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L'oecuménisme sous le signe de la tradition

Une formule saisissante du Père Scalese pour définir la conception du dialogue oecuménique par Benoît XVI. A "tradition", on pourrait ajouter "vérité". Un long article publié dans le n°3 de l'Eco dei Barnabiti (23/10/2010)

Le Père Scalese collabore à l'Echo des Barnabites, la revue de l'ordre des Clercs réguliers de Saint-Paul, et les articles qu'il y a publiés ont été reproduits sur son blog.
J'ai déjà traduit les deux premiers articles: le premier consacré à l'Herméneutique de la réforme (http://tinyurl.com/32gsa7n) , et le second au thème de la Réforme de la réforme, sous le pontificat de Benoît XVI (http://tinyurl.com/32o5xwn ).

Voici le dernier volet en date.
Le Père Scalese dresse un bilan de l'oecuménisme selon Benoît XVI après cinq ans de pontificat. Si le dialogue avec les protestants est difficile, "pour d'évidentes raisons doctrinaires et historiques", celui avec les orthodoxes, les anglicans, et même les... lefebvristes, a marqué de réelles avancées.
Ceci s'explique par la conception originale qu'a le Pape du dialogue oecuménique:
"le dialogue œcuménique doit être menée dans la vérité, sans rien cacher de ce qui nous caractérise (et souvent nous divise.) Si on doit vraiment chercher un terrain commun sur lequel conduire le dialogue, il ne peut s'agir du relativisme en vogue aujourd'hui, mais du retour aux sources de la révélation et de la vie chrétienne: l'Écriture (tout le monde est d'accord sur ce point) et - ici est la nouveauté, à laquelle personne n'avait pensé auparavant - la tradition (jusqu'à présent considérée comme un obstacle, et donc comme l'un de ces éléments à mettre entre parenthèses dans le dialogue œcuménique.) Il ne peut exister d'Eglise qui se coupe de ses racines, qui rompt le lien avec son passé."
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Voici donc ma traduction de l'article publié par le Père Scalese dans le numéro 3 de l'Eco dei Barnabiti 2010 (Juillet-Septembre 2010), à la rubrique "Observatoire de l'Eglise".
Texte en italien: http://tinyurl.com/39byklo

 


L'un des stéréotypes les plus récurrents sur le Pape actuel (du reste très répandu quand il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi), c'est qu'il est un conservateur réactionnaire, fossoyeur du Concile et ennemi de tout renouvellement de l'Église. Il est évident que, pour ceux qui voient le pape Ratzinger dans cette optique, il ne peut apparaître que comme un farouche adversaire de l'œcuménisme, qui fut une préoccupation majeure de Vatican II.

En réalité, si on lit le premier discours après l'élection de Benoît XVI (le discours prononcé après la messe concélébrée avec les cardinaux électeurs dans la Chapelle Sixtine, le 20 avril 2005),on y trouve écrit:

Alors que je me prépare moi aussi au service qui est propre au Successeur de Pierre, je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l'engagement de mise en oeuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes Prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l'Eglise. C'est précisément cette année le 40 anniversaire de la conclusion de l'Assemblée conciliaire (8 décembre 1965). Au fil des ans, les Documents conciliaires n'ont pas perdu leur actualité; leurs enseignements se révèlent même particulièrement pertinents au regard des nouvelles exigences de l'Eglise et de la société actuelle mondialisée.
(source: http://tinyurl.com/36qjxq9 )

Ceci afin de clarifier la position du nouveau pontife envers le Concile auquel il avait participé en tant qu'expert et auquel il avait apporté une contribution significative. Donc, aucun retour en arrière, encore moins de renoncement à Vatican II. Au plus, une très opportune clarification (qui a été démontrée plus tard dans son discours à la Curie romaine du 22 Décembre 2005) sur la façon de mettre en œuvre le Concile: "dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l'Eglise". Une indication précieuse, nous y reviendrons. A propos de l'œcuménisme, à cette même occasion, le Pape a dit:

C'est donc pleinement conscient, au début de son ministère dans l'Eglise de Rome que Pierre a baigné de son sang, que son Successeur actuel prend comme premier engagement de travailler sans épargner ses forces à la reconstruction de l'unité pleine et visible de tous les fidèles du Christ. Telle est son ambition, tel son devoir pressant. Il est conscient que dans ce but, les manifestations de bons sentiments ne suffisent pas. Des gestes concrets sont nécessaires, qui pénètrent les âmes et remuent les consciences, appelant chacun à cette conversion intérieure qui est le présupposé de tout progrès sur la voie de l'oecuménisme.

