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Offert par le président de la République d'Italie pour les 7 ans de pontificat. Au pupitre, le Maestro Riccardo Muti. C'est lui qui avait préfacé le livre "Lodate Dio con arte". Traduction de la préface. (7/5/2012)



Vendredi 11 mai à 18 heures, le président de la République italienne Giorgio Napolitano offrira, comme il le fait chaque année, un concert au Pape, pour célébrer le 7ème anniversaire de son pontificat.
Le chef d'orchestre est Riccardo Muti (né en 1941 à Naples, http://fr.wikipedia.org/wiki/Riccardo_Muti ), les oeuvres au programme sont le Magnificat d'Antonio Vivaldi, le Stabat Mater et le Te Deum de Giuseppe Verdi.
Il avoue quelque émotion de diriger devant le fin connaisseur Benoît XVI, même s'il s'est déjà produit devant Paul VI et à deux reprises devant JP II.

Muti a écrit la préface du livre "Lodate Dio con arte", traduit en français sous le titre "L'esprit de la musique", déjà évoqué dans ces pages (1), qui rassemble les écrits et les discours de Joseph Ratzinger - avant et après être devenu Pape - dédié à l'art, mais surtout à la musique et au chant. La préface a été publiée dans l'OR le 29 Avril 2010, et voici la traduction en anglais de Teresa, traduite par moi en français.

Remarque: Muti est un ami du président Napolitano, et manifestement un artiste "engagé" (ce ne peut être que dans un seul sens!) et cela se sent dans ce texte. Mais il est aussi un admirateur du Pape.


La musique est une question d'éducation
Préface de «Lodate Dio con arte» par Riccardo Muti
OR, 29/4/2010)
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Bien sûr, il n'est pas nécessaire d'être Pape pour fréquenter le monde de la musique comme Papa Ratzinger le fait, lui qui, à son âge vénérable et avec toutes les tâches qu'implique sa position élevée de Pasteur de l'Eglise tout entière, ne dédaigne pas de s'asseoir lui-même au piano pour nourrir son esprit en jouant ses compositeurs préférés.

Mais c'est un grand cadeau à l'humanité et pour l'Eglise au début du troisième millénaire d'avoir un Pape qui revendique une place et le respect dans l'Eglise et dans la société pour cette haute expression humaine.

Il a commencé à aimer la musique et à faire de la musique depuis l'enfance jusqu'à l'époque où, comme il le dit, grâce à son frère, il a estimé qu'il faisait partie de la famille des Domspatzen, la chorale de garçons de Ratisbonne, qui se produit lors des services liturgiques dans la cathédrale de la ville.
L'expérience musicale de ses premières années a marqué sa vie, comme elle le fait pour la nôtre, qui sommes des musiciens professionnels. L'expérience de la musique enrichit l'existence humaine et l'ouvre à des horizons qui semblent être infinis et éternels.
"Chanter, c'est presque comme voler", confiait le Pape après un concert des Domspatzen. "Cela nous élève à Dieu, anticipant en quelque sorte le chant de l'éternité". Celui qui apprend à chanter lorsqu'il est un enfant va chanter toute sa vie, et toute la vie pour lui devient un chant.

Le Pape a raison quand, en plusieurs occasions, il a déploré le faible niveau de la musique de consommation, en particulier la musique et les chants exécutés dans les églises en ces dernières décennies, surtout ici en Italie. Mais la raison n'est pas adaptée à l'éducation musicale. Trop peu est accordé aux écoles, et les activités alternatives qui pourraient inclure la musique ne sont que pour quelques privilégiés.
Et dans les paroisses, au moins en Italie, je pense que l'éducation musicale des chrétiens est parmi les dernières préoccupations de la pastorale paroissiale, peut-être même des évêques.

Enseigner la musique et le chant en Italie a été laissé à l'initiative privée. Et réservé à ceux qui ont la prédisposition et le talent, qui ont aussi les moyens financiers pour entrer dans une école de musique privée ou êtes assez chanceux pour être employé dans un conservatoire.

