Sarkozy chez le pape: revue de presse avant
Sans commentaire (il vaut mieux!) mais simplement pour "documenter" l'évènement: La Croix (Frédéric Mounier, Dominique Quinio, Isabelle de Gaulmyn), Slate (Henri Tincq). (8/10/2010)
- Dominique Quinio (La Croix)
- Isabelle de Gaulmyn (La Croix)
- Frédéric Mounier (La Croix)
- Henri Tincq (Slate)
A l'intention particulière de mes lecteurs étrangers, dont j'espère qu'ils me liront pour compléter leure vue très étriquée de l'évènement. (la presse italienne ne parle que des roms!)
La lecture confirme en partie, et à des degrés divers suivant leurs auteurs ce que j'écrivais ici (Sarkozy chez le Pape: le débat est lancé) , sur "le rôle néfaste que les medias (qui ont décidé de se focaliser sur le problème des Roms, alors qu'il y a bien autre chose, et bien plus grave!) vont immanquablement jouer. Ils voudront à tout prix garder le contrôle de l'évènement, et imposer leur propre clé d'interprétation. Et dans ce cas, le Saint-Père n'a pas de moyen de faire de mise au point...".
Objectivement, la légende du Sarkozy manipulateur et calculateur en prend un coup!! Se gagner les catholiques français en allant voir le Pape relève d'une stratégie franchement inadaptée! Les catholiques français n'écoutent jamais le Pape.
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Dominique Quinio (La Croix)
(Source)
Rendez-vous diplomatique
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Il n’est pas sûr que, dans la hiérarchie des sujets brûlants qui occupent le président de la République, les relations avec l’Église catholique se situent tout en haut de la liste. Le débat sur les retraites, le durcissement de la contestation et les rendez-vous économiques ont de quoi préoccuper le chef de l’État et ses services. Il n’empêche, Nicolas Sarkozy a jugé important de solliciter une rencontre avec le pape Benoît XVI. Et les services du Saint-Siège lui ont répondu positivement avec une célérité peu commune.
Est-ce pour renouer des liens distendus à la suite d’une phrase prononcée en français sur le nécessaire accueil des étrangers ? L’intervention du 22 août, coïncidant avec l’expulsion de Roms, avait été interprétée comme une critique de la politique française. Est-ce pour montrer aux catholiques et aux évêques, dont plusieurs se sont exprimés vivement sur ce thème, qu’il n’y a pas divergence entre Rome et Paris ? Officiellement, il ne devrait pourtant pas être question de ce dossier. Mais on imagine mal Benoît XVI, qui ne cesse d’inviter les responsables occidentaux à respecter la dignité des immigrés, retirer quoi que ce soit à son propos sur l’« accueil des légitimes diversités humaines ». Seront au menu – affiché – de la rencontre, la situation des chrétiens au Proche-Orient (la France y est traditionnellement un acteur de poids et peut veiller au respect des minorités chrétiennes) ; la régulation de l’économie mondiale avant la présidence du G20, ainsi que les questions de bioéthique.
Autant de sujets qui, en s’appuyant sur le rôle diplomatique de la France, déborderont largement les frontières nationales… et électorales. Le président de la République espère sans doute regagner des points au sein de l’électorat catholique, qui l’avait majoritairement soutenu lors de l’élection de 2007, mais avait pu être désarçonné par son mode de gouvernement. Mais à Rome, où son approche d’une laïcité « positive » séduit, il s’agit de le prendre au mot et de lui donner à entendre le point de vue de l’Église – dans le respect des responsabilités de chacun, qui ne se confondent certes pas – sur les thèmes que le pape Benoît XVI juge essentiels pour le bien de tous.
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Isabelle de Gaulmyn (La Croix)
(Source)
Chrétiens d’Orient, bioéthique et économie mondiale au menu des discussions
Le sujet de l’immigration, à l’origine de la rencontre entre les deux hommes, ne sera pas au centre des entretiens
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De l’immigration, sujet à l’origine de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le pape, il ne sera pas question. Du moins pas officiellement. Le thème, qui reste au cœur de l’actualité sera sans doute abordé, mais de manière « périphérique ».
