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Les mineurs du Chili

Carlota a traduit l'homélie de l'évêque auxiliaire de Santiago, prononcée lors d'une messe célébrée juste avant l'heureux achèvement du sauvetage (15/10/2010).

Le sauvetage des mineurs chiliens a été imprégné d'une forte religiosité, que nos medias n'ont évidemment pas pu percevoir. La "foi des simples" du peuple chilien, de son côté, après avoir répandu "une bonne nouvelle qu'on a envie de partager" (ce qui en évoque naturellement une autre, en un langage que le Pape ne cesse de rappeler), a cru voir (a vu) un miracle. Deux mondes...

Carlota

Le 12 octobre en soirée, dans la capitale chilienne, une messe présidée par l’archevêque de Santiago le cardinal Francisco Javier Errázuriz a été le début d’une veillée de prière ininterrompue jusqu’à la fin de la sortie du dernier des 33 mineurs (32 Chiliens et un Bolivien).

Voici l’homélie qui a été prononcée à cette occasion par Monseigneur Christián Contreras Villaroel, évêque auxiliaire et vicaire général. Le ton peut surprendre nos concitoyens à qui certaines « élites » civiles mais pas seulement ont fait croire à un amour universel et sans frontières complètement "dé-matérialisé", et à une manne républicaine tombant du porte-monnaie d’un état démiurge , ne relevant la tête que pour mendier du pain (pardon, une retraite...).
Mais le Chili de trois fois moins d’habitants pour une fois et demie la superficie de la France, n’a pas tout à fait la même vision de la vie et c’est ce qui fait sa force, dans l’adversité. Au-delà du ton de circonstance, il y a peut-être des leçons à en tirer.

Homélie de Mgr Cristián Contreras Villarroel, Evêque auxiliaire de Santiago, lors de la messe pour les mineurs (original sur le site de l’archidiocèse de Santiago du Chili )



Le dimanche 22 août dernier, l’ensemble du Chili a été le témoin d’un fait inédit, historique et merveilleux à la fois. Après 17 jours retenus dans une mine à près de 700 mètres sous terre, 33 hommes donnèrent des signes sans équivoque de vie et rompirent l’angoisse du silence et la peur. Beaucoup donnaient déjà ces mineurs pour morts et certains même discutaient pour savoir si cela valait la peine ou non de continuer à les chercher. Nous savons que sous d’autres latitudes, face à des situations dramatiques similaires, on a mis simplement une pierre avec une inscription. Au Chili, il n’en a pas été ainsi. Ce fut par l’intermédiaire d’un modeste bout de papier que nos mineurs ont envoyé un message qui est devenu une bonne nouvelle. Nous avons été des milliers de personnes à lire sur les écrans de télévision ce message qui disait: « Nous somme bien dans le refuge, les 33 ». L’information se répandit à une vitesse vertigineuse dans tout le pays. Elle se propagea même plus rapidement que les malheurs et les scandales qui ont l’habitude d’accaparer les couvertures des journaux. Les images traversèrent en quelques instants les frontières du pays et accaparèrent l’attention du monde entier.

Les 33 étaient vivants et l’angoisse de plus de deux semaines laissa la place à une allégresse collective. Non seulement ils étaient vivants mais lors d’un premier contact, ils demandèrent ce qu’il en était du sort d’autres mineurs qui étaient dans la mine au moment de l’effondrement : une leçon de solidarité et d’authentique esprit chilien (ndt « Chilenidad »).

Mais ce ne fut pas qu’à travers les médias de masse que la joyeuse nouvelle se répandit en l’espace de quelques secondes. Des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, des familles entières sortirent pour célébrer l’évènement dans les rues, elles se retrouvèrent sur les places publiques, et depuis les hauteurs des édifices, on entendit des personnes clamer : « Ils sont vivants, ils sont vivants ! C’est un miracle, grâce à Dieu! ».

