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Affres

Ce sont celles de Bruno Frappat, ex-directeur de La Croix, qui accompagnait (contre son gré?) Nicolas Sarkozy chez le Pape. Ce sont aussi les miennes, à reproduire dans le cadre de la revue de presse promise, un article dont le ton condescendant me fait osciller entre des sentiments contrastés d'exaspération et d'attendrissement - heureuse, malgré tout, de voir confirmé que "le sourire du Pape valait le voyage": mais moi, je le savais! (10/10/2010)

Il va sans sans dire que l'attendrissement s'adresse au Saint-Père, dont je regrette qu'"on" n'y ait vu qu'"un vieil homme un peu las".. (à propos, la surabondance du pronom "on" est-elle une variante atténuée du pluriel de majesté, ou bien une façon de se démarquer?)
Mais quel courage, vraiment, de la part de l'auteur de l'article, d'avoir osé "braver" la peur d'être instrumentalisé!
Et quel dilemne, de savoir si l'on va être placé à droite ou à gauche. Une gauche symbolique, bien sûr.
Et surtout, quel dommage que Nicolas Sarkozy n'ait trouvé personne de plus enthousiaste pour l'accompagner.

Bref, je repense aux Fourberies de Scapin: "Que diable est-il allé faire dans cette galère?"

A part cela, c'est écrit d'une plume alerte, et c'est très agréable à lire...

Un saut à Rome
Affres
(Source)
« Le président vous propose de l’accompagner au Vatican ». C’est trop d’honneur, se dit le chroniqueur, tiré de sa retraite heureuse (comme toutes les retraites, non ?). Surgissent des scrupules que le lecteur devine. Qu’irais-je faire dans cet Airbus ? Tomber dans un piège à cathos ? A la Croix, consultée, on se récrie : « Bien sûr, qu’il faut y aller ! Vous verrez Benoît XVI ». Première occasion, c’est vrai, de rencontrer Benoît XVI, depuis qu’il est pape. Vu souvent, mais de loin. Cette fois, de près, grâce à Nicolas Sarkozy. Quelle que soit l’ironie de la chose, merci l’Elysée !

Ne l’ayant pas demandé on se jugera sans reproche… Bravons la peur d’être « instrumentalisé », c’est-à-dire utilisé symboliquement à l’aune de l’importance que l’on vous suppose (nettement surévaluée à vos propres yeux). Des dépêches diront que la « délégation » est « subtilement dosée ». Il y a des cathos de droite, du centre, de la gauche. Le chroniqueur se voit labellisé «catho de gauche», ce qui fait sauter au plafond une partie de sa progéniture. Et sa conscience qui pense que, gauche, droite, centre, tout cela dépend des sujets. Libération, de son côté le considère « chrétien modéré ». Cela dépend de l’humeur des jours…

Le matin même du voyage, un ancien collègue d’un autre journal, ami très cher, vous demande par mail si vous n’êtes « pas dégouté » (sic) de faire ainsi « la doublure de Bigard ». Doublure d’un comique qui fut du voyage précédent, en 2007, ce qui fit grand bruit ? Vexant. Dans l’Airbus (319), empli d’invités, de collaborateurs, de policiers, on fut placé du côté gauche. « Je représente vraiment l’aile gauche, dans cet avion ? » demanda-t-on à son voisin.

Off
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Paris-Rome : deux heures. C’est le temps du « off ». Des conversations que l’on ne rapporte pas. En tout cas pas directement. Le président Sarkozy convie dans la partie de l’avion qu’il occupe, certains accompagnants. Temps de la « connivence », selon les déontologues que nous sommes tous. Temps d’une gêne légère éclipsée par la curiosité. La compagnie est sympathique : Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, inlassable bête politique ; Jacques Barrot, du Conseil constitutionnel, toujours joyeux ; Alix de Saint-André, écrivain qui s’est illustrée sur les chemins de Compostelle ; Denis Tillinac, le chiraquien perpétuel qui prépare pour début 2011 son Dictionnaire amoureux du catholicisme ; un député UMP, M. Remiller, de l’Isère, beau département.

On papote autour d’un café et d’un panier de viennoiseries. Papoter n’est pas le mot. On écoute. Nicolas Sarkozy est un virtuose de la parole. Il a l’air de traiter les sujets dans le désordre. Puis, tout bien réfléchi, on se rend compte qu’il vous a passé les messages essentiels qu’il voulait vous faire passer. Entre un éloge des séries télévisées qu’il préfère, avec Carla, et une charge contre les journaux qu’il dit ne pas lire (croit-il qu’on le croit ?) il développe deux colères homériques, vous interpelant sans laisser le temps de répondre. L’une sur la prétendue islamophobie de la France, alors qu’elle est le pays le plus accueillant de l’occident (ndlr: j'imagine que Bruno Frappat n'est pas d'accord là-dessus avec Nicolas Sarkozy). Et que la réciprocité des pays islamiques vis-à-vis des chrétiens n’existe pas (idem!). L’autre sur l’été « sécuritaire », y revenant par un seul biais, celui de la « blessure » personnelle d’avoir entendu évoquer la période sombre de l’Occupation.

