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L'Eglise et les medias selon Accattoli

Une réflexion très fouillée du vaticaniste italien, après l'épisode dit "du préservatif". (27/5/2009)

L'épisode du déchaînement insensé contre le Pape à cause de ses propos de sagesse sur le préservatif a été amplement commenté dans ces pages, et je suis vraiment fière d'avoir été l'une des premières, en France - sinon la première, en toute modestie! - à les avoir correctement reproduits, interprétés et diffusés: ICI .
Mais c'était "à chaud".
Il est donc très intéressant, deux mois après, de revenir dessus, pour en tirer des leçons, recadrer les faits, et peut-être imaginer les perspectives.
C'est ce que fait ici Luigi Accattoli , dans ce très long article paru sur son blog fin mars.
Très éminent vaticaniste, son âge (pas si vieux, en fait, une soixantaine d'années, mais dans le milieu médiatique d'aujourd'hui, il doit faire figure de dinosaure...), son expérience, son statut incontesté et justifié de spécialiste (même s'il a une "sensibilité" qui n'est pas exactement la mienne) et surtout sa mise en retrait (il avait raconté, au retour du voyage aux Etats-Unis, qu'il s'agissait de son dernier voyage avec le Pape), lui autorisent une liberté d'expression qui rend son analyse particulièrement pertinente, et même percutante ; il est à noter qu'elle n'a pas été publiée dans le grand journal italien, dont il était une des "vedettes", Il Corriere della Sera, mais dans une confidentielle revue du Clergé italien - "Rivista del clero italiano".

Inutile de dire que je suis d'accord avec une grande partie de son analyse, en particulier son refus d'incriminer la communication vaticane. Je regrette juste qu'il ne soit pas allé (qu'il ne l'ait pas osé?) au bout de sa démarche, dans la recherche des responsabilités. Pas de complot, non, sans doute! J'ai peur de radoter, mais on en revient au faisceau - étrangement - convergent d'inimitiés... Luigi Accattoli, homme de médias, refuse, sans doute par solidarité professionnelle excusable, de voir le complot médiatique, alors que l'unanimité qu'il détaille lui-même (Le tsunami médiatique du 18 Mars ) devrait ouvrir les yeux de chacun.
Un moment d'humour apprécié: Bernard Kouchner prétendant que l'attitude du Pape « révèle peu de compréhension de la situation réelle de l'Afrique ». Je laisse mes lecteurs français apprécier!!!
Et je ne peux m'empêcher de relever avec satisfaction le petit coup de griffe à John Allen! Si le Saint-Père suivait ses conseils, le message de l'Eglise deviendrait de l'eau tiède, et elle perdrait définitivement toute visibilité. Si l'on y réfléchit, le saint-Père a au contraire pratiqué la provocation calculée - c'est ce dont je suis de plus en plus convaincue.

Le texte est très long (et m'a pris pas mal de temps à le traduire), mais sa lecture vaut vraiment la peine.
Sur le vrai message du Pape en Afrique, voir aussi, sur ce site: Paroles d'Afrique.

Une petite remarque non dénuée d'intérêt, pour finir: parlant du Pape, Luigi Accattoli le nomme presque toujours Papa Benedetto ce qui, dans la presse italienne, est une façon à la fois familière et affectueuse de le désigner...
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Texte original ici: http://www.luigiaccattoli.it/blog/...
Ma traduction (indulgence réclamée aux lecteurs, j'ai relu plusieurs fois, mais il peut subsister des coquilles...):

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Église et médias : un rapport problématique

Sur le voyage de Benoît XVI en Afrique (17-23 Mars 2009)

La mission africaine du Pape Benoît - qui a duré une semaine : du 17 au 23 Mars - a fait à deux reprises les premières pages des medias internationaux, avec des titres sur le préservatif comme anti-sida, et sur l'avortement, mais elle n'a jamais obtenu que l'attention du monde se porte sur les maux de l'Afrique et sur les appels du pape pour la délivrance de ces peuples. Les appels étaient bien là, pourtant, tout comme il y avait en Afrique des foules qui ont atteint le million pour la messe de Luanda, mais les responsables de la grande communication ont choisi l'indifférence, en cohérence avec deux convictions paresseuses et partisanes : que l'Afrique est une actualité triste, et que le Pape intéresse lorsqu'il est en conflit avec la liberté sexuelle de l'Occident mais pas lorsqu'il condamne la « cupidité » qui affame les pauvres du monde.

