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En el corazón del mundo

"Au coeur du monde": Carlota a traduit le commentaire très attendu de José Luis Restàn après la visite du Saint-Père en Espagne. Magnifique et apaisant. (10/11/2010)

Carlota m'écrit:
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Depuis deux jours , dans la presse espagnole, mon attention a été attirée par les gros titres «malicieux » de quelques articles (comme les qualifie José Luis Restán, par euphémisme gentil!), par la focalisation des journalistes sur ceux qui n’attendaient pas le Pape, comme les quelques centaines de personnes qui le 5 novembre se réunissaient dans la Basilique barcelonaise Notre Dame de Pi, prêtée par l’évêché (!), pour réfléchir sur le thème « Quel modèle de papauté a besoin l’Église du nouveau millénaire ? » (Je vous laisse découvrir les participants avec l’affiche ici).

J'ai lu aussi en réponse des articles « énergiques », soulignant, avec des exemples concrets combien le Pape comprenait l’Espagne, en particulier l’affaire du sanctuaire de « Los Caídos » (voir ici et ici), provocation pour certains, dans laquelle seraient tombés les moines qui y résident, et qui n’aurait fait qu’amplifier la nouvelle "gaffe" de communication du Pape dans l’avion, ayant entraîné une nouvelle intervention du Père Lombardi.
Bref j’ai traduit avec retard le texte-bilan de José Luis Restán de l’expédition espagnole de Benoît XVI.
Mais finalement c’était mieux ainsi. Cela m’a permis de relativiser quelques évènements, même irritants et à ne pas négliger, et surtout de dire que Benoît XVI est vraiment le Souverain Pontife de l’Humanité, comme l’a proclamé d’une si belle façon un site catholique catalan que j’aimerais avoir le temps de traduire.

Au cœur du monde
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Nous nous rappelons encore de l’émotion de ces mots-programme de Jean-Paul II dans sa première encyclique Redemptor Hominis: “L’homme est le chemin de l’Église”. Maintenant, trente ans après, Benoît XVI les approfondit et les fait chair. Nous pourrions résumer ainsi l’intensité et la beauté des trente heures à peine que le Pape Ratzinger a passées en terre espagnole.

Dans le plus intime de son être; l’homme est toujours en chemin, il est en recherche de la vérité, a dit le Pape dès son atterrissage. Et puis sur la merveilleuse place de l’Obradoiro (ndt: atelier en galicien, place des artisans) baignée par la douce lumière du crépuscule il a parlé des biens et des beautés admirables de ce monde, admirables mais insuffisantes pour le cœur de l’homme qui recherche l’Infini. En arrière-plan de ces avant-derniers biens se devine un objectif que l’homme cherche par mille chemins, à moins de se démettre de sa propre humanité. Oui, une fois de plus c’est Benoît qui parle au cœur de l’homme moderne avec une douceur mêlée de gravité, parce que si l’homme cesse d’aspirer à la vérité, à la justice et à la liberté, il court le risque de se perdre lui-même.
Et nous y sommes.
L’homme, chemin de l’Église: cet homme contemporain qui se prend aux pièges des avant-derniers biens et ne suit pas son chemin jusqu’au bout comme l’ont suivi les pèlerins de génération en génération jusqu’à arriver aux pieds de l’apôtre pour confesser que le sens ultime de la vie s’est fait chair, a vaincu la mort et nous abandonne plus. « L’Église se met en chemin en accompagnant l’homme qui désire ardemment la plénitude de son être », a dit le Pape à peine arrivé, et il l’a ensuite illustré avec chacun de ses gestes et de ses paroles..

Et si Jean-Paul II a lancé à l’Europe déchirée par le rideau de fer un cri plein d’amour, Benoît XVI a lancé à notre vieux continent rongé par le nihilisme un très bel appel : « Il faut que Dieu revienne résonner joyeusement sous les cieux de l’Europe ».
Dans un magnifique crescendo d’intensité, le Pape a demandé, devant la façade de la cathédrale de Compostelle :
« Comment l’homme mortel va t’il se fonder lui-même et comment l’homme pécheur va dit-il se réconcilier avec lui-même ? Comment est-il possible que le silence public se soit fait sur la réalité première et essentielle de la vie humaine ? Comment le plus déterminant de la vie peut-il enfermé dans la simple intimité ou laissé dans la pénombre ?... Comment est-il posible de se refuser à Dieu, soleil des intelligences, force des volontés et attrait de nos cœurs, le droit de proposer cette lumière qui dissipe toute ténèbre
Le paragraphe restera inscrit dans les annales de ce pontificat.