Le dialogue théologique est nécessaire, l'approfondissement des motivations historiques des choix qui ont eu lieu par le passé est également indispensable. Mais ce qui est plus urgent encore, est la "purification de la mémoire", tant de fois évoquée par Jean-Paul II, qui seule peut disposer les âmes à accueillir la pleine vérité du Christ. C'est devant Lui, Juge suprême de tout être vivant, que chacun de nous doit se placer, conscient de devoir un jour Lui rendre compte de ce qu'il a accompli ou non à l'égard du grand bien de l'unité pleine et visible de tous ses disciples.

Le Successeur actuel de Pierre se laisse interpeller personnellement par cette question et il est disposé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour promouvoir la cause fondamentale de l'oecuménisme. Dans le sillage de ses Prédécesseurs, Il est pleinement déterminé à cultiver toute initiative qui apparaîtra opportune pour promouvoir les contacts et l'entente avec les représentants des diverses Eglises et Communautés ecclésiales. En cette occasion, il leur adresse même son plus cordial salut dans le Christ, unique Seigneur de tous.
(source: ibid)

Il s'agit, comme c'est normal dans ces circonstances, d'une "déclaration d'intention", d'un engagement programmatique pris au moment où l'on commence un mandat.
A présent que cinq années se sont écoulées, nous pouvons nous demander: qu'en a-t-il été de cet engagement? Benoît XVI a-t-il été fidèle à son propos œcuménique? Et, le cas échéant, par l'adoption de quels moyens et de quel style?

Si on regarde les cinq dernières années, on se rend compte que l'engagement oecuménique du pape Benoît XVI a eu lieu principalement dans trois directions: vers l'orthodoxie, vers les anglicans, et vers les lefebvristes. On remarquera qu'il manque à cette liste les Communautés de la Réforme: cela peut sembler étrange qu'un homme issu d'un pays dans lequel la majorité relative de la population est de foi évangélique, ne se soit pas distingué dans le dialogue avec les luthériens. Il faut dire que les relations avec les protestants ont toujours été bonnes (pensons à la visite à l'église évangélique luthérienne de Rome, le 14 Mars dernier); mais il faut aussi reconnaître sereinement que l'oecuménisme avec les enfants de la Réforme est le plus difficile, pour des raisons évidentes d'histoire et de doctrine.

1. Orthodoxes


Le dialogue avec l'Eglise orthodoxe a au contraire connu ces derniers temps, une accélération, qui aurait été tout simplement impensable il y a quelques années. Il faut dire que les relations avec le Patriarcat œcuménique de Constantinople (important d'un point de vue historique et de prestige, mais numériquement tout à fait inconsistant) ont toujours été cordiales (à partir de l'accolade historique du 5 Janvier 1964, entre le Pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, entraînant la suppression des excommunications mutuelles du 7 Décembre 1965). Ce qui au contraire posait problème était essentiellement les relations avec l'Eglise orthodoxe russe (numériquement la plus importante parmi les Eglises Orthodoxes). Pendant le pontificat de Jean Paul II, qui pourtant avait fait beaucoup pour l'œcuménisme, les relations avec les Russes orthodoxes avaient été extrêmement tendues, un peu, peut-être, pour des raisons ethniques (la rivalité historique entre les russes et les polonais); un peu pour l'arrivée de missionnaires catholiques en Russie après l'effondrement du communisme (arrivée vue par les orthodoxes comme une sorte d '"invasion" et de "conquête", et qui provoqua des accusations récurrentes de "prosélytisme"); un peu, aussi - il faut le reconnaître - pour certains choix peut-être mal évalués (par exemple la création en 2002 de quatre diocèses catholiques sur le territoire canonique de cette Église ou, en 2003, l'institution (...) du Patriarcat greco-catholique de Kiev). Il serait injuste, toutefois, d'ignorer un geste apparemment insignifiant, mais lourd de conséquences positives pour l'avenir, qui a eu lieu quelques mois avant la mort du pape Wojtyla: le retour, en 2004, de l'icône de Notre-Dame de Kazan à l'Eglise orthodoxe russe.

