La lettre de Jeannine, sur le voyage en Espagne
Comme d'habitude, elle a tout vu, tout entendu, tout retenu, et nous livre son récit minutieux et sensible, qu'elle conclut par une réflexion plus personnelle, et très belle, dans laquelle je me reconnais bien. (11/11/2010)
Notre Benoît est allé en Espagne et revenu après 30 heures riches en discours et pendant lesquelles tout s'est déroulé comme il le souhaitait. Il était heureux de retrouver ce pays et ne l'a pas caché. Ce voyage , débuté par un pèlerinage, ne pouvait que réjouir cet homme qui, ayant égrené tous les lieux qui l'ont vu passer et vivre (cf. Le Pape dans l'avion vers l'Espagne ) depuis sa naissance, se sent un éternel pèlerin sur la route qui le mène vers Dieu. Chaque jour qui passe nous avons des pas à faire car il faut avancer coûte que coûte. Nous n'avons pas tous la grâce d'avoir pour guide cette foi profonde, solide, qui aide à surmonter les obstacles et nous permet d'affronter les défis, les attaques et surtout de garder cette sérénité qui le caractérise.
Samedi l'arrivée a eu lieu dans le brouillard (cf. Saint-Jacques de Compostelle: photos (1) )à l'aéroport où était inauguré le nouveau terminal à l'occasion de cette visite. Le Prince des Asturies et son épouse l'ont accueilli à sa descente d'avion. La foule qui attendait a réservé un accueil chaleureux au Saint-Père. Comme à chaque début de voyage notre Benoît paraît un peu en retrait devant toutes les personnes présentées.Les paroles d'accueil échangées ont redit la joie de Sa Sainteté " d'être à nouveau en Espagne, pays qui a donné au monde une multitude de grands saints...
La Princesse Letizia jetait parfois un bref coup d' œil à son prestigieux voisin qui était à l'aise visiblement, maintenant. Au milieu de tant de monde Benoît XVI paraît fragile, très entouré, sollicité, il répond avec bienveillance, douceur à toutes les mains tendues, aux visages souriants qui l'accueillent.
Dans la chapelle il se recueille devant le Saint-Sacrement et cela donne lieu à une très jolie photo avec le vêtement blanc, très souple qui fait une traîne et la mozette rouge qui donne plus de relief à la silhouette sobre, élégante. Il prend le temps de caresser les visages des enfants, d' embrasser les bébés, de se laisser happer par ceux et celles qui veulent le voir, le toucher pour garder un souvenir impérissable. Il revêt la tenue du pèlerin (cf. Le Saint-Père Pélerin à Saint-Jacques ) sous les applaudissements et rentre pour la deuxième fois dans l'édifice en passant par la Porte Sainte cette fois et avec un plaisir évident. Toujours le même accueil chaleureux de la part des fidèles présents puis il va prier au tombeau de l'apôtre en simple tenue de pèlerin. Pour ressortir du tombeau c'est Benoît XVI qui a tendu la main gauche pour s'appuyer sur son cérémoniaire et cela m'a interpelée. Dans ce parcours intérieur il y a de nombreuses marches, un escalier étroit peu facile mais comme le visage de notre Pape ne traduisait que la sérénité, la joie, j'ai pensé que cette aide était liée à la prévenance naturelle de son cérémoniaire et à un problème de douleur. Un de ses anciens élèves, je crois, disait que les problèmes de genoux de l'actuel pape dataient de l'époque où il était curé et parcourait la ville en tous sens sur un mauvais vélo. Dans la cathédrale, le Saint-Père a écouté les mots de bienvenue très chaleureux de l'archevêque et il lui a répondu en étant debout. La séquence du Botafumero a été fort appréciée, il faut reconnaître que le balancement de cet encensoir de 80kg lié à ces huit hommes qui travaillent dans une synchronisation parfaite ( il ne peut en être autrement) a capté l'attention de tous les présents qui suivaient les lentes et amples oscillations. Mgr Marini ne perdait pas une seconde de ce tableau animé. Benoît XVI appréciait également.
Pour la messe sur la place de l'Obradoiro (cf. Saint-Jacques de Compostelle: photos (2) ) à Saint-Jacques-de-Compostelle notre Pape a revêtu cette très belle chasuble rouge avec une guirlande dorée qui souligne la ligne du vêtement. Avant la célébration quelques mots d'accueil qui vont droit au cœur de Benoît XVI; son sourire heureux, plein de sensibilité est plus éloquent que des paroles. Orchestre, chorale, tout a été soigneusement préparé avec le souci évident d'accueillir ce pèlerin dont la présence est une vraie bénédiction et de contribuer à la beauté de la célébration liturgique. J'admire le jeu de l'organiste; les doigts volent sur les claviers mais plus que cela les pieds qui jouent avec les pédales m'attirent toujours autant. La célébration se déroule dans un recueillement profond, remarquable. Pour la procession des offrandes on retrouve le Pape qui , souriant, avec un visage rempli de bonté, accueille ceux qui s'agenouillent devant lui, sa bénédiction est simple, discrète et il écoute ce qui est murmuré.