Je reconstruis ici les faits médiatiques qui ont accompagné la mission du Pape et je tente d'en donner une interprétation en rapport avec la substantielle indisponibilité du monde du bien-être quand il s'agit d'écouter le message chrétien. La conclusion est exigeante mais elle n'est pas pessimiste: les medias constituent une épine dans la chair pour les porteurs du message chrétien, mais il ne faut pas en avoir peur et peut-être même que de cet épisode – comme de beaucoup d'autres précédents, toujours concernant l'information sur le Pape – quelque avantage pourrait surgir dans la clarification du rapport église-Monde.
Au moins, la condition de prophète désarmé avec laquelle le Pape Benoît s'est fait l'avocat de l'Afrique est-elle apparue aux yeux de tous.
Les medias et les gouvernements européens ont un peu réalisé qu'ils étaient allés trop loin contre cet homme généreux. Les hommes d'Église ont peut-être appris qu'ils doivent se faire rusés tout en restant sincères, parce qu'il y a un monde aux aguets (prêt au guet-apens) qui les interroge pour pouvoir les accuser, comme cela arriva à Jésus.

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Les faits, et les mirages

Benoît est allé au Cameroun et aussi en Angola afin - comme il l'a dit à l'angélus du 22 Mars – que « les hommes et les femmes de chaque partie du monde tournent leurs yeux vers l'Afrique » si « assoiffée de justice et de paix ».
Mais ce résultat, il ne l'a pas obtenu.

On peut dire que chaque jour le Pape a parlé des chrétiens qui, là-bas, se sont fait les alliés des plus abandonnés. Il a rappelé le « choix des pauvres » accompli par le Synode africain de 1994 et a affirmé avec solennité à Luanda - devant les autorités de l'État et le Corps diplomatique - que «vous trouverez toujours l'Église auprès de plus pauvres de ce continent ». À la communauté internationale il a posé comme « urgent » cet ensemble d'interventions : « coordination des efforts pour affronter la question des changements climatiques, pleine et juste réalisation des engagements pour le développement indiqués par la conférence de Doha, réalisation de la promesse des Pays développés de destiner 0,7 % de leur PIB à l'aide au développement ».

Outre les mots si exigeants du Pape, les medias disposaient du document préparatoire du Synode africain qui se tiendra au Vatican en octobre prochain (il donne comme programme à l'Église africaine « la réconciliation, la justice et la paix »), que Benoît a délivré aux évêques le jeudi 19 à Yaoundé et dans lequel on trouve cette dénonciation des multinationales : « Elles continuent à envahir graduellement le continent pour s'approprier des ressources naturelles. Elles écrasent les compagnies locales, acquièrent des milliers d'hectares en expropriant les populations de leurs terres, avec la complicité des dirigeants africains. Elles apportent des dommages à l'environnement et défigurent la création qui inspire notre paix et notre bien-être, et avec laquelle les populations vivent en harmonie » .

Le pape a apporté un soutien considérable aux épiscopats dans leur dénonciation de la corruption des gouvernants : « Face à la douleur ou à la violence, à la pauvreté ou à la faim, à la corruption ou à l'abus de pouvoir, un chrétien ne peut jamais rester silencieux » a t'il dit le premier jour en arrivant au Cameroun. En cette même occasion, il a prononcé des mots qui devraient nous inquiéter, si nous avions le coeur pour les entendre : qu'aujourd'hui « l'Afrique souffre de façon disproportionnée : un nombre croissant de ses habitants finit par être la proie de la faim, de la pauvreté et la maladie » et cela se produit aussi à cause de la « confusion financière » qui a ses origines et ses responsables dans les pays du bien-être.

Forts, aussi, les avertissements que le Pape a adressés aux africains, en particulier dans l'homélie du dimanche 22 à Luanda, lorsqu'il a dressé la liste biblique des maux que les africains s'infligent à eux-mêmes : « Pensons au fléau de la guerre, aux fruits féroces du tribalisme et des rivalités ethniques, à la cupidité qui durcit le coeur de l'homme, réduit en esclavage les pauvres et prive les générations futures des ressources dont elles ont besoin pour créer une société plus solidaire et plus juste « .

