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A Rome et en voyage: le Pape vu de près (III)

Une bouffée d'air pur, et un cadeau très attendu que nous fait Marie-Anne: le 3e chapitre de la "biographie bavaroise" par Michael Mandlik (18/3/2010)

Marie-Anne m'écrit:
"Comme prévu, je vous envoie la suite du livre de Michael Mandlik; je suis très émue de constater que notre cher Joseph cardinal Ratzinger persiste à dire et à redire la même chose depuis des années… un vrai prophète qui n'est pas bien accueilli par tout le monde, comme il se doit.
..
Je le vois déjà le jour de Pâques, avec son beau sourire nous donner sa bénédiction, au sortir de la tempête, comme l'an dernier.
La suite de la traduction est prévue pour les anniversaires d'avril, ce chapitre s'intitulera : Cardinal devenu pape…"
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(Nous sommes déjà très impatients!)


Premiers articles:
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A Rome et en voyage: le Pape vu de près (I)
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A Rome et en voyage: le Pape vu de près (II)

Suite de l’interview avec le Cardinal Ratzinger à l’occasion des 20 ans passés à la tête de la Congrégation de la Doctrine de la Foi (III)
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Comment doit-on utiliser le Catéchisme de l’Eglise Catholique ? Est-ce un dictionnaire qui laisse la place à l’interprétation, ou bien, doit-on le considérer à l’égal de la Bible ?
-
Comme c’est le cas de la Bible, on ne peut pas isoler certaines phrases tirées de leur contexte, mais il faut les resituer dans tout le livre. Ce Catéchisme veut exprimer toute la foi de l’Église vivante. Nous avons d’ailleurs prévu une édition revue et corrigée, compte tenu d’un certain nombre de remarques reçues après la première édition.

- Il existe en Allemagne quelques sujets qui alimentent les discussions vis à vis de Rome, comme par exemple la question du célibat des prêtres, de la morale sexuelle, ou encore celle de l’ordination des femmes. Parfois on a l’impression de tourner en rond. Pourquoi l’Eglise catholique ne suit pas les sentiers battus par les luthériens, les anglicans ou les évangéliques? Vous auriez la cote dans les médias et il y aurait moins de sujets à polémique…
- Satisfaction du côté de l’opinion, sûrement, mais la discussion continuerait de plus belle jusqu’à la menace d’une scission. C’est ce qui se passe sous nos yeux chez les Anglicans où s’amorce tout un mouvement de conversion pour adhérer à l’Eglise catholique, après avoir quitté l’église épiscopalienne. C’est que l’Eglise ne peut pas faire ce qu’elle veut. La question est de savoir quelle est sa mission. Si la foi consistait seulement dans des décisions prises par quelques vieux messieurs de Rome, ce serait trop peu. A ce moment-là je pourrais me poser la question ; quel est l’intérêt d’adhérer à ce groupe ? pourquoi faire ce qu’ils disent ? La génération suivante ferait peut-être tout autrement. Si la foi ne repose pas sur Dieu, qui nous précède et qui vient à notre rencontre, ce n’est pas la peine de croire. La foi n’est pas à notre disposition. La question que nous devons toujours nous poser, c’est la suivante : quelle est la tâche que le Seigneur nous a confiée. Le pape n’est pas un monarque absolu, il doit être à l’écoute. Je sais que, humainement, il lui serait plus facile d’admettre l’ordination des femmes, mais il préfère suivre le courant de la grande tradition vivante, fidèle à la foi de l’Église. Ce qui rend la foi précieuse, c‘est qu’on peut s’y appuyer, pour vivre et mourir.

- Lorsque vous avez publié DOMINUS JESUS en 2000, votre document a suscité une vague de protestation qui s’est apaisée depuis. Mais qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’il ne s’agissait pas d’un malentendu ?
- Bien sûr ; étant donné qu’il y avait beaucoup de personnes qui ont critiqué le texte sans l’avoir lu. Un professeur de rénommée internationale m’a écrit par exemple, qu’après avoir lu les journaux, il n’avait pas besoin de lire le texte… Or, ce que dit le texte, c’est que le désir de l’unité que nous avons ne veut pas dire de se mettre d’accord sur le plus petit dénominateur commun, en négligeant les points les plus importants ; ce qui nous vaudrait une perte d’identité. L’unité serait plutôt comme une polyphonie où chaque partie aurait sa place, tout en respectant celle des autres, pour avancer ensemble sur le même chemin.