Et c’est qu’on ne pouvait garder pour soi une nouvelle aussi bonne que celle-là. Tous voulaient la proclamer, tous voulaient la commenter, tous se réjouissaient et tous ont été émus de cette annonce de la vie qui avait triomphé des pires pronostics de mort et de tragédie.

Cette impossibilité de contenir l’allégresse, une allégresse qu’on a hâte de faire partager aux autres, est un exemple de ce que les Évêques latino-américains ont identifié comme un débordement de gratitude et de joie (Document d’Aparecida, 14). À la conférence d’Aparecida (1) il a été fait référence à ce débordement comme à cette attitude naturelle et fondamentale à partir de laquelle nous chrétiens sommes appelés à communiquer partout le don de notre rencontre avec Jésus Christ. Nous qui avons rencontré le Seigneur avons la certitude que sa Bonne Nouvelle, son Évangile, est le meilleur message que nous pouvons apporter au monde, c’est la grande lumière pour ceux qui vivent dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. C’est une nouvelle qui donne la plénitude et un sens supérieur à toute autre information positive qui ait une influence dans la société. Cela paraîtrait facile: le bien est diffus de lui-même. Pour la même chose, la tragédie des mineurs retenus dans la mine d’Atacama, - dont nous attendons l’heureux dénouement dans encore quelques courts moments, et c’est pour cela que nous sommes ensemble en prière à Notre-Dame du Carmel - nous presse à rechercher de nouvelles façons et surtout une nouvelle disponibilité pour communiquer l’Évangile et témoigner de ce qu’il donne de sens à nos vies ; à diffuser cette connaissance et l’amour du Christ qui peut transformer nos vies et celles de nos frères.

Le cas des mineurs retenus sous terre et l’explosive communication sur leur découverte nous offrent un cadre privilégié pour regarder dans un fait historique la répercussion de la transmission d’une bonne nouvelle. C’est la vocation du christianisme et de notre Église.

Cela, nous pouvons l’enrichir avec la révélation d’amour et de proximité de notre Dieu, Père, Fils et Saint Esprit. Et non seulement de sa relation intime mais aussi de sa manifestation envers l’humanité au moyen du plan salvateur pensé et chéri par Dieu depuis toute l’éternité.

Ainsi, l’évènement historique entre dans un dialogue fécond avec la révélation de Dieu. Cela permet que se dévoile peu à peu le mystérieux moyen de communication que Dieu a imprimé dans l’humanité à son image.

À partir de cela nous comprenons mieux le commandement de Jésus Christ à ses Apôtres, « Allez par le monde entier et proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Marc, 16,15). Il ne s’agit pas de la nécessité impérieuse d’un Dieu qui sans la créature humaine ne pourrait communiquer. Au contraire, c’est une invitation à ce que le croyant en ait la plénitude à travers l’annonce de l’Évangile, cette mission étant une part essentielle de sa réalisation chrétienne, et par conséquent, humaine.

À partir du texte évangélique de Saint Jean 3,1-8, qui éclaire le Chili en Vigile, je veux partager avec vous ce qui suit :

- Nous avons tous l’expérience, depuis le baptême et par l’intermédiaire du sacrement de réconciliation, de ce que signifie naître de nouveau, de l’eau et de l’Esprit ; du haut, du « profond » dans le cas des mineurs. Qu’il est beau d’avoir la possibilité de naître de nouveau, l’opportunité d’une vie nouvelle, en redimensionnant tout, en mettant Dieu en premier et en valorisant la vie comme un cadeau.

- Nous avons été témoins que réapparaît avec force la réalité de Dieu, de l’amour de la famille et de la Patrie dans le douloureux et en même temps joyeux Chili du Bicentenaire. Le Chili du féroce tremblement de terre et raz de marée, le Chili des mineurs, des Mapuches (*) et des travailleurs. Le Chili de la douleur et de l’injustice ; mais aussi de la solidarité et qui veut toujours renaître.