Côté Vatican, on estime que le message de l’Église, souvent répété par le pape, est suffisamment clair, et connu ; côté État français, il importe justement de montrer que, contrairement à ce que les déclarations critiques des évêques, cet été, au sujet de la politique envers les Roms, avaient pu laisser croire, il n’y a pas de grand différend entre la France et Rome sur ce dossier.
En revanche, trois autres sujets devraient occuper l’essentiel des entretiens entre Nicolas Sarkozy et Benoît XVI et son secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone.
- En premier lieu, les chrétiens d’Orient, qui seront, durant quinze jours, au centre de l’actualité romaine avec le synode qui s’ouvre ce dimanche. L’État français, traditionnellement garant des congrégations religieuses en vertu d’accords passés avec l’empire ottoman, s’est toujours montré soucieux de connaître la position du Saint-Siège, et d’agir en bonne concertation avec lui. La politique de la France d’accueillir sur le territoire français les chrétiens d’Irak avait ainsi suscité l’inquiétude du Vatican, qui préfère que les puissances occidentales encouragent les chrétiens à rester sur place, en assurant mieux leur sécurité.
Plus au fond, il est intéressant de voir que Benoît XVI reprend aujourd’hui, pour définir la place des chrétiens d’Orient dans leurs pays, l’expression de « laïcité positive » employée pour la première fois par Nicolas Sarkozy lors du discours du Latran en décembre 2007.
Même si l’un et l’autre ne mettent sans doute pas exactement la même réalité derrière ces mots, le pape et le président de la République peuvent se retrouver pour exiger, face à la montée de l’islamisme politique, que soit garantie une entière et pleine citoyenneté à la minorité chrétienne dans cette région.
L’opposition de l’Église aux recherches sur l’embryon
- Second point des discussions, l’économie mondiale, avec la préparation du G20 en 2011 que va présider la France. Benoît XVI devrait rappeler la doctrine sociale de l’Église sur la mondialisation, telle qu’elle est exprimée dans l’encyclique Caritas in veritate : Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs reçu, en juillet 2009, un exemplaire de ce texte, signé par le pape. Lors de sa visite en Grande-Bretagne, il y a trois semaines, le pape avait ainsi affirmé que la logique de la rentabilité économique et financière ne devait pas être la seule pour réguler les échanges entre les pays. Un discours qui rejoint les préoccupations du président de la République de moraliser le capitalisme financier.
- Le dernier sujet au menu des entretiens entre Nicolas Sarkozy et Benoît XVI : la bioéthique. Dans ce domaine, le Saint-Siège s’inquiète de voir progressivement, ces dernières années, s’agrandir la liste des pays d’Europe acceptant des législations contraires aux principes auxquels le magistère catholique est attaché.
Nul doute que le pape rappellera ainsi à Nicolas Sarkozy l’opposition de l’Église aux recherches sur l’embryon, alors que les lois de bioéthique doivent être revues, en principe, d’ici à la fin de l’année.
Frédéric Mounier (La Croix)
(Source)
Nicolas Sarkozy renoue le dialogue avec Benoît XVI
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La visite présidentielle à Rome, vendredi 8 octobre, organisée dans l’urgence après la polémique estivale liée aux propos du pape et à la situation des Roms, devrait permettre au président de la République de manifester ses bonnes relations avec l’Église catholique à son plus haut niveau
Il n’aura fallu que quelques semaines pour mettre sur pied cette troisième rencontre entre Nicolas Sarkozy et Benoît XVI. La rapidité avec laquelle cette visite s’est montée est le signe que la demande élyséenne a été examinée avec bienveillance au Saint-Siège ; plusieurs mois sont habituellement nécessaires à une telle organisation.
En communiquant le mois dernier sur la prochaine visite de Nicolas Sarkozy au pape, l’Élysée avait d’abord laissé entendre que la demande émanait de Rome, afin de lever le « malentendu » estival. « Les interprétations des paroles de Benoît XVI ont suscité un malaise au Vatican », expliquait-on dans l’entourage de Nicolas Sarkozy.
En effet, le 22 août à Castel Gandolfo, lors de l’Angélus, Benoît XVI avait appelé les pèlerins français à « accueillir les légitimes diversités humaines », propos qui avaient été alors lus par la presse italienne puis française comme une critique directe du gouvernement français. Et de fait, un indice pouvait laisser penser que Benoît XVI cherchait à adresser un message particulier à la France : le message du salut en français était différent de ceux exprimés dans les autres langues.