- Est-ce que, par la suite, il y avait aussi des réactions positives ?
- Oui, nous avons reçu peu à peu des lettres d’encouragement, avec des jugements moins hâtifs, même si des points de vue demeurent différents.
Pour les adeptes des religions de l’Inde, par exemple, il est difficile d’admettre que dans le Christ, Dieu lui-même s’est fait homme, et qu’ainsi le Christ est plus grand que les représentants des autres grandes religions. Avec les orthodoxes nous partageons la même conception de l’épiscopat basé sur le sacrement dès les origines, tandis que les protestants ont la Parole de Dieu comme point de départ, et donc un autre point de vue pour considérer la hiérarchie de l’Église. Tout cela doit être discuté dans le respect mutuel.

- Comment voyez-vous les rapports des grandes religions en ce moment ? Peut-on imaginer une religion qui dépasserait les frontières des peuples, et grâce à laquelle on croirait au même Dieu?
- Je pense que la notion de Dieu est très différente selon les religions. Prenons le bouddhisme par exemple. Là on ne peut pas parler de Dieu dans le sens d’une personne, comme dans les religions monothéistes. Par contre entre les fisl d’Abraham, il y a la même notion du Dieu Créateur qui nous relie les uns aux autres. Par conséquent, même si d’énormes différences subsistent par ailleurs, on peut faire route ensemble.
Je ne pense pas, en fin de compte, qu’il serait possible de refondre les religions en un tout, mais plutôt, de se laisser enrichir mutuellement, de recevoir des uns des autres. Comme l’a dit récemment le pape, l’essentiel, c’est que le Nom de Dieu demeure le Dieu de la Paix, et que la religion ne soit pas diffusée par la violence mais plutôt par la force de l’Amour.

- Est-ce qu’on peut opposer le progrès technique à la religion ? Celle-ci, serait-elle dépassée par la science ?
- Il s’agit en fait de deux niveaux différents. Du côté de la science, on doit toujours se demander ; ce qui est utile et ce qui est nuisible. Donc la norme éthique doit rester le critère de l’utilisation des résultats obtenus. Sinon, au lieu de construire, on finira par détruire l’œuvre du Créateur.
Quant à la religion, elle se pose la question de la fin ultime de l’homme, de sa dignité, ce qui se situe au-delà de la connaissance expérimentale. Il nous faudrait réapprendre à considérer ces deux niveaux dans leur complémentarité. Une religion sans la raison serait aussi nuisible à l’humanité qu’une science qui écarterait complètement le critère de la religion. C’est ainsi seulement que nous serions capable de répondre aux questions essentielles : “Qui suis-je ? que dois-je faire ?”.

- N’ y a-t-il pas un danger pour l’Église dans le fait que les chercheurs sont en mesure de démystifier Dieu, au nom du progrès ?
- C’est vrai, et pourtant, l’homme continue à sentir le besoin de Dieu, surtout face à la vie et à la mort. Pensons à Pascal pour qui déjà l’homme n’était qu’un roseau, mais un roseau pensant ! Placé au milieu de l’univers, à l’intersection du macrosme et du microcosme, il doit poser des questions sur soi-même, sur sa finalité, sur l’amour et la souffrance, pour reconnaître enfin que son existence vaut plus que tous les calculs de probabilité de l’univers.

- Les recherches dans le domaine de la génétique en vue de la guérison des maladies héréditaires, puis le clonage ? Tout cela n’entraîne-t-il pas la démystification du divin ?
- Mais si, bien sûr, dans une certaine mesure on peut manipuler les êtres humains. Et pourtant, l’homme sait qu’il n’est pas un simple produit de la technique, mais qu’il est le résultat d’une pensée unique de Dieu Créateur, donc un être unique, avec ses souffrances, ses espérances, ses joies, son besoin d’aimer et d’être aimé. C’est pourquoi il nous faut insister sur le caractère unique de chaque personne et sur sa dignité pour ne pas l’exposer à l’abus de la science, de peur qu’elle ne soit pas avilie par cela même qui devrait servir sa promotion. Je pense tout particulièrement à l’eugénisme pratiqué, hélas, durant le 3e Reich de façon si cruelle.