Ayant été 16 fois en Afrique avec Papa Wojtyla, je crois pouvoir affirmer que Benoît XVI ne pouvait pas dire plus qu'il n'a dit. Le Pape était salué sur la route et accueilli à chaque rendez-vous par de grandes foules, pauvres mais joyeuses, et déjà ce fait nous aurait aidé, si nous avions su le cueillir. Et si nous avions su les saisir, les mots du Pape et de ses hôtes nous auraient donné l'opportunité d'apprendre l'importance de l'action de l'Église qui dans ce continent est en prodigieuse croissance : sa cohabitation avec l'Islam, sa lutte contre l'exploitation de l'enfance qui là-bas a des dimensions épouvantables, sa contribution à l'émancipation de la femme, son contraste avec les phénomènes cruels de la sorcellerie et des batailles des tribales.

Mais les medias du Nord du monde ont obscurci tout cela - dirait-on - préventivement, en focalisant l'attention sur la phrase prononcée par Benoît dans l'avion, contre l'idée qu'on puisse « surmonter » le fléau du Sida avec la « distribution de préservatifs » : pendant deux jours et demi, les journaux et les journaux télévisé ont titré sur ces mots, en forçant l'interprétation jusqu'à en faire l'étendard d'une Église catholique obscurantiste, à montrer du doigt comme la véritable entrave à la limitation de la terrible pandémie.

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Les mots du Pape et ceux du porte-parole

Mais tel n'était pas le sens des mots du Pape, qui, comme l'intellectuel sans détour qu'il est, a employé dans la réponse le mot « préservatifs » que le journaliste Philippe Visseyrias de France 2 n'avait pas prononcé dans la question.

La question était : « Sainteté, la position de l'Église catholique sur la façon de lutter contre le Sida est souvent considérée comme irréaliste et inefficace. Affronterez-vous ce thème pendant le voyage ? »
Et voilà la réponse : « Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le Sida est justement l'Église catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui fait beaucoup, visiblement et même invisiblement, pour la lutte contre le Sida, aux Camilliens, à tant d'autres choses, à toutes les Soeurs qui sont à la disposition des malades… Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du Sida seulement avec de l'argent, nécessaire lui aussi, mais s'il n'y a pas l'âme, si les africains n'aident pas (en engageant leur responsabilité personnelle), on ne peut pas le surmonter avec la distribution de préservatifs : au contraire, cela augmente le problème. La solution peut être seulement double : la première, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui porte avec lui une nouvelle façon de se comporter l'un avec l'autre ; la deuxième, une vraie amitié aussi et surtout pour les personnes souffrantes, la disponibilité, même avec des sacrifices, avec des renoncements personnels, à être avec les souffrants. Donc, je dirais, notre double effort de rénover l'homme intérieurement, de donner la force spirituelle et humaine pour un comportement juste envers son corps et celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec les souffrants, de rester présent dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et l'Église le fait, et ainsi offre une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font »

À sa manière, c'est une réponse sage. Peut-être une formulation plus habile ou plus médiatiquement perceptible était-elle possible,- et nous verrons plus loin quelque suggestion dans cette direction - mais nous ne pouvons certes pas dire que cette réponse ait été donnée sans conscience du risque. Que celui qui dans le monde d'aujourd'hui a pu dire ouvertement quelque chose de chrétien qui effleurât la sphère de la sexualité sans s'attirer la dérision lui jette la première pierre!

Comme l'observa le lendemain le quotidien français la Croix, le Pape n'a pas eu « peur d'affronter le sarcasme et les condamnations ».
Aldo Maria Valli sur le quotidien Europa du 19 Mars a remarqué que « Benoît XVI a été courageux lorsqu'il a employé le mot préservatif. Courageux et peut-être même un peu trop confiant, mais il l'a fait, en montrant qu'il n'en avait pas peur ». Je suis d'accord, et j'ajoute qu'il ne craint pas le conflit, lorsqu'il le juge nécessaire, ayant confiance dans ce qu'il prêche.

