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Parmi tous les lieux communs qui ont jonché les voeux d'anniversaire au Pape - quand ils étaient présents! - voici le magnifique hommage du journaliste allemand Paul Badde, paru sur le site Welt online, et dont Marie-Anne nous offre la traduction (18/4/2012)

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Ainsi, Benoît XVI apparaît au déclin de l’époque postmoderne comme le Petit Prince venant d’une planète...
(http://www.welt.de/)



Pourquoi l'amateur Benoît reste un outsider (1)
Benoît XVI fête ses 85 ans. Il devient ainsi le pape le plus âgé de l’histoire (récente... se souvenir de Léon XIII). Avec ses exigences radicales, il est resté un "outsider". Mais, serait-il hostile au monde pour autant ?
16 Avril 2012
Paul Badde
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Benoît XVI utilise une canne pour marcher. Ce n’est pas étonnant pour quelqu’un qui vient d’avoir 85 ans ! Ce qui est étonnant par contre, c’est qu’au bout de 7 ans de pontificat il continue à manifester une telle énergie ! Le fardeau qu’il doit porter est énorme, pour quelqu’un de son âge. Son frère Georges, âgé de 88 ans souffre de tous les maux de cet âge (l’arthrose de la hanche, sans compter avec la dégradation de ses yeux, ses oreilles, ses os) ; ce qui pourrait bien arriver au pape aussi.

Benoît XVI est en bonne santé et mène une vie raisonnable, si bien qu’il est devenu, malgré sa stature plutôt fragile, le pape le plus âgé de l’histoire. Son prédécesseur, le sportif de Dieu, Jean-Paul II, est décédé six semaines avant d’atteindre ses 85 ans. Il a donc dépassé en mars celui qu’on appelait le "marathonien de Dieu".

Il est devenu donc vraiment âgé, malgré les heures où il peut sembler encore jeune, par exemple dans l’après-midi du 24 mars lorsqu’il avait rencontré sur la place de la Pax à Guanajato, les enfants mexicains; sur cette place noire du monde, avec orchestre, chorale d’enfants et trompettes.
Il avait déjà prononcé pourtant un discours de programme en espagnol devant le président de la République et les cardinaux du Mexique, après un long vol accompli en avion depuis l’aéroport de Rome, avant de se tourner vers les enfants pour leur dire :
« Chers enfants ! Je suis heureux de voir vos visages joyeux sur cette belle esplanade. Vous occupez une place importante dans le cœur du pape. Aujourd’hui, nous sommes dans la joie, et c’est très bien ainsi. Que Dieu nous accorde d’être toujours heureux. Si nous acceptons que l’amour du Christ transforme nos cœurs, alors nous pourrons transformer aussi le monde. Voilà le secret du vrai bonheur !»
Là, on dirait qu’il ne sentait pas l’épuisement mais seulement la joie.
Mais il n’est pas toujours ainsi.

Le pape, serait-il hostile au monde ?
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En fait, «l’ami de ces petits amis» est toujours resté un docteur de l’Eglise, un missionnaire et un pasteur. Il était professeur. Maintenant il est l’évêque de Rome et il est aussi à la tête de l’état du Vatican. Mais avant tout, il est le successeur de l’apôtre Pierre et depuis sept ans il est le souverain pontife d’un nombre impressionnant de catholiques qui sont souvent menacés de se dispersion vers les quatre points cardinaux.

Mais "le métier de pape" ne s’apprend pas. Ce qui a toujours répugné à Joseph Ratzinger lorsqu’il était archevêque de Munich, puis Préfet de la Congrégation de la Foi, reste valable pour le pape ; jamais il n'a voulu utiliser son influence pour avoir sa cour, pour tisser sa toile, pour monter en grade.

En ce sens c’est vrai qu’il est resté un outsider encore aujourd’hui. Dès l’âge de 31 ans, il exigeait de l’Eglise une aversion radicale, en ce qui concerne “le pouvoir, le paraître, l’argent, la corruption”. Bien avant son discours prononcé à la salle de concert de Fribourg devant les chrétiens engagés dans la société, dans lequel il a demandé de “ne pas se conformer au monde”. Mais plutôt, réaliser le vrai renouveau demandé par le Concile, ce qui lui tient vraiment à cœur depuis toujours.

Serait-il hostile au monde, celui qui tient un discours pareil ? Oui, mais seulement d’un certain côté ; parce qu’il n’a jamais voulu jouer des coudes. Et pourtant, il a toujours eu de l’autorité.

Souvent, on le considère comme un dilettante…
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C’est parce qu’il n’a jamais voulu faire carrière. Les gens qui l’entourent sont tous de vieilles connaissances, des hommes de confiance, et non pas ceux qui usent de tactique, des politiciens ou des organisateurs géniaux.

Et pourtant il a eu des succès durant son pontificat, ne serait-ce qu’avec ses trois encycliques, ses voyages ou ses livres sur Jésus de Nazareth, sans que ce soit programmé à l’avance.

Ainsi, Benoît XVI apparaît au déclin de l’époque postmoderne comme le Petit Prince venant d’une planète. Comme un enfant prodige qui suit son chemin, sans regarder ni à droite ni à gauche, avec une rare constance, sans s’occuper des succès ni des échecs.

D’ennemis, il n’en a jamais manqué
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En ce qui concerne le processus de réconciliation avec la fraternité St Pie X, par lequel il veut éviter un nouveau schisme à l’intérieur de l’Église catholique, - dans la mesure du possible humainement parlant, - il s’y est attelé dès les années 80 du siècle dernier.

