Articles Images La voix du Pape Lectures, DVD Visiteurs Index Sites reliés Recherche
Page d'accueil Articles

Articles


Voyages 2011, en deux collages Liens Le Pape en Espagne Nicolas Sarkozy chez le Pape Synode pour le Moyen-Orient La luce del Mondo

Lumière du Monde, vu par le Père Scalese

Son point de vue est inédit... et ne plaira pas à tous les lecteurs de ce site. Mais il pose - même un peu sévèrement - un problème réel (26/11/2010)

Il ne m'avait pas échappé que depuis une semaine (c'était samedi dernier qu'en plein consistoire, les premières "bonnes feuilles" de Lumière du monde, paraissaient dans l'OR), au milieu du fracas médiatique, le Père Scalese qui pourtant n'a pas l'habitude de se dérober aux questions brûlantes d'actualité, était resté muet. Dans son silence, je croyais percevoir sa réprobation...
Il s'en explique aujourd'hui.

Il pose le problème de façon totalement inédite: non pas les sempiternels "le Pape a-t-il oui ou non ouvert une porte au préservatif?", ou bien "Faut-il, oui ou non admettre l'utilisation du préservatif?" (il admet que c'est une question sérieuse), mais plutôt "le Pape, en tant que Pape, a-t-il eu raison de répondre aux questions d'un journaliste?", et plus largement, "le Pape peut-il encore écrire des livres?".
Car pour lui, le Pape, c'est sacré!

Pour la première question, le doute m'avait effleurée - mais seulement après les premières réactions: d'une certaine façon, le Saint-Père est effectivement "descendu de son trône", et le choix de Peter Seewald peut se discuter.
Mais à moi, et à beaucoup d'autres, ce que pense le Pape, même comme personne privée, importe énormément, même si ce n'est pas une raison suffisante pour justifier le principe de l'interviewe. Je me suis réjouie, de ce livre, quand j'en ai appris l'existence, à la fin de l'été.
Le Saint-Père lui-même a dû hésiter, car il avait répondu "non" à Messori (dont le choix aurait peut-être été plus judicieux, mais aussi trop intellectuel, pour le public visé). Je pense qu'il s'est finalement décidé, car il voulait tourner la page de cette année si difficile, en s'expliquant à la première personne. Quant aux risques, il n'est pas du genre à les esquiver.
Pour la seconde question, je suis nettement plus réservée: car l'ouvrage sur Jésus de Nazareth est sans nul doute considéré par lui comme son grand oeuvre, et restera peut-être comme l'un des actes les plus importants de son Pontificat.

Quoi qu'il en soit, les acclamations - vraiment insupportables - de ceux qui habituellement le traînent dans la boue, la subversion qu'ils font de ses propos, et le trouble de certains catholiques de bonne foi (cf. Luce del mondo: honteuse déformation de "Slate" ) rendent légitimes les perplexités du Père Scalese.
Heureusement, la phrase finale adoucit - et justifie - la rudesse du propos: Que le Pape ne m'en veuille pas; mais, si nous avons pris la liberté de soulever quelque perplexité, c'est parce que nous l'aimons.

Et puis les blogs offrant une réflexion de qualité et vraiment originale sont trop rares sur Internet pour que nous nous privions du plaisir stimulant de leur lecture.
Article en italien ici: http://querculanus.blogspot.com/.. .
Ma traduction.

Vendredi 26 Novembre 2010
"Chacun est libre de me contredire"
-----------------------
Certains de mes lecteurs se demanderont pourquoi je n'ai jusqu'à présent fait aucun commentaire sur la publication du livre-interviewe avec Benoît XVI, Lumière du monde, qui a causé un tel émoi dans les médias. Eh bien, je dois avouer que d'habitude, mon silence n'est pas fortuit: quand je me tais, c'est parce que je veux me taire; c'est parce que je préfère ne pas prendre position sur des questions spécifiques. Cette fois aussi, j'ai été très réticent à intervenir, en particulier parce que le Pape est en cause; et le Pape moi, j'en ai une conception plutôt sacrée: le Pape ne peut pas être critiqué; si on n'est pas d'accord avec lui (ce qui est toujours possible), on se tait.

Qu'est-ce qui, dans ce cas, me conduit à déroger à mes convictions? Le fait que, dans ce cas, Benoît XVI, comme cela a été affirmé de façon autorisée, n'a pas voulu faire un acte magistériel. Dans le préambule de Jésus de Nazareth, il avait dit: "Chacun est libre de me contredire". Je pense que la liberté vaut aussi, a fortiori, en cette occasion.

Certains penseront que je veux critiquer le Pape pour son "ouverture" sur l'utilisation des préservatifs.
Non, je ne veux pas entrer dans le fond des questions abordées dans l'interviewe. Je veux simplement mettre l'accent sur une question fondamentale, disons "procédurale". Je vais être un peu vieux jeu, mais est-il vraiment nécessaire que le Pape écrive des livres et donne des interviews? Personnellement, je trouve cela non seulement inutile, mais également inapproprié.
Pourquoi? Parce que, en écrivant un livre, le Pape n'agit plus comme Pape, mais comme un simple théologien, (autrefois, on aurait dit "docteur privé"). On dira: quel mal y a-t-il à cela? Il n'y a aucun mal, mais dans l'Église, à mon avis, chacun devrait faire son travail: le Pape, le Pape, le théologien, le théologien. Lorsqu'ensuite le Pape accorde une interview, il donne ses opinions personnelles, certes influentes, mais malgré tout opinions. Et pour être honnête, ce que pense le Pape m'est d'un intérêt relatif; ce qui m'intéresse, c'est ce qu'il enseigne.