Face au scandale lancé par les medias, le porte-parole du Vatican a donné le 18 Mars cette interprétation authentique des mots du Pape : « Le Saint Père a réaffirmé les positions de l'Église catholique et les lignes essentielles de son engagement dans le combat du terrible fléau du Sida : primo, avec l'éducation à la responsabilité des personnes dans l'emploi de la sexualité et avec la réaffirmation du rôle essentiel du mariage et de la famille ; secundo : avec la recherche et l'application de traitements efficaces du Sida et leur mise à disposition du plus grand nombre de malades à travers beaucoup d'initiatives et d'institutions sanitaires ; tertio : avec l'assistance humaine et spirituelle des malades du Sida comme de tous les malades, qui depuis toujours est au coeur de l'Église. Telles sont les directions dans lesquelles l'Église concentre son engagement, ne considérant pas que miser essentiellement sur une plus vaste diffusion du préservatif soit en réalité la meilleure, la plus clairvoyante et la plus efficace façon de s'opposer au fléau du Sida et de défendre la vie humaine « .

La déclaration est importante pour placer dans une juste perspective la sortie du Pape, corrigeant ceux qui y avaient vu une condamnation, un ostracisme, un anathème vis-à-vis de la « protection » qui peut venir du préservatif.

Mais peut-être était-il trop tard.
Entre-temps, en outre, d'autres cafouillages s'étaient avérés, pas nouveaux non plus, qui avaient confirmé les media dans la justesse de leur injuste acharnement : je veux parler des corrections apportées par les « fonctionnaires » du Secrétariat d'État aux mots du Pape dans la première version officielle, publiée par eux le 18. Les mots « mais au contraire cela augmente le problème » étaient devenus « le risque est d'augmenter le problème ». Le mot « argent » était devenu des « slogans publicitaires ». Dans un premier temps on avait aussi corrigé le mot « préservatifs », transformée en un plus aseptique « prophylactiques ». Les media - cette fois à juste titre - ont dénoncé ces retouches et le staff vatican a fait marche arrière.

Le père Federico Lombardi - porte-parole du Vatican - expliquera dans une interviewe qu'« un fonctionnaire avait de bonne foi cherché à rendre les mots du Pape dans un italien meilleur, une chose qu'on fait souvent dans les phrases improvisées du Pape » . Je sais bien qu'on le fait souvent et on l'a fait aussi avec les autres papes, y compris les italiens, mais c'est faux et je ne le dis pas du point de vue « vatican », car je n'en ai pas compétence, mais comme homme des medias: ces mots ne tolèrent justement pas d'ajustements.

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Le tsunami médiatique du 18 Mars

Voilà un échantillon des titres des quotidiens italiens du 18 Mars.

Corriere della Sera : « Pape en Afrique : Sida, les préservatifs ne servent pas ».
« Condom inutile contre le sida. Benoît XVI : Les préservatifs font augmenter le problème. Des soins gratis pour tous » est le titre de La Stampa.

La Repubblica est plus agressive : « Contre le Sida non aux préservatifs. Prière et abstinence mais que les soins soient gratis ». « Le tabou du Pontife » est le titre du commentaire d'Adriano Prosperi : « N'est-il pas vrai que cette barrière mécanique protège les femmes et peut empêcher la transmission du virus ? Et donc pourquoi s'obstiner à en prohiber l'emploi? »

« L'ordonnance de Benoît XVI contre le Sida en Afrique : non au préservatif » est le titre du Manifesto : « Benoît XVI a cru bon de commencer son voyage par un violente attaque contre l'emploi du préservatif ».

Il Messagero, en première page, est du côté de Benoît. « Le Pape: Soins gratis pour les malades de Sida ». Mais à l'intérieur il se range derrière les cris de protestation : « Pape en Afrique : un coup au Sida. Soins gratis, préservatifs inutiles. Chasteté et sexe responsable pour freiner l'épidémiologie ».

Liberazione aussi a un titre équilibré : « Le Papa dit non au condom puis demande les soins gratuits en Afrique ». Mais le commentaire de Vittorio Agnoletto - intitulé « le Sida, le pape et le mépris de la vie » - vient déséquilibrer : « Les mots de Papa Ratzinger s'avèrent offensants si on pense qu'il les a prononcés alors qu'il était en voyage vers l'Afrique ».

Compassé, comme toujours Il Sole 24 ore: « Le Pape : on ne combat pas le Sida avec les préservatifs ».