La nuit vient, le ciel est maintenant bleu foncé , sous l'éclairage la pierre paraît plus claire, presque blanche et le cadre offert est d'une grande beauté. Benoît XVI va prendre l'avion pour Barcelone et son sourire radieux montre combien il est heureux. J'ai observé les cérémoniaires qui intervenaient, me semble-t-il, lorsqu'il y avait des marches ou des surfaces très étroites pour se mouvoir car avec les ornements liturgiques très beaux mais fort volumineux il est peu facile d'évaluer l'espace et les hauteurs à franchir. Dès que le terrain devenait plus favorable ils s'écartaient. J'ai peut-être tort mais je n'ai pas eu une impression de grande fatigue tant le visage était serein. A force de vivre avec une personne qui n'est pas au mieux de sa forme j'apprends à relativiser, à interpréter les gestes, les paroles, les intonations de voix et je fais pareil avec notre Pape.
A Barcelone, sans que le rendez-vous ait été fixé, les fidèles sont venus retrouver le Saint-Père à son lieu de résidence. J'aime bien cette délicate attention qui, paraît-il, le surprend toujours. Je me demande si un jour il admettra que cette affection manifestée qui le touche autant est bien pour lui.
Dimanche pour la messe et la dédicace de la Sagrada Familia (cf. Le Pape en Espagne: Barcelone ), Benoît XVI, tout en or et très souriant, a fait ouvrir les grandes portes en bronze de la future basilique.En remontant la nef il a été très applaudi, très disponible, embrassant les bébés, serrant des mains, reconnaissant un couple qu'il salue, s'arrêtant devant une personne âgée, devant les enfants. Il a écouté, avec grand intérêt, les explications fournies par l'actuel architecte qui lui a remis la clé qu'il a remise au curé de la Sagrada Familia. Le rituel de la consécration se déroule avec simplicité, profonde attention, grand recueillement.
J'ai bien aimé la confidence de notre Saint-Père qui dit avoir été encore plus séduit lorsqu'il a su que cette église était dédiée à Saint-Joseph (cf. Consécration de la Sagrada Familia ). C'est un signe que ce soit un pape qui se nomme Joseph qui la consacre; encore un clin d'œil qu'il ne se serait pas autorisé au début de son pontificat, très simple, juste une pointe de personnalisation qui nous donne un pape très humain mais discret. J'ai aimé la chorale , l'alléluia joyeux, vif, et les voix pures des deux jeunes garçons qui , à leur tour, ont chanté en solo. Que dire de cette architecture surprenante, véritable source de lumière par ses verrières, ses vitraux, ses sculptures si nombreuses, si travaillées et qui accueillent des entrées lumineuses. Je l'ai trouvée très belle, même si elle ne correspond pas aux canons classiques de la beauté; elle est le résultat d'une vie, d'une foi, d'un immense travail et elle parle à ceux qui veulent bien la comprendre.
Le cardinal archevêque, avec grande joie, montre la bulle qui lui a été remise par Sa Sainteté et la lit à l'ambon.
Pour gagner la façade pour l'Angelus Benoît XVI remonte la nef sous les applaudissements fournis, enthousiastes des fidèles. Il va ainsi saluer les très nombreuses personnes qui ont suivi à l'extérieur. Il est souriant, ravi, tout a été parfait, tel qu'il le souhaitait. Jusqu'à la fin la ferveur de la foule n'a pas faibli et c'est le plus beau cadeau qu'il puisse avoir et emporter dans son cœur.
Avant de repartir pour le Vatican il a tenu à visiter l'Institut pour les enfants et personnes handicapées : l'Obra Benefico-Social Nen Déu (cf. Barcelone, fin de la journée ). Malgré la fatigue, l'emploi du temps très serré c'est vers les petits, les humbles que va son cœur.Il est toujours très attentif à tout ce qui les concerne et ne ménage pas ses encouragements et ses félicitations, ses remerciements aux personnes qui œuvrent pour leur bien. Il faut remarquer la douceur des mains de Benoît XVI autour d'un visage, la légèreté de la caresse, le temps consacré pour répondre aux mains qui se tendent vers lui. L'accueil des jeunes est émouvant et notre Pape se lève pour les accueillir lorsqu'ils viennent vers lui. Ses paroles sont chaleureuses et l'ambiance est pleine de joie. Il écoute le chant, applaudit, les petits drapeaux agités montrent la joie des personnes visitées de se sentir aimées, valorisées par cette affection paternelle si bien manifestée par cette présence inespérée, un merveilleux cadeau. A leur tour les enfants offrent des cadeaux simples, touchants. J'ai noté, présentés par des adultes le beau tableau : la Sagrada Familia et la mosaîque: la Sainte Famille. Je crois que dans ce milieu simple, spontané, sans calculs, notre Benoît se sent loin des lourdeurs de la fonction. Avant de partir il signe le Livre d'Or et dévoile la plaque commémorative rappelant son passage et la bénédiction de la première pierre du foyer pour adultes handicapés. Les applaudissements fusent et à la sortie il salue les personnes nombreuses et joyeuses qui l'attendent dehors.