Dans notre pays, on doit se débrouiller par soi-même - y compris pour la musique et le chant. Et je l'ai dénoncé à maintes occasions durant des années. Dans une société évoluée, l'éducation musicale ne peut pas être traitée de cette façon. Cela veut dire ne pas avoir de respect pour la valeur culturelle de la musique. Par-dessus tout, cela veut dire ne pas reconnaître ou ne pas respecter la valeur anthropologique de la musique dans la formation des personnes qui doivent vivre dans la société et communiquer avec les autres.
La pratique chorale et instrumentale, comme la lecture et l'écriture, doit accompagner toute la durée de la scolarité de base, de la maternelle au lycée. Tout comme l'éducation à l'expression écrite et orale fait partie de l'itinéraire de l'école d'une personne du début à la fin, progressivement enrichie par les différents éléments culturels qui fournissent la matière pour savoir quoi dire ou quoi écrire, il est difficile de comprendre pourquoi la même chose ne peut pas être faite pour éduquer nos enfants à l'expression musicale à travers la voix et les instruments de musique.

Si quelque chose pouvait être fait à cet égard, alors nous pourrions aussi inverser la tendance à considérer la musique comme une activité pour un petit nombre d'élus, comme un simple plan de carrière, un produit à vendre, ou rien de plus qu'une activité de loisirs. Il s'ensuivrait que dans nos églises, il y aurait plus de chant - et bien mieux chanté.

Ainsi, il ne serait pas superflu d'espérer, à partir de ces pages, une éducation musicale qui non seulement n'écarterait personne de la formation musicale et du plaisir de l'écoute, mais surtout, promouvrait chez tous les écoliers le développement de l'auto-perception, qui atteint son expression maximale en faisant de la musique ensemble.
Il ne serait pas superflu de réclamer une éducation musicale qui non seulement enseigne aux enfants à écouter de la musique, à déchiffrer son langage et ses messages, et à en faire une partie intégrante de leur bagage de valeurs culturelles; qui non seulement leur apprenne à lire la musique et à jouer au moins un instrument de musique, mais surtout, à chanter et à faire de la musique ensemble, à assimiler les règles et les exigences à travers la pratique, parce que cela va les former pour le travail choral d'équipe même dans la vie.

Je suis vraiment reconnaissant au Pape d'avoir ramené la musique à sa juste place - comme il le fait à travers ce livre - au sein de l'Eglise et en dehors d'elle, tout simplement en attirant l'attention sur elle comme un facteur essentiel dans la vie des hommes.

Ses études sont éclairantes en particulier dans le domaine de la musique sacrée.
Elles défrichent le terrain des équivoques et des absolutismes fondamentalistes pro et con, qui ont créé la confrontation plutôt que le dialogue et l'effort commun pour le bien de l'Eglise et de sa liturgie.

Elles expliquent le malaise dont beaucoup font l'expérience quand ils vont à la messe dominicale. Mais elles nous font aussi espérer une restauration de l'art musical, qui est un grand service à la liturgie et à la vie de ce monde.

Je partage complètement ce que dit Sa Sainteté:

"Si l'Église doit se transformer elle-même, améliorer et «humaniser» le monde, comment peut-elle le faire tout en renonçant à la beauté, qui est une avec l'amour, et avec lui, est le vrai bien-être, ce qui est le plus proche de l'univers de la Résurrection?"

"L'Eglise devrait être ambitieuse - elle devrait être une demeure de beauté, elle devrait mener la bataille pour la «spiritualisation», sans laquelle le monde deviendrait «le premier cercle de l'Enfer» ".

"Par conséquent, on doit viser à ce qui est approprié à la liturgie et à la participation des fidèles, mais nous devons tout faire pour que ce qui est approprié soit également beau et digne de l'importante action ecclésiale pour laquelle il est utilisé ".

"A juste titre, une Eglise qui ne fait que de la «musique utile» tombe au contraire dans l'inutile et devient elle-même inutile", dit encore le Pape.

