugurer l'Assemblée plénière dans la salle de la Protomoteca, au Capitole, coeur institutionnel et civil de Rome, avec une table ronde sur le thème: "Dans la cité, à l'écoute des langages de l'âme". De cette façon, le ministère a cherché à exprimer l'une de ses principales tâches: se mettre à l'écoute des hommes et des femmes de notre temps, promouvoir de nouvelles opportunités pour annoncer l'Evangile.
Ecoutant donc les voix du monde globalisé, nous nous rendons compte qu'est en cours une profonde transformation culturelle, avec de nouveaux langages et de nouvelles formes de communication, qui favorisent également de nouveaux et problématiques modèles anthropologiques.
Dans ce contexte, les pasteurs et les fidèles ressentent avec inquiètude quelque difficulté à communiquer le message évangélique et à transmettre la foi au sein-même de la communauté ecclésiale. Comme je l'écrivais dans l'exortation apostolique post-synodale Verbum Domini, "de nombreux chrétiens ont besoin qu'on leur annonce à nouveau de façon convaincante la Parole de Dieu, afin de pouvoir expérimenter concrétement la force de l'Evangile" (n. 96).
Les problèmes semblent parfois augmenter quand l'Eglise s'adresse à des hommes et des femmes éloignés ou indifférents à l'expérience de la foi, à qui le message évangélique est livré de façon peu efficace et attrayante. Dans un monde qui fait de la communication la stratégie gagnante, l'Église, dépositaire de la mission de communiquer à tous les peuples l'Evangile du salut, ne reste pas indifférente, ni étrangère; elle cherche au contraire à utiliser, avec un engagement créatif renouvelé, mais aussi avec sens critique et discernement attentif, les nouveaux langages et les nouvelles façons de communiquer.
L'incapacité du langage à communiquer le sens profond et la beauté de l'expérience de la foi peut contribuer à l'indifférence de beaucoup, surtout des jeunes; elle peut devenir un motif d'éloignement, comme l'affirmait déjà la Constitution Gaudium et spes, notant qu'une présentation inadéquate du message cache, au lieu de le révéler, le visage authentique de Dieu et de la religion (cf. n° 19). L'Eglise veut dialoguer avec tous, dans la recherche de la vérité; mais pour que le dialogue et la communication soient efficaces et fructueux, ils doivent être syntonisés sur la même fréquence, dans des zones de rencontre amicale et sincère, dans cette "Cour des Gentils" idéale que j'ai proposée, en m'adressant à la Curie romaine il y a un an et que le dicastère est en train de réaliser dans différents endroits emblématiques de la culture européenne.
Aujourd'hui, de nombreux jeunes, étourdis par les possibilités infinies offertes par les réseaux informatiques ou d'autres technologies, établissent des formes de communication qui ne contribuent pas à la croissance de l'humanité, mais qui peuvent même augmenter le sentiment de solitude et d'aliénation. Face à ces phénomènes, j'ai parlé à plusieurs reprises d'urgence en matière d'éducation, un défi auquel on peut et doit répondre avec intelligence créative, en s'engageant à promouvoir une communication humanisante qui stimule la pensée critique et la capacité d'évaluation et de discernement.
Dans la culture technologique d'aujourd'hui aussi, c'est le paradigme permanent de l'inculturation de l'Evangile qui sert de guide, purifiant, assainissant et élevant le meilleur des nouveaux langages, et des nouvelles formes de communication.
Pour cette tâche, difficile et passionnante, l'Eglise peut s'appuyer sur l'extraordinaire richesse des symboles, des images, des rites et des gestes de la tradition. En particulier, le riche et dense symbolisme de la liturgie doit briller dans toute sa force comme un élément de communication, pour atteindre en profondeur la conscience humaine, le cœur et l'intellect. Et puis, la tradition chrétienne a toujours été étroitement lié à la liturgie le langage de l'art, dont la beauté a un pouvoir particulier de communication. Nous l'avons encore expérimenté dimanche dernier à Barcelone, dans la basilique de la Sagrada Familia, oeuvre d'Antonio Gaudí, qui a combiné avec génie le sens du sacré et de la liturgie avec des formes artistiques aussi modernes qu'en harmonie avec les meilleures traditions architecturales.
Cependant, plus frappante encore que l'art et que l'image de la communication du message évangélique, il y a la beauté de la vie chrétienne. En fin de compte, seul l'amour est digne de foi, et s'avère crédible. La vie des saints, des martyrs, montre une beauté singulière qui fascine et attire, parce qu'une vie chrétienne vécue dans sa plénitude parle sans paroles. Nous avons besoin d'hommes et de femmes qui parlent de leur vie, qui puissent communiquer l'Évangile avec clarté et courage, avec la transparence de leurs actes, avec la passion joyeuse de l'amour.
Après avoir été un pèlerin à Saint Jacques de Compostelle et avoir admiré chez des milliers de personnes, surtout des jeunes, la force convaicante du témoignage, la joie de s'engager sur la voie vers la vérité et la beauté, j'espère que beaucoup de nos contemporains pourront dire, réécoutant la voix du Seigneur, comme les disciples d'Emmaüs: "Notre coeur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures?" (Lc 24, 32).
Chers amis, je vous remercie pour ce que vous faites chaque jour avec dévouement et compétence, et tandis que je vous confie à la protection maternelle de Marie, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction Apostolique.
(OR, 14/11)