La cérémonie de départ a lieu avec le roi et la reine. Les paroles échangées sont chaleureuses et le long aparté entre le roi et Benoît XVI, très cordial, peu protocolaire, montre bien que la satisfaction et la joie sont réciproques. Le climat est détendu, les présents à cette cérémonie manifestent leur joie, le chemin jusqu'au pied de la passerelle se fait dans une parfaite décontraction et notre Saint-Père est particulièrement spontané avec les évêques, avec le roi et la reine. D'ailleurs, après avoir salué avant de rentrer dans l'avion, il gagne sa place et agite longuement la main à travers le hublot.
Les jeunes ont accompagné le Pape jusqu'à la dernière minute de son voyage et le "au revoir" papal a déclenché l' enthousiasme. Je crois avoir lu que les jeunes pro-Benoît XVI étaient la garde du Saint-Père.
Le voyage est terminé.
Benoît XVI a été en tous points conforme à ce que sa joie au départ pouvait laisser espérer. Sans démagogie il dit ce qu'il juge devoir énoncer; Il ne pointe pas un doigt accusateur sur ses interlocuteurs mais assène avec force, insistance, des paroles précises, profondes et bien adaptées à la situation. Rien ne lui échappe et il ignore les attitudes outrancières, provocatrices. Pour la frange qui voudrait tuer l' Eglise il est plus que gênant. Ses voyages ne sont pas médiatisés et c'est fort regrettable car ils sont une mine d'or qui initie des discours, des homélies d'une très grande richesse.et qui justifierait une large diffusion. Cette grande intelligence nourrie à l'écriture des Pères, dotée d'une mémoire hors norme, agrémentée d'une culture rare sait passer d'un registre à l'autre sans difficulté. Ceux qui lui reprochent de ne savoir s'adresser qu'aux esprits supérieurs ( je pense à la journaliste italienne qui l'avait beaucoup critiqué lors de son arrivée à Lorenzago) feraient bien de faire un effort pour le comprendre; ils y gagneraient en valeur personnelle. Le Cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI par la grâce de Dieu ne garde rien pour lui; Il ramène tout à celui qui dirige sa vie depuis de nombreuses années, il n'est qu'un intermédiaire, celui qui fait circuler le fluide entre des vases qui devraient être communicants.. Le voyage a été riche par l'enthousiasme manifesté, par le recueillement pendant les célébrations, par la profondeur des discours et homélies, par la chaleur de l'accueil réservé par les autorités à notre Pape. J'aime l'humilité de cette silhouette fragile, au sourire désarmant de bonté, de douceur, disponible avec les petits, les défavorisés, à l'image du Christ. Cet homme que l'on dit si froid n'est pas celui des embrassades spectaculaires mais peu discrètes; il sait exprimer sa joie, sa reconnaissance en termes mesurés, vrais et le temps qu'il consacre à ceux qui viennent pour le voir, l'entendre, l'approcher est la plus belle marque d'affection paternelle qu'il leur porte. Ses visiteurs y sont sensibles et le remercient, à leur tour, à leur manière. J'aime le regard des très jeunes enfants embrassés par Benoît XVI. Certains le fixent bien droit dans les yeux avec l'air de dire "qui tu es toi?", la croix pectorale attire beaucoup les petites mains en certaines occasions. Moi, telle les grands enfants, je prends beaucoup de plaisir à regarder les magnifiques photos qui offrent tout un éventail des regards et sourires de notre Pape; il ne pose pas, il ne dissimule pas et ses pensées se traduisent par les expressions de son visage. Même pendant les célébrations il a un comportement fort humain et j'aime.
Lorsque je mesure tout ce que Benoît XVI m'a apporté, toutes les richesses auxquelles j'ai eu accès en m'intéressant à ses écrits, à sa personne, à son ministère, je remercie les médias et les laïcs qui ont éreinté, calomnié, tenté de discréditer l'actuel pape car grâce à eux, grâce à la colère, au mépris qu'ils ont déclenchés en moi, j'ai distingué le Cardinal Ratzinger. Je suis tombée dans la marmite et Benoît XVI n'a pas rejoint le cortège des précédents pontifes. Il n'est pas juste devenu une figure à la tête de l'Eglise, cette Eglise dont il m'a fait prendre conscience et qui, avant lui, était une lointaine nébuleuse.