Quant à la lutte contre les abus sexuel du clergé, personne n’a manifesté du côté de l’Eglise par rapport à cette histoire sombre, une position aussi claire, une détermination aussi sans équivoque que lui.

Qu’il soit resté irréprochable, même ses critiques les plus acerbes doivent l’admettre en même temps que ses ennemis dont il n’a jamais manqué tout au long de son existence ; mais il n’a jamais été un fervent jacobin, c’est sûr.

Ce qu’on peut encore attendre de lui, qu’on soit du côté de ses amis ou de ses ennemis, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Eglise, on a pu le voir -comme dans un livre ouvert - lors des grandes célébrations qui viennent de se dérouler à Rome durant la Semaine Sainte et le jour de Pâques.

Une discipline extraordinaire
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Ces fêtes constituent le sommet de l’année liturgique, commençant par le dimanche des Rameaux, place St Pierre, et jusqu’à la bénédiction (urbi et orbi) en plus de 60 langues, le jour de Pâques. Le pape était présent d’un bout à l’autre, aussi bien à Latran qu’au Colisée et à la basilique st Pierre.

Ces célébrations demandent une grande discipline, comme par exemple la Passion du Seigneur selon st Jean, chanté en latin le vendredi saint. Il fallait l’écouter debout durant 40 minutes, avec recueilliement, sans bouger, sauf lorsqu’on s’agenouille à l’annonce de la mort du Christ.

Cette fois-ci le pape a épaté par son recueillement même les gardes suisses qui l’ont vu demeurer immobile, les mains jointes comme s’il était l’un d’eux, montant la garde, en habit écarlate, sans la moindre distraction, comme un fakir hindou.

Même les deux cérémoniaires qui l’encadraient de chaque côté paraissaient plus nerveux que ce vieil homme. Entre les deux le pape se tenait debout, comme un arbre. Cette tranquillité, ce calme, l’Eglise catholique peut encore recevoir de lui dans l’avenir. Et cet avenir peut encore durer !

Le pape et le thème de sa vie
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Mais avant cela, dans son homélie, il a développé le thème de Dieu s’identifiant à la lumière de la Vigile pascale comme principale caractéristique de l’être chrétien. Voilà son sujet favori. “La lumière toujours victorieuse de la clarté de Dieu”, qui peut être expérimentée durant la nuit pascale comme une nouvelle Création, ce thème apparaît déjà en 1959 dans un article publié dans la revue “Hochland”.

Comme image-souvenir de la Résurrection, il a choisi un tableau de Johann Heinrich Tischbein, de 1763, sur lequel le Christ lumineux sort de l’obscurité du tombeau comme d’une grotte, à l’aube du matin de Pâques ; c’est une sorte de renversement de la comparaison de la grotte de Platon. C’est cette vision que le peintre avait réalisée.

“Demandons au Seigneur à cette heure”, a dit le pape d’une voix claire, “que la lumière du Christ se rende visible sur le visage de l’Eglise de manière qu’elle puisse illuminer le monde !”

Sa marge de manœuvre est très mince
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Benoît XVI n’est pas le chef d’une firme. Sa marge de manœuvre est minime, loin de la toute-puissance qu’on voudrait lui attribuer souvent. Il ressemble plutôt à un président d’une fondation qui ne doit pas proclamer sa propre croyance, mais strictement celle qu’a voulu le fondateur lui-même !

C’est que le bien commun de plusieurs millions d’humains, qui traverse les siècles depuis sa fondation, constitué d’un mélange unique d’identité et de continuité, ne peut et ne doit jamais être mis à la disposition de qui que ce soit.

Comme il disait déjà en 1996 à Peter Seewald, “je n’ai jamais essayé d’échafauder mon propre système de pensée, ma propre théologie. Ce qui est ma spécificité, si l’on peut dire, c’est de penser tout simplement avec la foi de l’Eglise, avec les grands penseurs de la Foi.

Vue sur la colline de supplice du premier pape
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Et cette direction n’a pas changé depuis. Et cela demeure pour le vieux théologien depuis les premiers jours du concile et jusqu’à son statut actuel en tant que pape. Et cela durera comme leitmotiv aussi pour l’avenir. Il considère sa tâche à accomplir au palais apostolique qui va durer normalement toute la vie, comme il le voyait déjà de tout près, à la fin de la vie de son prédécesseur Jean-Paul II.

Lorsqu’il regarde par sa fenêtre sur la place st Pierre, il peut toujours apercevoir l’obélisque représentant Saint Pierre qui fut crucifié au cirque de Néron, la tête en bas. Même si la colline du Vatican a été rebâtie de façon somptueuse, elle reste le lieu de supplice du premier pape.

Mais Benoît XVI n’a pas peur de le regarder en face. Son devoir, c’est de suivre Pierre, et il ne veut pas s’esquiver.

C’est ce qui le rend bien plus libre que beaucoup ne peuvent l’imaginer, même dans son pays natal. Oui, c’est vrai, maintenant il prend la canne pour avancer. Mais c’est avant tout le bâton du pasteur, par lequel cet homme de 85 ans, tient ensemble plus d’un milliard de catholiques de par le monde !

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(1): il faut comprendre "outsider" comme celui qui se tient à l'extérieur, qu'on pourrait aussi traduire par "une autre voix" ou "un cas à part"