Et compassé pour une fois aussi l'Unità : « Le Pape en Afrique : on ne combat pas le Sida avec le préservatif ». Mais le morceau d'accompagnement nous dégrise vite : « Le Pontife parle d'idéaux mais la réalité est autre chose ».

« L'ombre de l'Église », « l'Église immobile », « le Pontife condamne à mort d'innombrables africains » sont les titres d'articles qui apparaissent le lendemain, 19 Mars, sur la Republicca, la Stampa, Il Manifesto.
À part les titres catholiques, rares sont les quotidiens qui ébauchent une quelconque défense du Pape.
Il Foglio, Libero, Il Giornale et Europa ont ces titres, entre le 19 et le 20 Mars : « L'agression contre Benoît XVI », « Qui critique ainsi le Vatican offense seulement la raison », « le salut ne viendra pas des préservatifs », « le préservatif n'est pas tout ».

La presse étrangère a employé des tons encore plus agressifs. Je me limite à signaler Le Monde pour l'Europe : « Personne ne considère que le préservatif est la solution du problème, mais affirmer qu'il puisse aggraver la pandémie est très grave et irresponsable » ; et le New York Times pour les Usa : « Le Pape s'est mis tristement du côté du tort ».

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Gouvernements, parlements...

.. et organismes internationaux

Le tsunami médiatique en a provoqué un politique.
Pour le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner le Pape « révèle peu de compréhension de la situation réelle de l'Afrique ».
Eric Chevallier, porte-parole du Quai d'Orsay : « Ses mots risquent de mettre en danger les politiques de santé publique et les impératifs de protection de la vie humaine ».
Le ministre de la Santé belge, Laurette Onkelinx, considère qu'ils « pourraient détruire des années de prévention et d'information et mettre en danger beaucoup de vies humaines ».
En Allemagne les ministres de la Santé et de la Coopération déclarent conjointement que « les préservatifs sauvent des vies tant en Europe que dans d'autres continents ».
Le gouvernement espagnol annonce qu'il enverra en Afrique « un million de condoms pour combattre le Sida ».
Le plus haut fonctionnaire de la Santé en Espagne se dit convaincu que le Pape est « mal conseillé » et l'invite « à revoir sa position ».

Le Premier ministre du Luxembourg, le populaire Jean-Claude Juncker, se déclare « alarmé ».
Un porte-parole de l'Union Européenne - Louis Michel - déclare que la Commission « soutient depuis toujours l'emploi des préservatifs : leur fonction contre la diffusion du Hiv est connue ».
« Profondément indigné » c'est le professeur Michel Kazatchkine, directeur exécutif du Fond mondial pour la lutte contre Sida qui demande au pape « de retirer ses affirmations » parce qu'elles sont « inacceptables ».

La réaction institutionnelle la plus opposée au Pape vient le 2 avril du Parlement belge : avec 95 votes pour, 18 contre et 7 abstentions, il approuve une motion qui « sollicite l'exécutif de condamner l'inacceptable prise de position du Pape et de présenter une protestation formelle au Saint Siège ». La premier ministre Herman Van Rompuy s'était engagé à exécuter la motion à condition que le qualificatif de « dangereuse et irresponsable » référée à la position de Benoît soit changée en « inacceptable ».
L'Osservatore Romano du 3 avril a commenté ainsi ce vote : « Le respect évident dû à une institution de représentation démocratique ne doit pas faire oublier celui tout aussi juste vis-à-vis de la liberté d'expression d'une autorité religieuse qui sert de référence à plus d'un milliard de femmes et d'hommes dans le monde entier, surtout lorsque ses affirmations n'ont pas été comprises dans leur intention » .

Je disais plus haut que les gouvernements et les medias se sont peut-être rendus compte, passée la tempête, qu'ils avaient exagéré.
Parmi les différentes preuves, la plus significative est venue de France, qui avait produit le plus grand tapage antipapiste. Le Monde du 10 avril reproduisait deux textes intitulés « le discours de Benoît XVI sur le préservatif est tout simplement réaliste » et « Qu'on cesse de déformer les propos du Pape ». Le 29 Mars le ministre de l'Instruction, Xavier Darcos, revenait polémiquer sur les mots du Pape mais il reconnaissait qu' « ils avaient été un peu déformés ».