- Comment voyez-vous la situation actuelle de l’Eglise catholique en Allemagne ?
- Je dois m’exprimer ici aussi avec des nuances. Comme l’Allemagne se situe dans l’Europe occidentale, elle subit le même sort avec la diminution de la pratique religieuse et des vocations. On reconnaît en Jésus un grand homme, mais pas plus ; par conséquent Il peut être critiqué, tout comme l’Eglise - qualifiée de “réactionnaire “- ayant un passé lourd avec son Inquisition … Tout cela rend la foi des croyants plus difficile. En plus, la situation de la famille a changé, elle n’est plus considérée comme cellule de base de la société. Elever des enfants devient aussi plus difficile. En Allemagne, il y a un grand potentiel du côté des finances, mais quant à la foi, le potentiel est beaucoup moins élevé.
Et pourtant, il y a dans la jeunesse un désir authentique de croire, avec simplicité et dans la joie. Les ressentiments des années 68 se sont évanouis. On ne veut plus être chrétien en se contre-disant, mais au contraire, on a le désir de puiser dans la Foi la force de créer quelque chose de grand. Comme je l’ai déjà dit il y a 30 ou 40 ans, l’Eglise serait minoritaire, mais elle posséderait une nouvelle vigueur intérieure de façon à devenir sel de la terre et lumière du monde.
L’Eglise ne va pas vers son déclin, elle traverse seulement une crise, pour se renouveler à tous les points de vue, pour se situer autrement dans la société civile, de façon à y apporter une nouvelle vigueur.

- Au bout de ses 20 ans passes à la tête de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, est-ce qu’il y aurait quelque chose que vous auriez fait autrement s’il vous était possible de recommencer ?
- Je pense pouvoir dire que non. Avec l’âge on s’adoucit et le rythme se ralentit, c’est vrai. Mais pour ce qui est des grandes decisions, il me semble qu’elles restent valables d’autant plus qu’elles ont été prises en accord avec les experts, les cardinaux de toute l’Eglise, et bien entendu, le pape. Donc, personnellement, je ne changerais rien s’il fallait tout recommencer.

- Est-ce que cela vous arrive de vous agacer à propos de vous-mêmes ?
- Ah, oui ! Lorsque que je ne retrouve pas les papiers mis de côté et que je perde du temps pour les chercher. Ou encore, lorsque je m’aperçois que je n’arrive pas à tenir un délai fixé pour tel ou tel travail. Hélas, les occasions ne manquent pas pour m’impatienter à cause de moi-même…

- Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre fonction en tant que préfet de la Congrégation ?
- Ce n’est pas simplement un événement que je dois rappeler ici. Le plus beau pour moi, c’est la place St Pierre que je dois traverser ; c’est là que les gens me rencontrent, me reconnaissent en disant ; “J’ai lu votre livre, j’emprunte votre chemin…” Il y a aussi des gens inconnus qui viennent vers moi, manifestent leur profonde sympathie, leur reconnaissance, si bien que je vois que j’ai des frères et des sœurs dans le monde entire. Tout cela m’encourage et rend ma fonction non seulement supportable, mais importante et belle.

- Mais vous n’êtes pas seulement un cardinal allemand, vous êtes aussi bavarois. Au bout de 20 ans, passés loin de la Bavière, que reste-il d’inoubliable ?
- Il n’y a pas d’éloignement par rapport à la Bavière, puisqu’elle reste profondément ancrée en moi. Le caractère bavarois s’est mélangé avec le caractère romain. D’ailleurs, au long de l’histoire Munich et Rome avaient beaucoup échangé à tel point que les Italiens peuvent dire : “Munich, c’est encore de l’Italie !” Et puis, ce qu’on a vécu dans son enfance et sa jeunesse, cela ne s’oublie pas. Nos racines continuent à vivre en nous.

Un filon pour les journalistes La lettre de Jeannine (X)