En réalité, c’est l’Élysée qui a fait la demande d’audience. Ce qui est d’ailleurs l’usage. Pour Nicolas Sarkozy, il y avait urgence à lever le malentendu et envoyer des signaux d’apaisement à l’électorat catholique, qui a tendance à s’éloigner depuis 2007 après avoir massivement voté (à 74%, selon l’Ifop) pour le candidat de l’UMP à la dernière élection présidentielle.
À l’aube de la rencontre, l’Élysée s’emploie pourtant à découpler cette visite de la polémique estivale : « Cette visite n’est pas spécialement liée aux problèmes des Roms, avance un haut gradé de l’Élysée. Alors que le processus de paix est relancé au Proche-Orient, le dialogue avec l’Église catholique est très important. »
La future présidence française des G8 et G20 est également mise en avant : « En tant que futur président du G20, Nicolas Sarkozy souhaitait consulter très largement. Dans ce contexte, il était naturel de vouloir renouer le dialogue avec le pape. »
L’entretien en tête-à-tête devrait durer une trentaine de minutes
En toute hypothèse, le chef de l’État compte bien tirer profit de cette rencontre. À l’Élysée, on ne se prive pas de qualifier de « privilégiées » les relations entre les deux hommes. « C’est la troisième fois qu’ils se voient », se félicite-t-on. Et les deux parties cherchent l’apaisement.
La visite se déroulera, en partie, selon le protocole habituel : après un accueil par un piquet de Gardes suisses dans la cour Saint-Damase, au cœur du palais apostolique, précédé de quelques gentilhommes de Sa Sainteté, Nicolas Sarkozy traversera, comme il l’avait fait le 20 décembre 2007, la magnifique salle Clémentine, avant de retrouver le pape dans sa bibliothèque.
L’entretien en tête-à-tête, en français, devrait durer une trentaine de minutes. Nicolas Sarkozy présentera ensuite les membres de sa délégation, soigneusement choisis pour représenter l’éventail de l’opinion catholique française.
Carla Bruni-Sarkozy n’accompagnera pas son mari
Deux hommes politiques, Jean-Claude Gaudin, sénateur UMP des Bouches-du-Rhône et président du groupe sénatorial d’amitié France-Saint-Siège, et Jacques Remiller, député UMP de l’Isère et président du groupe d’études France-Saint-Siège à l’Assemblée nationale.
Un « sage » : Jacques Barrot, membre du Conseil constitutionnel, qui fut, de 2008 à 2010, commissaire européen pour la justice, la liberté et la sécurité. Deux journalistes : Bruno Frappat, ancien directeur de La Croix et président d’honneur de Bayard, et Patrick Buisson. Président de la chaîne Histoire, ce dernier se définit comme « un catholique de tradition », et, également spécialiste des sondages d’opinion, il est un conseiller très écouté de Nicolas Sarkozy pour son approche de l’extrême droite, qu’il connaît bien pour avoir, de 1986 à 1987, dirigé l’hebdomadaire Minute.
Deux écrivains, enfin, Alix de Saint- André, auteur d’un best-seller sur le chemin de Compostelle ( En avant, route ! , chez Gallimard), et Denis Tillinac, auteur notamment, en 2004, de Le Dieu de nos pères, défense du catholicisme (Bayard). Il prépare actuellement un Dictionnaire amoureux du catholicisme. Au grand dam des médias italiens, Carla Bruni-Sarkozy n’accompagnera pas son mari dans cette échappée romaine.
Pour la suite, un protocole particulier a été mis en place, s’inspirant d’une visite d’État. Les visites d’État sont pourtant tombées en désuétude, par souci de simplicité, depuis plusieurs années. Ainsi le président devrait-il se rendre dans la basilique Saint-Pierre, exceptionnellement vidée de ses touristes.
Et là, dans le bras septentrional du transept, devant la chapelle de sainte Pétronille (martyre du premier siècle, que la Tradition reconnaît comme fille de saint Pierre, elle fut première patronne de la France), le président se recueillera brièvement, à l’issue d’une « cérémonie pour la France » présidée par le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Enfin, le président finira son séjour romain à la Villa Bonaparte, siège de l’ambassade de France près le Saint-Siège, pour un déjeuner officiel avec les cardinaux français, une vingtaine de prélats, et surtout en présence du numéro deux du Saint-Siège, le cardinal secrétaire d’État, Tarcisio Bertone. Signe, une nouvelle fois, de la bienveillance que manifeste décidément le Saint-Siège à Nicolas Sarkozy.