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« Qui est derrière » : tous et personne

Pour le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence épiscopale française, il s'est agi d'un « ouragan médiatique » monté « de l'étranger » - autour les Pays africains visités par le Papa - qui a « caché le reste des interventions de Benoît XVI », provoquant la protestation des africains : « évêques, hommes d'État et simples citoyens » (déclaration du 31 Mars).
Les protestations des évêques africains, nous pouvons les signaler avec la note approuvée le 8 avril par la Conférence épiscopale régionale de l'Afrique occidentale francophone : « Il s'est agi d'une déformation de la vérité qui discrédite professionnellement ces communicateurs [la référence est surtout aux media français], parmi lesquels se retrouvent parfois même des africains qui sans honte apportent leur signature à la solde de la richesse souillée de ceux qui déshabillent leurs peuples ».

En Italie, chez les catholiques, le caractère instrumental du tollé médiatique a été remarquée par tous : du missionnaire combonien Giulio Albanese jusqu'au cardinal Bagnasco. « Le scandale sur les propos concernant les prophylactiques ont servi à obscurcir plusieurs messages forts lancés par le Pape, par lesquels il a ouvert le débat, tant sur le leadership africain que sur les agissements des pays européens » dit Albanese le 30 Mars à la revue Tempi.
Le même hebdomadaire dans le même numéro rapportait ces mots du cardinal Angelo Bagnasco : « Le Pape a mis le doigt sur des sujets d'extrême importance qui vont toucher des intérêts économiques et politiques considérables. C’est pourquoi certains milieux haut placés réagissent avec hargne et dérision ». Famille chrétienne du 24 Mars s'était demandée : « N'y aurait-il pas derrière cela les sollicitations de la multinationale du condom? »

Dans une déclaration du 3 avril le cardinal Paul Josef Cordes, allemand, suppose que la nationalité du pape a pu favoriser le déchaînement des gouvernements : « Jean Paul II fut très attaqué mais jamais par les gouvernements. Il me semble que c'est ici la première fois. Peut-être comme polonais Jean Paul II avait-il une plus grande protection au niveau des gouvernements à cause de son origine ».

Pour Giuliano Ferrara (ndt: Il Foglio) l'attitude des media et des gouvernements envers le Pape Benoît est « très différente » de celle observée envers le Papa polonais : « Comme si, en réaction et rétorsion contre un quart de siècle où le monde a subi le Pape, se déchaînait aujourd'hui une grande envie de faire subir au Pape la dictature idéale du monde postmoderne et de son relativisme éthique » (Panorama, 27 Mars).

Personnellement j'insisterais sur la continuité de traitement de la part du « monde » envers les Papes et je ne me sens pas motivé pour chercher des raisons particulières en explication de ce qui est arrivé (???).
Je me retrouve dans les mots du critique de télévision Aldo Grasso, reproduits dans Il Foglio du 21 Mars : « Il n'y a pas, je crois, de complot médiatique derrière la façon dont est traité le Pape. Mais il y a une force d'inertie des medias qui trouvent une cible confortable à frapper. Et lorsque les medias construisent un schéma de représentation, ensuite il est très difficile de le renverser ».

J'apprécie également une remarque de Francesco Paolo Casavola qui a mis le doigt sur la simplification régressive de la polémique publique à l'ère de la télévision : « Qu'il s'agisse de porte-parole de gouvernements ou de personnes ayant une autorité professionnelle ou scientifique particulière, lorsqu'on doit exprimer du désaccord avec le Pape de Rome, on censure asymétriquement et sans appel quelques phrases visant à des contextes bien plus de complexes et plus argumentés » (Il Mattino, 26 Mars).