- Nous devons louer Dieu pour le génie humain et pour nos institutions. Comme jamais la comparaison par Saint Paul, de l’Église comme un corps dont tous les membres sont importants, contient une forte importance et une évidence, en ce moment historique : des autorités civiles, avec à leur tête le Président de la République et des ministres d’État, des évêques de notre Église, des sauveteurs, des médecins, des infirmières, des gendarmes, du personnel des forces armées, des hommes et des femmes de différentes professions et métiers, des familles…tous et beaucoup plus ont contribué à ce sauvetage depuis les profondeurs de la terre.

- Le Chili du Bicentenaire (3) nous situe dans notre authentique identité : celle qu croit en Dieu, en son fils Jésus Christ et en la Vierge Marie. C’est notre propriété et notre transcendance.

- La vie des 33 mineurs doit être une louange à la vie comme don de Dieu et un engagement avec elle.

- Tous nous voulons renaître, comme nous l’espérons cette nuit de ces « vieux », les mineurs, nous sommes des êtres qui avons besoin de la rédemption. Comme on l’a rappelé ces jours-ci: « Il n’y a pas de saint sans passé, ni de pécheur sans futur ».

Je termine avec les phrases du prophète Isaïe, qui comme il a dû annoncer des malheurs à son peuple, s’est aussi réjoui du bonheur d’annoncer la fin de l’exil d’Israël:

Monte sur une haute montagne, Toi qui apporte la bonne nouvelle à Sion
Élève avec force ta voix,
Toi qui apportes la bonne nouvelle à Jérusalem,
Lève-toi sans peur
Et dis aux villes de Juda :
Ici est ton Dieu,
Ici est le Seigneur qui vient avec son pouvoir
Et son bras lui assure la domination ;
Avec lui vient son salaire,
Et devant lui la récompense » - Isaïe, 40, 9-10 (4)

NDT

(1) Aparecida : ville du Brésil où a eu lieu la conférence des évêques latino-américains

(2) Ethnie installée dans le sud du Chili et S.O. de l’Argentine vers l’an 500 de notre ère. Les Mapuches désignés autrefois sous le nom d’Araucans furent relativement laissés «tranquilles» à l’époque espagnole, grâce à leur résistance guerrière soutenue et le fait que la priorité des Espagnols, compte tenu de leurs faibles effectifs et l’immensité des territoires, n’était pas de maintenir des garnisons dans le sud du pays et sur des terres jugées plutôt inhospitalières. L’installation postérieure de colons toujours plus nombreux a changé la donne (exploitation des terres agricoles et d’élevage et sans doute aussi de plus en plus des richesses minières…). Actuellement mais aussi et notamment sous la présidence de Mme Michelle Bachelet, des revendications, pour la re-possession de la terre de leurs ancêtres, a entraîné de la part des Mapuches, des affrontements violents avec parfois mort d’hommes, grèves de la faim, etc. L’Église tente au mieux de servir d’intermédiaire entre les autorités gouvernementales et les représentants des indiens Mapuches.

(3) Ces deux cent ans correspondent au début du processus d’indépendance initié dans neuf futurs pays sud-américains par les colons créoles blancs aisés (cf Bolivar), acquis aux idées de la révolution française et particulièrement anticléricaux avec des influences maçonniques avérées, alors que l’Espagne luttait sur son territoire métropolitain contre les armées napoléoniennes depuis 1808. La reconnaissance par le royaume d’Espagne de l’indépendance de ses différentes colonies eut lieu graduellement et plus tard. La remarque de l’évêque a son importance quand l’on connaît le programme qu’a eu Mme Bachelet notamment pour promouvoir l’avortement et le poste qu’elle occupe désormais à l’ONU.

(4) Traduction littérale depuis l’espagnol. Je n’ai pas repris la traduction officielle française.

Les catholiques face à Sarkozy Les oeuvres du théologien Ratzinger (1)