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Henri Tincq (Slate)
(Source)
Nicolas Sarkozy: les voix du seigneur sont indispensables
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Le président français va rencontrer Benoît XVI le 8 octobre. Il veut reconquérir un électorat catholique troublé par la politique d’évacuation des camps de Roms. Pour cela, il entend renouer le lien entre Rome et la France qu’il avait voulu créer avec le discours du Latran de 2007. -
Nicolas Sarkozy n’arrive pas à Rome, devant le pape, la tête recouverte de cendres. Plutôt que de demander l’absolution, il a l’intention de s’expliquer et de défendre la politique de la France devant celui qui critiqua l’évacuation des camps de Roms menée tambour battant par son ministre Brice Hortefeux. Le 22 août, Benoît XVI avait en effet pressé la France d’«accueillir les légitimes diversités humaines».
Cette petite phrase, prononcée en français à des pèlerins français, valait condamnation, qui s’ajoutait à celle d’instances de l’ONU et de l’Europe. De plus, elle concordait avec des déclarations inquiètes de plusieurs évêques français sur le sort réservé aux migrants.
Ce désaveu de l’Eglise a pris de court le président français qui pensait avoir suffisamment donné de gages à son électorat catholique et au pape lui-même pour être mis en difficulté de ce côté-ci de l’échiquier. La semonce de Rome est un signal de défiance. L’électorat catholique est troublé. Des voix critiques de députés catholiques se sont fait entendre dans les rangs de la majorité lors du débat à l’Assemblée nationale sur la déchéance de la nationalité. Pour le Président, il devient urgent de ramener à lui un électorat qui lui est traditionnellement acquis, mais a tendance à s’éloigner. Il a obtenu une audience, dans des conditions de rapidité exceptionnelles, auprès du pape.
Le pourcentage de catholiques pratiquants satisfaits du président de la République est passé de 74% en mai 2007 à 56% en 2008 et à 47% en 2010. L’affaire des Roms n’est pas la seule à expliquer cette chute de popularité. Certaines affaires dans laquelle la morale publique était en jeu –le livre à scandale de Frédéric Mitterrand; Jean Sarkozy et l’Epad; le salaire d’Henri Proglio, etc– ainsi que l’offensive sécuritaire de cet été ont joué leur rôle. «Il y a un vrai malaise entre les catholiques et le pouvoir», assure Etienne Pinte, un député UMP qui a voté contre le texte sur la déchéance de la nationalité. L’Elysée a beau dire que l’électorat catholique n’est pas «spécifique», que celui-ci réagit comme l’ensemble des Français. C’est à une remobilisation de tout son électorat de droite que Nicolas Sarkozy s’est attaqué. Sa visite chez le pape fait partie de cette reconquête. Il va tenter de renouer le lien d’affection entre Rome et la France qu’il avait su créer, au prix d’une belle polémique, par son discours du Latran de 2007.
Nicolas Sarkozy a toujours montré que le sujet religieux n’était pas tabou pour lui. Il l’a souvent fait avec excès au risque de braquer contre lui le camp laïc. Déjà comme ministre de l’Intérieur, dans un livre très remarqué intitulé La République, les religions et l’espérance, il avait décliné ses convictions, montré qu’il voulait en finir avec une laïcité frileuse qui ne donne pas toute leur place —sans enfreindre la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat— aux religions dans l’espace public. Pour lui, la religion est un fait de culture et d’identité. Elle fonde toute morale et la laïcité n’est pas antireligieuse. Nicolas Sarkozy a reçu une éducation catholique, fait son catéchisme et sa première communion, mais il n’est pas pratiquant. Il ressemble à tous ces gens qui passent, comme dit la catholique Emmanuelle Mignon, son ex-directrice de cabinet, «par des moments où on y croit et des moments où on n’y croit pas». Il n’en dira jamais plus sur ses sentiments religieux. C’est la part de mystère et d’ombre que cultive cet homme réputé exhibitionniste.