Avec l'élection du pape Ratzinger, tout a soudainement changé. Dans ce cas également, le facteur ethnique a un peu joué; un peu aussi l'estime dont le théologien Ratzinger a toujours joui dans le monde orthodoxe; le fait est que nous avons assisté à un dégel inattendu et immédiat. A cela, il faut ajouter en 2008, la disparition du vieux patriarche Alexis et l'élection du métropolite Cyril, qui avait été pendant plusieurs années, "ministre des Affaires étrangères" du patriarcat de Moscou et avait donc eu l'occasion de connaître à fond l'Eglise catholique et en particulier, d'apprécier les positions théologiques du cardinal Ratzinger. Cyril, quand il était métropolite, avait eu l'occasion de rencontrer deux fois le pape Ratzinger. Evidemment, après l'élévation de Cyril au patriarcat, il n'y a pas eu de nouvelle rencontre, mais aujourd'hui, une rencontre entre le pape et le patriarche de Moscou ne semble plus une chose impossibile.

Dans l'intervalle, il y a eu d'innombrables signes de détente. Benoît XVI a commencé en 2007, en remplaçant l'archevêque de Moscou, Mgr Tadeusz Kondrusiewicz (d'origine polonaise) par l'Italien Paolo Pezzi.

Il s'est aussi créé une parfaite harmonie entre l'Église catholique et les Eglises orthodoxes en ce qui concerne l'attitude à l'égard du monde sécularisé d'aujourd'hui. Sur le plan des principes moraux, il existe une identité totale de vues entre les deux Eglises. Quelqu'un a même parlé de "sainte alliance" entre catholiques et orthodoxes en vue de la "nouvelle évangélisation".

Il ne faut pas non plus négliger tous les petits gestes d'attention mutuelle et de relations de bon voisinage qui ont eu lieu ces derniers mois, qui démontrent combien le climat entre les deux Églises a profondément changé. En Décembre dernier, le Patriarcat de Moscou a publié une anthologie de textes de Benoît XVI sur l'Europe. Le Saint-Siège a retourné la politesse en publiant à son tour une collection de contributions du patriarche Cyril sur la dignité et les droits de l'homme. En mai de cette année ont eu lieu à Rome, les "Journées de la culture et de la spiritualité russes", au cours desquelles, entre autre, le Patriarcat de Moscou a offert un concert au Pape Benoît XVI, auquel a assisté le successeur de Cyril dans la charge de directeur des relations extérieures du Patriarcat, le métropolite Hilarion.

Il ne faut enfin pas oublier les colloques de la Commission mixte pour le dialogue entre les Eglises catholique et orthodoxe, qui ces dernières années se sont focalisés sur un sujet d'extrême importance pour les relations entre les deux Eglises: "conciliarité et autorité" (dans le contexte duquel doit être traité la délicate question sensible de la primauté de Rome). Les lieux des rencontres ont été successivemnt Belgrade, Ravenne, la Crète, Chypre et Antélias (Liban). D'une importance particulière est le document signé à Ravenne en 2007, où il est admis ouvertement que "l'évêque de Rome est le protos parmi les patriarches"(les différends subsistent sur les prérogatives de l'évêque de Rome en tant que protos).