L'Eglise doit effectuer une tâche beaucoup plus haute: «Elle devrait être un lieu de «gloire », et aussi un lieu dans lequel les lamentations de l'humanité sont portées à l'oreille de Dieu. Elle ne peut pas se contenter de ce qui est simplement ordinaire et «utile»: elle doit élever la voix du cosmos pour glorifier le Créateur, révèlant sa magnificence au cosmos, et rendre le cosmos lui-même glorieux, et, par conséquent, beau, habitable, et aimable ".

Et encore: "L'art musical est appelé, d'une manière singulière, à insuffler l'espérance dans l'esprit humain, qui est si marqué et si souvent blessé par la condition terrestre. Il y a une parenté mystérieuse et profonde entre la musique et l'espérance, entre le chant et la vie éternelle: ce n'est pas sans raison que la tradition chrétienne montre les esprits bienheureux dans l'acte de chanter en chœur, ravis et en extase devant la beauté de Dieu, mais l'art authentique, comme la prière, ne nous rend pas étranger à la réalité quotidienne; plutôt, elle nous rend capable d' «irriguer» ce quotidien afin de le faire germer et porter des fruits de bonté et de paix".

Sans aucun doute, la révolution culturelle qui a eu lieu au cours du siècle passé, a mis en crise les traditionnels codes de référence qui classiquement servaient à établir ce qui est beau et ce qui ne l'est pas dans la musique.
Le système tonal, choisi depuis des siècles pour représenter la complicité naturelle entre le monde des sons et la conscience de l'homme, a été systématiquement abandonné, et de nouvelles voies ont été suivies et le seront certainement à l'avenir.

La musique, en particulier dans les dernières décennies du siècle passé, est devenue un phénomène extrêmement varié et variable. Il y a eu un renouvellement et une amplification du langage musical comme il y a eu des innovations théologiques, liturgiques, culturelles et existentielles.
L'idée et la revendication d'un modèle culturel et musical unique est tombée, et un nombre infini ont pris sa place. La musique a cessé d'être une occupation de l'Eglise ou du salon bourgeois, pour servir l'idée religieuse ou politique dominante.
Toute idée a sa propre musique, et toutes les musiques revendiquent leur propre espace de reconnaissance, à l'instar de baucoup d'autres expressions culturelles. Juger de leur valeur n'est pas possible si l'on n'entre pas dans la dynamique humaine et religieuse qui inspire chaque genre de musique, et l'exprime.

Celle-ci varie de peuple à peuple, de groupe à groupe, souvent de personne à personne. Ceci a produit une grande variété d'expressions et de styles, dont l'objectif n'est pas la transgression des règles conventionnelles ou naturelles, mais la composition de musique qui exprime ce qu'ils veulent dire, tout en étant autre que ce que nos oreilles ont été habituées à entendre. On ne peut pas formuler un jugement de valeur sans tenir compte de cette pluralité de styles.

Il n'y a pas de style qui peut se vanter de la primauté sur les autres et auquel les autres doivent se mesurer afin d'être légitimement utiles à la liturgie. Tous les styles ont droit de citoyenneté dans la culture contemporaine, et, j'ose le dire, même dans la liturgie, du moins si l'on considère que derrière chaque style, il n'y a pas seulement le travail du musicien, mais aussi des hommes, ou même des peuples, qui de cette façon particulière, expriment eux-mêmes, leur vie et leur foi.

Il ne serait pas bon de faire un choix. C'est-à-dire, de sélectionner les hommes et l'image d'eux-mêmes et de Dieu qu'ils cultivent et qu'ils souhaitent communiquer.

Néanmoins, même dans la complexité de l'époque actuelle et de ses expressions plurielles - toutes légitimes - j'ose espérer que les principes d'inspiration de la beauté authentique évoqués par le Pape ne seront jamais masqués ou oubliés, principes sur lesquels le patrimoine musical de notre culture et de notre histoire a été créé comme un trésor inestimable, et qui continue à parler de manière exemplaire au cœur et à l'esprit de l'homme contemporain, y compris les jeunes générations.

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(1) A lire sur ce site
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