D’où la surprise qu’avait constitué sa première visite au pape le 20 décembre 2007 et plus précisément son discours à la basilique Saint-Jean de Latran à Rome, où il venait de prendre possession –toute symbolique– du siège de «chanoine d’honneur» qui revient de droit au président français. Là, il a choisi plus nettement encore son camp, sans complexe, ni dogme préétabli, sur le terrain miné de la laïcité. A contre-courant des campagnes hostiles à la religion —y compris au christianisme— liées à la montée des intégrismes, il a affirmé que la France avait tout à gagner à une «laïcité positive», à une reconnaissance effective de la place des courants spirituels dans la vie publique, à leur concours dans la définition d’une morale collective pour le pays. «Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes, a martelé le Président. J’assume pleinement le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise.»
Jamais ses prédécesseurs, quel que fut le sentiment religieux de chacun, n’avaient osé aller aussi loin. Au contraire, Jacques Chirac et son Premier ministre Lionel Jospin, Valéry Giscard d’Estaing, ex-président de la Convention européenne, avaient invoqué la laïcité «à la française» pour rejeter la mention explicite des «racines chrétiennes» dans le préambule du Traité constitutionnel de l’Europe. La volonté de se démarquer d’eux était évidente chez Nicolas Sarkozy. Ce dernier allait profondément choquer le camp laïc en décrivant une laïcité «épuisée», voire guettée par le «fanatisme», en affirmant que l’intérêt de la République est de compter des populations qui «croient» et qui «espèrent» et qu’il n’est pas de bonne politique sans référence à une «transcendance». Il a même eu une formule dont l’Elysée admettra qu’elle était provocatrice: à l’école, dans «la transmission des valeurs et l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur». Bref, au lieu d’enterrer la guerre des deux France (cléricale et révolutionnaire) et de réconcilier pour de bon la République laïque et l’Eglise catholique, Nicolas Sarkozy au Latran n’avait fait que rallumer de vieux démons.
La deuxième rencontre entre le président français et Benoît XVI a eu lieu le 12 septembre 2008 à l’Elysée lors du voyage du pape en France. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy a gommé les aspérités de son discours du Latran, mais n’a cédé en rien sur le fond: ce serait une «folie», une «faute contre la culture et la pensée», a-t-il dit, de se priver du «patrimoine vivant» des religions. «La quête de spiritualité» n’est pas «un danger pour la démocratie», ajouta-t-il, en renouvelant son appel à une «laïcité positive et ouverte», qu'il a défini comme «une invitation au dialogue et à la tolérance». Il a repris le vocabulaire même du pape en dénonçant le «relativisme qui exerce une séduction croissante», l'«égoïsme» qui menace les relations entre les nations. Et fixé des chantiers comme celui de la bioéthique où cette laïcité positive pourrait se déployer.
De son côté, le pape s'est gardé d'entrer dans la polémique franco-française. Il a dit que les esprits avaient bougé et qu’il croyait désormais à des formes de laïcité qui ne se réduisent pas à la marginalisation de la foi. Il avait même ouvert la voie à une «réflexion nouvelle» sur la place des religions dans l'espace public, exigée par le pluralisme confessionnel et le soupçon, dérivé de l'islam radical, pesant sur toutes les religions. Cette laïcité renouvelée maintient une distinction ferme entre politique et religion, mais passe par un «dialogue serein» entre Etat et Eglise, par un «consensus éthique fondamental», pour affronter la pauvreté, le mal-être des jeunes, les questions de la vie et de la mort, la dégradation de l'environnement, etc.
Le pape et Nicolas Sarkozy vont reprendre à Rome ce dialogue brièvement esquissé à Paris. Le premier interpellera son visiteur sur le thème de l’immigration et le respect dû aux étrangers, qui est l’un des piliers de la doctrine de l’Eglise. La tâche de Nicolas Sarkozy consistera à convaincre Benoît XVI des vertus de sa lutte contre l’immigration illégale et à se défendre des interprétations qui font de l’évacuation des camps de Roms une manière de chasser sur les terres de l’extrême droite. Il lui faudra démontrer —et ce ne sera pas partie facile— qu’une politique sécuritaire n’est pas contradictoire avec les valeurs d’humanité et d’humanisme que les croyants en particulier, à qui il se dit si profondément attaché, tirent de leur foi en Dieu.
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