J'ai l'impression qu'avec les deux derniers pontificats, on ait perdu, au moins en partie, la conscience de la nature particulière du ministère pétrinien: devenant Pape, un homme cesse en quelque sorte d'être ce qu'il était; sa nouvelle charge, dans un certain sens, prend possession de sa personne. On pourrait dire que l'élu devient "un autre". Je ne pense pas que c'est un hasard si le Pape, une fois élu, change de nom (ce n'est pas le cas pour les autres évêques). Je ne pense pas que c'était un hasard si autrefois le Pape, pour parler, n'usait plus de la première personne du singulier («je»), mais du pluris maiestis («nous»). Il est évident que le Pape continuera à avoir ses convictions personnelles, mais celles-ci n'ont plus d'intérêt, elles doivent être mises de côté. Les fidèles n'attendent pas d'être mis au courant de ses opinions, mais d'être confirmés dans la foi. Et dans le cas d'un théologien, comme le Pape actuel? À mon avis, il devrait sacrifier sa science, et se consacrer exclusivement à son service de l'Eglise. Je pense que le dernier Pape qui était pleinement conscient du rôle qui lui avait été confié était Paul VI; il avait certainement ses propres idées; une orientation d'une très grande ouverture intellectuelle l'avait toujours caractérisé; mais, une fois devenu Pape, il fut capable de tout mettre entre parenthèses et de se concentrer exclusivement à la défense du dogme.

Par ailleurs, l'expérience que nous faisons en ce moment devrait nous enseigner qu'il s'agit d'une opération extrêmement risquée, qui finalement pourrait s'avérer contre-productive. Il est vrai que Benoît XVI, à la question du père Lombardi, de savoir s'il réalisait ce risque, a, dit-on, répondu par un sourire (ndt: cf. Seewald, Padre Lombardi, Mgr Fisichella ). Mais personnellement je pense que, dans sa candeur, il n'est pas toujours pleinement conscient de ce que les enfants de ce monde sont plus habiles que les enfants de la lumière [Luc 16:8] (ndt: cf. Transparence ). Précisément dans le livre, à un moment donné, se référant aux discours de Ratisbonne (1), il déclare:

"J'avais conçu ce discours comme une leçon strictement académique, ne réalisant pas que le discours d'un Pape n'est pas considéré d'un point de vue académique, mais politique. Dans une perspective politique, on ne considèra pas le discours en prêtant attention aux détails; un passage fut au contraire extrapolé, et on lui donna un sens politique, qu'en réalité il n'avait pas".

Cette fois, il s'est passé la même chose. De quoi ont parlé des médias ces jours-ci? Parmi les nombreuses questions abordées dans l'ouvrage, ils se sont concentrés exclusivement sur le préservatif (exactement ce que lui-même stigmatise dans l'interviewe), et, ici aussi, sans prêter attention aux détails, ils ont donné à ses paroles un sens "politique", qu'en réalité elles n'avaient pas. Non pas que nous ne puissions affronter ce problème, très grave, de l'usage du préservatif; mais laissons faire les théologiens moraux. Si le Pape le fait, inévitablement, le discours devient "politique".

La seule différence entre les deux situations est que dans le cas de Ratisbonne, ses paroles ne lui ont attiré que des critiques; aujourd'hui, semble-t-il, uniquement du consensus (1) . Mais cela doit résonner comme une sonnette d'alarme.
Paroles de Benoît XVI dans l'interviewe:
"Si j'avais continué à ne recevoir que des éloges, j'aurais dû vraiment me demander si j'annonçais l'Évangile tout entier".

Que le Pape ne m'en veuille pas; mais, si nous avons pris la liberté de soulever quelque perplexité, c'est parce que nous l'aimons.

Note

(1) Sur ce point, je laisse la parole à Yves Daoudal, qui j'espère ne m'en voudra pas de le citer, et qui dit ce que je pense bien mieux que moi:

" Dans ce même livre, Benoît XVI regrette ce qu’il a dit à Ratisbonne, à cause des conséquences que cela a eu dans le monde musulman (et ailleurs), parce qu’il n'avait pas réalisé que le discours d'un pape est toujours compris comme un discours politique.
Sand doute ne l’a-t-il toujours pas réalisé.
Car c’est une « gaffe » analogue qu’il commet avec le préservatif.
En fait, c’est touchant, de voir à quel point ce pape n’est pas « politique ». Il dit ce qu’il a à dire, sans imaginer, sans pouvoir imaginer, que ses propos seront déformés et compris de travers par des gens qui ne s’intéressent à l’Eglise que s’ils peuvent hurler au scandale ou proclamer son ralliement au monde.
Eh bien moi, je le garde comme il est, et en remerciant le Ciel…"

Lumière du Monde: le commentaire de S. Magister Le Pape salue Manuela