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Spécificité communicative ratzingerienne

Un commentateur américain des faits vaticans, John L. Allen, répartit les responsabilités entre le Pape et les medias :
« Aux Etats-Unis et dans beaucoup d'autres parties du monde, la couverture a été totalement réservée au préservatif, constamment, par contre en Afrique la visite du Pape a été un succès [...] Cette différence de perception n'est pas exclusivement ni primairement la faute des medias [...] le point essentiel est de savoir si c'était l'instant et le lieu adéquats pour dire ces choses, sachant que cela laisserait dans l'ombre le message que Benoît portait à l'Afrique.
Ce n'est pas la première fois : en vol vers le Brésil en 2007, il répondit à une question concernant l'excommunication des politiciens qui soutiennent le droit à l'avortement, compromettant l'effet du premier jour de sa première visite en Amérique Latine [...]
Benoît aurait pu dire quelque chose du type : « L'Église est profondément impliquée dans le problème du Sida, ce qui explique pourquoi un quart des malades du Sida dans le monde sont soignsé dans des hôpitaux et d'autres structures catholiques. En ce qui concerne les préservatifs, notre enseignement est bien connu, mais ce n'est pas ici l'instant pour en discuter". Cela se serait probablement terminé par : "Benoît a ignoré la question sur les préservatifs", sans soulever le moindre vacarme ».
D'un point de vue factuel, j'apprécie les analyses du collègue Allen mais j'apprécie aussi la franchise du Pape Benoît et je ne l'attribue pas à l'ingénuité mais à la volonté de clarté et à une aptitude déjà signalée à prendre en compte le conflit.
Dans cette lecture, je me retrouve dans ce qu'a dit le 26 février Giampaolo Pansa dans Il Sussidario : « Tout dépend du fait que le Pape est une personne franche, qui parle avec clarté et pour cette raison je ne m'étonne pas du tout qu'ensuite il suscite des réactions. Et il me semble même juste que cela arrive et les catholiques doivent éviter de se scandaliser, en disant que le Pape a été offensé ».

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Ma conviction est qu'il convient de créditer le pape Benoît d'être parfaitement averti des questions, et que le mal que se donnent certains, qui s'ingénient à analyser le dysfonctionnement de la machine communicative vaticane, est déplacé.
Par exemple on affirme que dans le passé il n'y eut « jamais » de tels « incidents » de communication : mais ce n'est pas vrai du tout ! Que dirions-nous de la stratégie informative sous Paul VI, à propos, mettons, d'Humanae Vitae, qui fut publiée fin Juillet comptant sur l'inattention des media, lesquels , au contraire, n'ayant rien d'autre à écrire dévorèrent littéralement le pape ? (..) Ou les premiers signes du Parkinson, durant les années 1993-1996 ?
Comme spécialiste (technicien) en la matière je trouve une seule spécificité communicative de ce pontificat par rapport au précédent, qu'on ne doit pas forcément lire négativement et aux fins de la communication : nous avons à faire à un pape soliste, qui a certes toujours une Curie - et même: la même Curie qu'avant - mais qui n'a plus cette espèce de cour qu'avaient les papes précédents et qui entravait et conditionnait, mais aussi aidait à prévoir, prédisposer et accompagner les actes papaux. Je dirais que le "delta" de la communication médiatique qui se réalisait avec papa Wojtyla aidait à prévoir le terrain pour une réception articulée et relativement flexible des grandes initiatives de la part des opérateurs des medias, alors que l'"estuaire" qui est la marque de papa Ratzinger prédispose à des sorties sans filet : ou cela se passe très bien grâce aux effets surprise et d'univocité, ou cela va très mal parce que le manque de concertation empêche de tenir compte d'éventuelles contre-indications.

Ce qui me conforte dans cette lecture, c'est une réflexion développée par le père Lombardi dans une interviewe du 7 avril à l'agence Zénit, en réponse à la question si le Pape continuera à converser avec les journalistes pendant ses voyages : « Nous verrons, je pense que oui. Dans toute situation il y a des malentendus ou des problèmes. Si on craint cela, il faudrait rester à Rome et ne rien dire.
« Je pense aussi - a t'il poursuivi - qu'il faut avoir confiance dans le fait qu'on fait la chose juste, dans un but juste, sinon on reste bloqués. Le Pape a un message très clair de spiritualité, de paix et de réconciliation qu'il cherche à transmettre même lorsqu'il est compliqué » .
Lombardi ajoutait que le Pape « n'était pas particulièrement troublé par les clameurs, et il a fait allusion aux autres fois où de nombreux medias occidentaux se sont agrippés à quelque aspect de la doctrine de l'Église pour spéculer dessus ».
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Luigi Accattoli
Dans la Revue du Clergé italien 4/2009, pp. 293-303

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Le Père Lombardi s'explique Hors-sujet / coup de coeur: Oscar Wilde