C’est un professionnel. Au tempérament passionnel. Il fait, les questions, les réponses, les digressions. Certains opinent avec chaleur, éblouis. D’autres se taisent, dans leur coin, sombres ou timides.

Sourire
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Rome est atteint. Cortège. Vingt voitures. Embouteillages, encore plus qu’à Paris. Sirènes hurlantes. Vous ne voyez que des masses automobiles enchevêtrées sur les côtés. On fend à toute vitesse cette foule métallique. Place Saint-Pierre. Une voute est franchie. On saute des voitures. On manque de tomber tant la sécurité vous presse. Le cortège se fait piétonnier. Randonnée lente dans le Vatican. Escaliers glissants, malaisés. Couloirs d’une hauteur de cathédrales. Salles vides qui se succèdent. Gardes suisses raides comme la justice et colorés. « Gentilshommes du pape », aux décorations innombrables sur leurs tenues noires. Evêques et monsignori à chaque carrefour.

Voici les appartements pontificaux. Une enfilade de salons gigantesques où les pas résonnent en passant devant des trônes vides. Un musée. On vous souffle : « C’est un Caravage ». Vous vous extasiez. « Non, pas celui-là, celui-ci ». On s’extasie derechef. Voici enfin atteinte l’antichambre de la bibliothèque du pape. Le président entre seul. Vous patienterez bien le temps d’une audience. Le temps de vous donner les consignes très strictes. En file indienne pour saluer le Saint-Père, puis, ensuite, par alternance, vous vous placerez sur les côtés, à gauche, puis à droite, etc. « C’est bien compris ? ». On sait se tenir. On répète intérieurement. Compte-tenu de la position dans la file «protocolée» on va devoir, ayant salué Benoït XVI, se placer à gauche. Oui, tous calculs faits et refaits c’est bien à gauche qu’il faudra se positionner.

Conversations d’antichambre. On échange sur le sens de ce protocole de la Renaissance, ces costumes, ces gentilshommes qui ont l’air d’être là depuis le quinzième siècle. Débat sur le degré de solennité requis pour faire passer le message évangélique. Enfin, la porte s’ouvre. Une brigade de confrères (le « pool ») ont été admis à l’intérieur. Par où sont-ils passés ? On ne les a pas vus entrer. On échange des clins d’œil amicaux. Les flashes crépitent.

Enfin, on voit Benoît XVI. De plus en plus proche. Nicolas Sarkozy vous présente au pape : «… ancien directeur de la Croix, le journal catholique ». Son regard, à l’évocation de votre nom, s’allume, son visage de vieil homme un peu las (!! il y a de quoi!) semble s’éclairer. Du moins se l’imagine-t-on. On n’a guère le temps de creuser la question. Il vous dit des mots chaleureux sur le « bon travail » de la Croix, serrant fortement vos mains. Il a un sourire merveilleux, ce pape que l’on dit sévère. Un sourire tendre, oui. Emouvant.

Ensuite, Secrétairerie d’Etat. La délégation patiente dans la « salle des traités » où trône un volant de formule I (une Ferrari, bien sûr). Il y a une crèche, d’une laideur que la charité chrétienne interdit de décrire. Des soldats de plomb, aussi. Le décor magnifique est à peine gâché par ce bazar. Photo générale puis longue marche vers Saint-Pierre. Toujours serrés de près par les gentilshommes. Public derrière les barrières. Quelques cris. Halte devant le tombeau de Saint-Pierre. La prière pour la France, par le subtil Cardinal Tauran. L’embarquement immédiat dans les voitures (« vite, Monsieur : dans la 4 !»). Rome traversée sans la voir. Villa Bonaparte. Des retrouvailles avec des figures sympathiques : les cardinaux français, des diplomates. Deux toasts. Un repas excellent trop vite avalé. Embarquement. Re-Airbus. Deux heures. Paris. Motards, cortège, sirènes. On n’a pas revu le président, ni in, ni off. Il a « débriefé » avec ses collaborateurs.
On repensera au bon sourire du pape illuminant cette journée de stress. Un sourire qui valait le voyage.
(ndlr: j'aurais aimé, en guise de conclusion: "JE repense...")


Bruno FRAPPAT

A propos du blog d'Isabelle de Gaulmyn Art contemporain