De nouveau se distingue ce qui, pour le Pape, a été la tragédie européenne : « que se soit répandue la conviction que Dieu est l’antagoniste de l’homme et l’ennemi de sa liberté ». Au contraire Dieu est but et accomplissement, destination et port de toute véritable aspiration humaine.
Et c'est pourquoi Benoît XVI, le pape qui a formulé la laïcité positive (1), regarde l’Espagne comme un espace privilégié pour le dialogue et la réconciliation entre la foi et le sécularisme, entre la sagesse chrétienne et la raison moderne. Le Pape a démontré qu’il connaît bien notre histoire mais qu’il a beaucoup confiance dans nos possibilités. Ici a grandi un catholicisme forte et plein d’ardeur, capable des grandes entreprises. Ici aussi a suri un laïcisme risqué qui se tourne facilement en anticléricalisme. Cette tension explique deux siècles de notre histoire et menace de nous tourmenter de nouveau. Mais le Pape a prononcé un assez de ces chocs inutiles! Il a dit ( à tous !) que c’était l’heure d’une nouvelle rencontre entre la foi et la laïcité.

Ses derniers mots à Compostelle ont été pour dire que « l’Europe de la science et des technologies, l’Europe de la civilisation et de la culture, doit être à la fois l’Europe ouverte à la transcendance et à la fraternité avec d’autres continents, au Dieu vivant et véritable à partir de l’homme vivant et véritable ». Ce que l’Église demande et recherche c’est seulement la liberté et la tranquillité pour « veiller pour Dieu et veiller pour l’homme, à partir de la compréhension que des deux nous est offert en Jésus Christ ».
Des milliers de pèlerins arrivés de toute l’Espagne ont accueilli dans un silence dense et ému cette homélie, ce n’est qu’à la fin que la multitude a éclaté en applaudissements et acclamations comme un oui franc prononcé en chœur à l’invitation exigeante du Pape.

À l’étape de Barcelone, Benoît XVI a poursuivi son dialogue dramatique (le dialogue de l’Église !) avec l’homme européen contemporain. Il expliquait ainsi le sens de la consécration de l’église de la Sainte Famille : «dans le cœur du monde, devant le regard de Dieu et des homme, dans un humble et heureux acte de foi, nous levons un immense moule de matière, fruit de la nature et d’un incommensurable effort de l’intelligence humaine qui a construit cette œuvre d’art. Elle es un signe visible du Dieu invisible à la gloire du quel s’élèvent ses tours, ses flèches qui visent l’absolu de la lumière et de Celui qui est la Lumière, la Cime et la Beauté même ».

Le Pape était très conscient que toute la ville ne l’attendait pas. Bien sûr que non ! C’est précisément pour cela qu’il devait être là et parler de la façon dont il l’a fait. Parce que le geste de dimanche à Barcelone se réalise « à une époque où l’homme prétend édifier sa vie en tournant le dos à Dieu, comme s’il n’avait plus rien à lui dire », et pour cela il a beaucoup plus de valeur.
Gaudí avec son œuvre, qui est l’œuvre d’une foi partagée par des générations de Barcelonais nous montre aimablement « que Dieu est la véritable mesure de l’homme ».

Nous pouvons discuter à satiété sur le nombre de personnes présentes (si difficile à mesurer dans ce cas) et sur la température affective de Barcelone en face du Pape. Ce que personne ne peut nier, c’est que dans la Barcelone moderne, bouillonnante et pleine de contradictions, l’Église s’est fait présente.
Au cœur de la cité, les flèches de la Sainte Famille ne cessent d’interroger tout un chacun sur le sens de la vie et de la mort, ne cessent de proposer la sagesse de l’Évangile qui les a portées jusqu’au ciel. Mais surtout à l’intérieur et à l’extérieur de cet espace fantastique, nous avons vu le non moins fantastique spectacle d’un peuple qui rit et aime, qui lutte et qui souffre, qui prie et qui travaille. Nous l’avons vu concrétisé par Pierre. Tranquille et heureux parce que l’Église ne travaille pas pour grossir ses propres chiffres, son propre pouvoir, mais pour être le signe et l’instrument du Christ qui invite les hommes à être des amis de Dieu.
Et cela, ni les titres "malicieux" (!) de la presse, ni les politiques laïcistes, ni la violence sectaire de quelques-uns, ne peuvent l’empêcher.

José Luis Restán – 8 novembre 2010

Texte original sur www.paginasdigital.es

Note

(1) Ndt: en réalité, l'expression a été utilisée par Benoît XVI, en réponse au discours de Nicolas Sarkozy (déjà celui dit "du Latran"), à son arrivée à Paris, en septembre 2008: «Vous avez d'ailleurs utilisé, monsieur le Président, l'expression, belle, de "laïcité positive" pour qualifier cette compréhensionplus ouverte.»

Doctrine sociale, signe de contradiction En marge des travaux du Synode