2. Anglicans


Ce n'est un secret que l'Église anglicane a été ébranlée ces dernières années par de nombreuses controverses qui ont mis son unité en péril. En particulier, les polémiques se sont focalisées sur trois questions: l'admission des femmes d'abord à la prêtrise et ensuite à l'épiscopat; l'élection de plusieurs évêques ouvertement homosexuels; la bénédiction de couples de même sexe. Déjà au cours des années précédentes, aux premiers signes de ces phénomènes, il y avait eu des personnes, principalement des membres du clergé, qui, contrairement aux décisions de leur communauté, avaient demandé à être admises dans l'Eglise catholique. Mais c'étaient là des cas individuels, qui avaient été traitées par une règlementation spécifiquement conçue en 1982. Pendant ce temps, des communautés entières s'étaient progressivement séparées de la Communion anglicane, créant des structures parallèles (comme, par exemple, la Communion anglicane traditionnelle). Certaines de ces communautés s'étaient durant ces dernières années adressées au Saint-Siège pour sonder la possibilité d'une éventuelle adhésion "corporative" à l'Eglise catholique, en préservant les traditions - spirituelles, liturgiques et disciplinaires - propres à l'Église anglicane. Certains évêques anglicans avaient déjà souscrit au Catéchisme de l'Église catholique. Le temps était venu de trouver les formes canoniques pour rendre cette adhésion possible.

C'est la question à laquelle Benoît XVI a répondu avec la Constitution apostolique Anglicanorum coetibus du 4 novembre 2009, qui a institué des ordinariats personnels pour les anglicans entrant dans la pleine communion avec l'Église catholique.

Certains ont voulu voir dans la Constitution apostolique une halte dans le chemin œcuménique. Il y en a qui en sont même venus à parler de "piratage" dans les eaux anglicanes, regrettant les "documents véritablement œcuménique" de l'ARCIC (la Commission internationale anglicano-catholique), qui étaient bien beaux sur le papier, mais qui n'avaient pas rapproché d'un centimètre les positions des anglicans et des catholiques; ils avaient même permis aux anglicans (démontrant une totale insensibilité œcuménique) d'incorporer dans leurs Eglises des nouveautés absolument inacceptables pour les catholiques et les orthodoxes).

Une sensibilité oecuménique qui à l'inverse se manifeste dans la décision d'établir des ordinariats personnels. S'il l'avait voulu, Benoît XVI aurait pu mettre en place une sorte d'Eglise "uniate" anglicane, semblable aux Églises orientales catholiques; il ne l'a pas fait justement par respect pour la Communion anglicane, se limitant à créer une structure juridique souple qui permette aux anglicans de rejoindre le Eglise catholique tout en préservant leurs traditions.

3. Lefebvristes


Certains diront: Qu'est-ce que les lefebvristes ont à voir avec l'œcuménisme? Habituellement, lorsque nous pensons à l'œcuménisme, nous pensons au dialogue avec les Eglises et Communautés ecclésiales qui se sont séparées de Rome dans les siècles passés: fondamentalement, orthodoxes et protestants. Mais il ne vient à l'esprit de personne qu'il peut y avoir des groupes qui ne sont sortis que récemment de la communion avec l'Église catholique, peut-être au nom de la tradition catholique qui, disent-ils, aurait été trahie par Rome.

C'est justement dans cette perspective œcuménique que Benoît XVI a abordé la question sensible de la réconciliation avec le mouvement fondé par Mgr Marcel Lefebvre. Il le dit lui-même explicitement dans sa lettre aux évêques sur la levée de l'excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre (10 Mars 2009):

"Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible: c’est la priorité suprême et fondamentale de l’Église et du Successeur de Pierre aujourd’hui. D’où découle, comme conséquence logique, que nous devons avoir à cœur l’unité des croyants. En effet, leur discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu’ils disent de Dieu. C’est pourquoi l’effort en vue du témoignage commun de foi des chrétiens – par l’œcuménisme – est inclus dans la priorité suprême. À cela s’ajoute la nécessité que tous ceux qui croient en Dieu recherchent ensemble la paix, tentent de se rapprocher les uns des autres, pour aller ensemble, même si leurs images de Dieu sont diverses, vers la source de la Lumière – c’est là le dialogue interreligieux. Qui annonce Dieu comme Amour "jusqu’au bout" doit donner le témoignage de l’amour ...
Si donc l’engagement ardu pour la foi, pour l’espérance et pour l’amour dans le monde constitue en ce moment (et, dans des formes diverses, toujours) la vraie priorité pour l’Église, alors les réconciliations petites et grandes en font aussi partie." (Source: http://tinyurl.com/2wefsyt )

Peut-être que cela n'aura pas fait très plaisir aux lefebvristes, de se sentir l'objet de cet œcuménisme tant critiqué par eux comme l'une des "nouveautés" de Vatican II; mais pour un homme profondément conciliaire comme Benoît XVI, ce ne peut être que l'unique attitude à tenir envers eux.
Sans doute dans cette attention, jugée excessive par certains, envers le mouvement Lefebvriste, il y a aussi un facteur personnel qui joue: que le «schisme» ait été consommé sous ses yeux, alors qu'il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. C'est lui qui eut à gérer au nom de Jean-Paul II, les négociations avec Mgr Lefebvre, mais, comme nous le savons, les choses sont tombées à l'eau. Je pense qu'il considére comme un point d'honneur d'être en mesure de réparer le schisme avant de mourir. Pour atteindre cet objectif, il est prêt à faire toutes les concessions imaginables, depuis la levée de l'excommunication des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre, jusqu'à la libéralisation de la messe tridentine, et à l'ouverture des négociations officielles entre les deux parties. De telles mesures ont suscité contre le Pape des critiques et des malentendus, mais c'est évidemment un prix à payer, que Benoît XVI avait déjà prévu et accepte sereinement. Il s'agit maintenant de voir si de l'autre côté, il y a autant de disponibilité et d'ouverture.

Conclusion


Quelles considérations pouvons-nous faire après avoir "observé" (ndt: il s'agit de la rubrique "Observatoire"!!) ce qui s'est passé durant ces cinq années de pontificat dans le domaine œcuménique? L'impression de certains, que l'œcuménisme a marqué un recul, est-elle fondée? que les attentes et les espoirs suscités par le Concile ont été trahis?

On ne peut certainement pas dire que tout continue comme avant, que rien n'a changé. Il faut reconnaître qu'il y a eu un "tournant"; non pas parce que Benoît XVI n'est pas un pape oecuménique, mais parce qu'il a compris qu'un certain œcuménisme pratiqué ces dernières années ne menait nulle part. Au-delà des sourires, des poignées de main, des prières communes, des colloques souvent peu concluants, on n'avançait pas. Et même, on a l'impression que cet œcuménisme de façade recouvre une réalité très différente: un éloignement progressif entre les différentes confessions. Il suffit de regarder ce qui s'est passé en ces années d' "œcuménisme", au sein de la Communion anglicane.

Ce n'est pas un hasard si cela s'est produit. C'est la conséquence inévitable des présupposés erronés dont partait cet œcuménisme: on pensait que, pour surmonter les divisions, il fallait chercher un plus petit dénominateur commun sur lequel tout le monde pourrait s'entendre; qu'il fallait faire taire les diversités qui nous séparent; que, pour parvenir à un accord, on devait adopter un certain "relativisme" ... Et au contraire, on a réalisé qu'en empruntant cette route, on s'éloignait encore plus.

Voici donc l'intuition du Pape Benoît XVI: le dialogue œcuménique doit être menée dans la vérité, sans rien cacher de ce qui nous caractérise (et souvent nous divise.) Si on doit vraiment chercher un terrain commun sur lequel conduire le dialogue, il ne peut s'agir du relativisme en vogue aujourd'hui, mais du retour aux sources de la révélation et de la vie chrétienne: l'Écriture (tout le monde est d'accord sur ce point) et - ici est la nouveauté, à laquelle personne n'avait pensé auparavant - la tradition (jusqu'à présent considérée comme un obstacle, et donc comme l'un de ces éléments à mettre entre parenthèses dans le dialogue œcuménique.) Il ne peut exister d'Eglise qui se coupe de ses racines, qui rompt le lien avec son passé. Et, apparemment, en avançant sur ce terrain, l'œcuménisme, loin de s'arrêter, commence à porter ses fruits: ils sont beaucoup plus nombreux qu'on ne pense, les chrétiens prêts à se confronter, non seulement sur les Écritures, mais aussi sur le terrain de la tradition. Ce n'est qu'en récupérant leurs racines communes que les chrétiens réaliseront qu'ils sont les branches d'une même plante, qu'ils appartiennent à la même famille; ils découvriront que non seulement ils sont les enfants du même Père, mais aussi de la même mère.

(Querculanus, "Senza peli sulla lingua", 22 octobre 2010)

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